288 soir même, à 8 heures, il quitta la caserne en ·compagnie de ses aides de camp et monta avec eux dans une voiture d'état-major russe - une Pobiéda - qui les mena au Parlement. De là, la délégation du gouvernement hongrois se dirigea vers Tokol, à une vingtaine de kilomètres au sud de Budapest. La délégation arriva au quartier général soviétique à 10 heures du soir et fut reçue avec cérémonie par un général tandis qu'un piquet d'honneur présentait les armes. Les négociations, menées du côté soviétique par les généraux Malinine, Tcherbanine et Stépanov, furent entreprises dans un climat d'entente et de cordialité apparentes. L'accord s'étant fait sur les points essentiels, il ne restait à résoudre que des questions de détail. Périodiquement, la délégation hongroise en rapportait les progrès, par téléphone, à l_mre Nagy. Vers minuit, les communications entre Tokol et le Parlement à Budapest furent brusquement . interrompues. Impuissants à agir, les chefs du gouvernement demeurés dans la capitale ne pouvaient que se demander ce qui se passait. Six ans plus tard, Sandor Horvath, ex-soldat de l'armée hongroise, qui avait accompagné Maleter à Tokol à titre de garde du corps et fut le témoin oculaire des événements qui suivirent, en donnait le compte rendu suivant : Tout semblait se dérouler normalement dans le bureau où avaient lieu les négociations. C'est du moins l'impression que nous avions dans l'antichambre, à en juger par ce que nous pouvions entendre des délibérations qui avaient lieu à l'intérieur (...). Puis, vers minuit, vingt miliciens soviétiques coiffés de casquettes vertes firent brusquement irruption dans la pièce (...). Ils crièrent une consigne et braquèrent leurs mitraillettes sur notre délégation (...). J'observais le chef [Maleter] par l'ouverture de la porte, qui avait été enfoncée (...). Les autres étaient pâles (...) mais son visage demeura impassible. « C'était donc ça ! », dit-il aux Russes en se levant calmement. J'empoignais ma mitraillette, pensant pouvoir tirer quelques rafales sur les hommes aux casquettes ·vertes avant qu'ils puissent m'avoir, mais il était trop tard. Deux miliciens se saisirent de moi et il y eut bagarre. Je parvins à me dégager un instant et à ressaisir mon arme quand le chef me cria : «. Arrêtez ! Cela ne sert à rien de résister... » Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Ses paroles avaient toujours été des ordres pour moi, et je leur laissai prendre ma mitraillette. Par la suite, d'aucuns ont prétendu que le général Ivan Serov, chef des services de sécurité soviétiques, était lui-même à la tête des miliciens du M.V.D. qui procédèrent à l'arrestation de la délégation hongroise, et que les généraux soviétiques présents avaient même manifesté quelque opposition. Ce sont là des assertions ridicules. Comme il a été établi par la suite, les Russes se préparaient dès le 2 novembre à effectuer une deuxième intervention Biblioteca Gino B:ianco LE CONTRAT SOCIAL dans les domaines militaire et politique. C'est tout simplement pour réduire au minimum la résistance à laquelle ils pouvaient s'attendre qu'ils avaient attiré les chefs des forces armées hongroises dans ce piège. C'est la raison pour laquelle Malinine et consorts s'étaient montrés si cordiaux dans leurs rapports avec les ·représentants hongrois au Parlement à Budapest, et c'est pourquoi ils avaient proposé de poursuivre les négociations à Tokol dans la soirée du 3 novembre. L'Union soviétique ne voulait courir aucun risque dans sa guerre contre la Hongrie minuscule, et elle ne montra aucun scrupule quant au choix des méthodes. •*• IMMÉDIATEMENaTprès leur arrestation, les membres de la dél~gation hongroise furent gardés à vue dans l'une des salles du quartier général. Un peu plus tard, des gardes armés menèrent les prisonniers dans la cour, l'un après l'autre. Dès que la porte s'était refermée sur l'un d'eux, on entendait une rafale de mitrailleuse, ce qui portait ceux qui étaient encore dans la pièce à croire que leurs camarades venaient d'être exécutés et qu'ils allaient subir le même sort. En réalité, les Russes tiraient en l'air : tout cela n'était qu'une farce macabre, soigneusement réglée, visant à réduire par la terreur les Hongrois à la soumission. La mise en scène eut l'effet souhaité. Un par un, les prisonniers se laissèrent conduire sans résistance vers un autre bâtiment où ils furent enfermés au sous-sol dans des cellules séparées. Le général Maleter et ses compagnons furent gardés à Tokol jusqu'au 9 novembre. Juste avfnt l'aube, ils furent conduits au petit aéroport de Csepel · et mis à bord d'un avion qui les mena a l'aérodrome Matyasfold, situé à quelques kilomètres à l'est de Budapest. Maleter, sous forte escorte, fut conduit de là en voiture jusqu'au quartier résidentiel de Pest .réservé aux diplomates et fonctionnaires soviétiques, ·et enfermé dans la cave d'une villa . . . . convertie en prison prov1so1re. A partir de ce moment, le sort de Maleter fut enveloppé d'un profond silence, rompu seulement de temps à autre par des rumeurs non confirmées. Selon certains. bruits, il aurait été transféré en Union soviétique. La Frankfurter Allgemeine Zeitung fut le premier journal à laisser en);endre, le 18 janvier 1957, que des dispositions étaient prises en vue du procès de Maleter. Au début de février 1957, un commerçant autrichien du nom de Hans Petrakovitz, qui avait été emprisonné pendant quelque temps à
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