Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

M.N. ROY de l'homme et ses relations. Nombre de jeunes officiers aigris des armées austro-hongroises vaincues étaient orientés vers la Russie, ainsi que Bismarck l'avait prôné. Peu importait le communisme : ils étaient des « bolchéviks nationaux » prêts à s'allier avec le diable pour venger la défaite et l'humiliation. Notre enquête assidue sur le sort des valises et nos tentatives pour les récupérer à tout prix lui avaient donné à réfléchir. Personne ne s'inquiéterait autant de la perte de deux valises ordinaires, si bonnes soient-elles, et personne ne risquerait autant pour les ravoir. Elles devaient présenter une valeur -et un intérêt particuliers. L'histoire des bolchéviks passant les frontières avec des joyaux de la Couronne pour les transformer en argent comptant se chuchotait à l'époque à travers toute l'Europe. L'aristocrate se montrerait fidèle à son amitié fortuite. La police américaine de l'île l'avait pris pour un excentrique et il avait gagné la confiance des Noirs indigènes. Il s'assura que les valises étaient sans surveillance à l'endroit où il avait été retenu· prisonnier. Les douaniers américains étaient trop bien payés pour songer au pillage. Avec l'aide de subalternes noirs, employés à la douane, il rentra en possession des valises et prit le premier navire en partance pour un port américain. Les autorités ne s'inquiétèrent pas des mouvements d'un homme qui avait . « une case en moms ». Le premier parti communiste hors de Russie IL FUTDIFFICILEde garder le secret sur la visite de Borodine. Nous tînmes la presse à l'écart de la nouvelle. Mais certains membres du parti socialiste avaient dû être mis dans la confidence. La nouvelle passionnante de la présence d'un émissaire bolchéviste dans le pays comme hôte du secrétaire général filtra à travers les rangs des militants. On exigea la réunion d'une conférence extraordinaire pour définir l'attitude du parti envers la révolution russe et pour faire une déclaration sur son affiliation internationale. Je dus introduire Borodine à une réunion secrète de l'exécutif du parti, tenue spécialement à cet effet. Dans cette circonstance, il se sentit très embarrassé et refusa de prendre la parole. En son nom, j'expliquai l'objet de sa visite : il s'agissait d'un sondage et en même temps d'annoncer la fondation de la Ille Internationale, laquelle avait repris le terme de « communiste », employé par Marx et Engels, pour se distinguer de l'aile gauche pseudo-révolutionnaire de la IIe Internationale social-démoBiblioteca Gino Bianco 279 crate réformiste. Outre le parti bolchéviste russe, des délégués des ailes gauches des partis social-démocrates et des groupes indépendants révoh.itionnaires de gauche, tels que les spartakistes d'Allemagne, avaient assisté au congrès international qui avait résolu d'organiser des partis communistes dans tous les pays du monde. Mais jusqu'au milieu de l'année 1919, aucun parti communiste n'avait été formé nulle part. Pourquoi le Mexique, fidèle à sa tradition révolutionnaire, ne prendrait-il pas les devants ? La réponse fut un enthousiasme délirant. Sur ma proposition, il fut décidé de convoquer une conférence spéciale du parti socialiste et des organisations parallèles (anarchistes et syndicalistes sympathisant avec la révolution russe) pour fonder le premier parti communiste hors de Russie. Borodine était ravi et il voulut transmettre la nouvelle au quartier général de la révolution mondiale. Sa mission dans le Nouveau Monde portait ses fruits. Mais on ne pouvait se passer de l'aide du gouvernement mexicain. A ce moment-là, la Russie n'avait aucune liaison pos- , tale avec le reste du monde. La seule voie pour faire parvenir des nouvelles à Moscou passait par les pays scandinaves, où le Mexique avait des agents diplomatiques. Mais ce canal ne pouvait être utilisé pour notre objectif révolutionnaire, sauf sur l'ordre du président de la République. J'étais en position délicate. Pour des raisons opportunistes, et peut-être aussi par solidarité de classe. Carranza était proallemand. Mais pouvais-je espérer que l'aversion de l'aristocrate colonial pour les puissances de !'Entente aille jusqu'à le faire aider les bolchéviks ? Je décidai de prendre le taureau par les cornes. Après la défaite de l'Allemagne, le président Carranza était en difficulté. En face de son puissant voisin, il n'avait plus aucun allié. Il était trop tard pour se réconcilier avec les Etats-Unis. Il avait brûlé ses vaisseaux et devait tenir coûte que coûte sur ses positions. Patronné par le puissant voisin, Obregon était ouvertement sur le sentier de la guerre. Dans cette situation désespérée, Carranza pouvait accueillir favorablement la possibilité d'une alliance avec le nouveau régime russe. Mais quelle aide concrète ce dernier pouvait-il offrir ? Cependant, avec le consentement de Borodine, je projetai de lui faire rencontrer le président Carranza. Ce dernier accepta une invitation à dîner, à l'occasion de laquelle un ami à moi récemment arrivé au lvlexique aurait le privilège de lui être présenté. Don Manuel, président de la Chambre des députés, Maestro •

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