Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

P. GOSZTONY M ALETER apprit le soir même qu'il était élevé au rang de major-général et nom- .mé ministre adjoint de la Défense. Ses nouvelles responsabilités le retinrent dès lors presque constamment au Parlement. Bien que les troupes soviétiques aient commencé à évacuer, comme convenu, la capitale et ses environs, des rapports mentionnant l'arrivée de renforts soviétiques en Hongrie causaient de graves soucis au gouvernement. Maleter comprit vite le sens de ce présage sinistre, espérant toutefois que la menace d'une nouvelle intervention -soviétique pouvait être écartée si l'ordre intérieur était promptement rétabli et les ouvriers persuadés de reprendre leur travail. C'est pourquoi il fit personnellement appel aux travailleurs dans un message radiodiffusé les exhortant à mettre fin à la grève générale et il rendit visite au cardinal Mindszenty dans son palais de Buda pour lui demander de prêter son appui au gouvernement Nagy. En dépit des mouvements menaçants des troupes soviétiques, le général Maleter sembla penser un moment que les Russes pourraient bien tenir leur parole. Dans la soirée du 2 novembre, il revint à la caserne Kilian en compagnie du major-général Istvan Kovacs, nouveau chef de l'état-major général, et du colonel Szucs, du ministère de la Défense. Il était en verve et déclara au capitaine Csiba et à d'autres officiers de la garnison : « La paix est proche. Les Russes ont consenti, en principe, à retirer définitivement leurs troupes de Hongrie. » · Au cours de la soirée, Maleter parla longuement de l'avenir de la Hongrie : Nous voulons une Hongrie socialiste, cela ne fait aucun doute. Nous ne rendrons pas les terres, les usines ou les banques à leurs anciens propriétaires : nous ne voulons plus de ce genre d'exploitation. Notre première tâche consiste à rétablir l'ordre. II faut nous mettre au travail et assurer le calme ; c'est le seul moyen que nous ayons d'exercer quelque influence sur les Soviétiques. Le capitaine Csiba mentionna la menace que faisait peser l'arrivée de renforts soviétiques en Hongrie. Maleter secoua la tête et répondit : L'Union soviétique a déjà en Hongrie des forces dépassant de loin ce que nécessiterait une action contre nous. Selon moi, la concentration est dirigée contre l'Occident : les Soviétiques veulent probablement faire une démonstration de force. Pour nous, l'essentiel est de ne pas violer le cessez-le-feu, même par un seul coup de feu. Une telle erreur pourrait avoir des conséquences d'une portée incalculable. Ne perdons ,pas notre sang-froid ; il nous faut rester calme et ~tre prudents. Biblioteca Gino Bianco 287 Là est sans doute la seule réponse à la question si souvent posée par la suite : pourquoi le général Maleter n'a-t-il pas mobilisé et concentré ses forces dans l'éventualité d'une deuxième attaque soviétique sur Budapest? C'est, à notre avis, parce qu'il reconnaissait avec réalisme que si l'U.R.S.S. avait l'intention d'écraser la révolution par la force, la Hongrie ne pouvait espérer lui résister efficacement. LE SAMEDI3 novembre, Maleter se rendit de bonne heure au Parlement pour y reprendre les négociations avec la délégation militaire soviétique, dirigée par le général Malinine. Les entretiens eurent lieu dans une ambiance apparemment amicale et l'on aboutit à certains accords de principe quant au retrait des troupes soviétiques tenant garnison en Hongrie, y compris l'acceptation par les Soviétiques d'une date limite d'évacuation fixée au 15 janvier 1957. De retour à la caserne Kilian en fin d'aprèsmidi, Maleter montra le compte rendu de la réunion à plusieurs de ses officiers, parmi lesquels le capitaine Csiba. Il était optimiste et dit à ses subordonnés qu'il se rendrait le soir même au quartier général soviétique de Tokol pour mettre au point le détail de l'évacuation. Outre Maleter qui en serait le chef*, la délégation hongroise devait se composer du ministre d'Etat Ferenc Erdei, du major-général Istvan Kovacs, chef de l'état-major général, et du colonel Szucs, du ministère de la Défense. A Kilian, les subordonnés de Maleter - qui avaient suivi de près les rapports sur les mouvements ·soviétiques vers la capitale - étaient loin de se réjouir de sa décision d'aller à Tokol. Le capitaine Csiba éleva même une protestation : « Mais supposez, camarade général, que la réunion soit prétexte à vous tendre un piège ? Ils peuvent projeter de vous arrêter ou simplement de vous garder là-bas... » « Je ne peux pas croire qu'ils fassent une chose pareille », répondit Maleter, qui continua, après une brève hésitation : « Mais qui sait ? De telles choses se sont déjà produites au cours· de l'histoire - et même assez fréquemment dans l'histoire soviétique. Mais même s'il devait en être ainsi, mon devoir est d'assister à cette réunion. Restez ici et ouvrez l' œil pour moi ! » Ce devait être les dernières paroles que Maleter adressa aux officiers de Kilian. Le • Le même Jour (3 novembre), Malcter remplaça le lleutenant-général Karoly Janza au poste de ministre de la Défense du gouvernement Nagy. , ,

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==