Débats èt recherches LES RADICAUX APRÈS LA RÉVOLUTION DE 1848 par Gil Carl AlRoy ·I P UISQUE NUL PHÉNOMÈNE politique de l'histoire de la France moderne ne semble avoir été -·plus étudié que le radicalisme, il est remarquable qu'un trait extraordinaire de son développement soit resté, à ce jour, des plus obscurs. Nous voulons parler de la disparition du radicalisme du langage politique pendant près de vingt ans, du commencement de la IIe République à la fin du Second -Empire 1 • Le parti s'évanouit, ses membres choisissent d'autres étiquettes et c'est à peine si, de temps à autre, on note l'emploi du terme même de radicalisme. Quoique les dénominations politiques françaises aient souvent souffert d'inconstance, on n'a jamais ob- r. servé reflux aussi massi{ et aussi rapide. L'étendue du phénomène apparaît aisément à la lecture, par exemple, des Souvenirs d'Alexis de Tocqueville : mentionnés très fréquemment jusqu'à la veille de la révolution de Février, le radicalisme et le parti radical ne sont plus par la suite l'objet que de rares références. Comment pareil état de choses a-t-il pu demeurer si longtemps à peu près ignoré ? Les historiens ont généralement rempli le vide en étudiant les faits en fonction de certains hommes, de certaines idées, de certains groupes, antérieurement identifiés au radicalisme. On aboutit ainsi, non à nier la discontinuité, mais à la masquer. On suit les vicissitudes des « radicaux » pendant une période où, pour une raison encore inconnue, personne ne se 1. Etant donné que tous les partis non conformistes ont connu une éclipse sous l'Empire autoritaire, le vrai problème consiste plutôt à expliquer la disparition de l'identification radicale sous la 119 République. BibliotecaGino B.ianco réclame plus du titre. Rare même est la mention de cette discontinuité. Il n'est donc pas inutile de se demander le pourqµoi et le comment d'une telle disparition, voire de s'efforcer d'en tirer quelques enseignements. II L ES CIRCONSTANCES de la diffusion précoce de l'épithète « radical » sont assez claires. Importé d'Angleterre par des ultraconservateurs, le terme désigne, de façon péjorative, leurs adversaires extrémistes. Il connaît une popularité de courte durée vers 1820, particulièrement après l'assassinat du duc de Berry. Comme les révolutionnaires refusent· d'accepter le sens péjoratif du mot, il disparaît jusqu'en 1830. C'est vers 1835 qu'il s'enracine dans le vocaqulaire politique, à la suite des lois de septembre, réaction de la monarchie de Juillet à l'attentat contre le roi. L'article 7 interdisant, sous peine de fortes sanctions, l'usage du mot « républicain », les républicains vont de ·.plus en plus avoir recours à l'euphémisme de « radical ». A l'époque, l'usage ne fait cependant pas de « radical » et de « républicain » de parfaits synonymes : le premier implique une certaine intransigeance qui est étrangère au second. Dans le mécontentement grandissant contre la monarchie de Juillet, la nouvelle opposition « radicale » ( ou parti radical), sous la direction de G_arnier-Pagès l'aîné, acquiert vite une importance sans précédent 2 • Importance due en grande partie à sa position stratégique entre 2. Cf. Léon Faucher : • L'opposition et le parti radical•, in Revue des Deu:c Mondes, 1er nov. 1837. .
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==