Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

LE GÉNÉRALMALETER par Peter Gosztony LE LIEU : Budapest. La date : 24 octobre 1956, entre 7 et 8 heures du matin. Un officie.t grand et mince, d'allure encore jeune et portant l'uniforme et les insignes de colonel de l 'Armée populaire hongroise, se hâte à travers les rues de Buda, le vieux quartier de la capitale, longeant la rive occidentale du Danube, vers son quartier général à la citadelle. C'est Pal Maleter, ex-officier des blindés occupant actuellement - dans une armée qui compte plus de 2.000 colonels - le poste obscur de commandant des forces techniques auxiliaires. Les dix jours qui suivirent devaient cependant faire de lui l'un des héros de la révolution hongroise de 1956. Bien que dans les rues de Buda règne encore une tranquillité trompeuse, au matin du 24 octobre, la capitale est déjà dans un état de chaos croissant. Ce qui avait commencé l'aprèsmidi du jour précédent comme une manifestation de masse pacifique de la part d'étudiants et d'ouvriers réclamant une plus grande liberté politique et la fin de la terreur exercée par la police de Rakosi s'était soudainement changé en carnage, la police secrète (A.V.H.) - exécrée du peuple - ayant tiré sur la foule non armée. Les manifestants s'étaient alors procuré des armes et avaient riposté dans un brusque déchaînement de fureur. Tôt dans la matinée du 24, les tanks soviétiques étaient entrés en action, à la demande des autorités, et l'insurrection s'étendait rapidement. Lorsque le colonel Maleter arriva au quartier général de la rue Uri, il y régnait une activité fébrile et la plus grande confusion. Le téléphone sonnait, des messagers allaient et venaient et toutes sortes de rapports contradictoires affluaient de Pest - le quartier Est Biblioteca Gino Bianco de la ville, situé sur la rive opposée du Danube - concernant des combats en différents endroits. Maleter s'inquiétait surtout de la situation à la caserne Kilian, édifice massif, vieux de deux siècles, situé au cœur de Pest, qui abritait quelque 1.000 auxiliaires techniques, pour la plupart de nouvelles recrues placées sous son autorité directe. Les communications avec la caserne étaient coupées depuis la veille au soir, un groupe de manifestants ayant forcé les portes et s'étant emparé sans effusion de sang des armes et muni tians de ·la garnison. En l'absence d'ordres, le capitaine Csiba, commandant de la caserne, avait décidé de ne pas s'opposer aux émeutiers et de rester « neutre ». Peu de temps après l'arrivée du colonel, le capitaine Csiba réussit enfin à toucher le quartier général par téléphone. Il fit son rap!)ort et ajouta que des tanks soviétiques étaient apparus sur les lieux au point du jour et avaient ouvert le feu sur la caserne, la croyant manifestement aux mains des insurgés. (En fait, les tanks avaient essuyé des coups de feu de la part d'insurgés postés dans le passage Corvin voisin, si bien que leurs servants avaient cru que les coups étaient tirés de la caserne.) En réponse à la demande d'instructions de Csiba, le colonel Maleter promit d'obtenir dès que possible des éclaircissements sur la situation. A dix heures du matin, toutefois, Maleter reçut par téléphone du ministère de la Défense l'ordre de s'y présenter à midi pour assumer la permanence du bureau des opérations de l'état-major général. Bien que le ministère fût situé à Pest, de l'autre côté du fleuve et à une certaine distance du poste de commandement, Maleter et un petit nombre d'officiers décidèrent de s'y rendre à pied, en raison de

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