MICHEL BORODINE EN AMÉRIQUE (1919)* par M. N. Roy Avant-propos UN DES PREMIERS ÉMISSAIRES du pouvoir soviétique en 1919, et le premier chargé de mission en· Amérique, fut Michel Markovitch Borodine, militant bolchéviste obscur dont la littérature journalistique devait faire dix ans plus tard un personnage légendaire à l'occasion de péripéties révolutionnaires en Chine. Rien de ce qu'a « révélé >> la presse occidentale à son sujet ne mérite créance et une mise au point relative à sa personne ainsi qu'à son rôle sera sans nul doute fort utile aux historiens sérieux du mouvement communiste qui, en même temps, apprendront quelque chose des méthodes de « travail » mises en œuvre à certaine époque et aussi des origines du parti communiste au Mexique : ce qui concerne en particulier Borodine et sa première mission vaut également pour d'autres agents de Moscou et s'applique à d'autres situations dans le sens le plus général. Borodine était né à Ianovitchi, province de Vitebsk, en 1884. Tout jeune étudiant il adhéra au Bund (Union ouvrière juive générale de Russie et de Pologne) et en 1903 se rallia à la tendance bolchéviste de la social-démocratie. Il milita en Lettonie sous le sobriquet de «Cyrille» et fut délégué de Riga au VIe Congrès social-démocrate de Russie tenu à Stockholm en 1906. A la suite d'un emprisonnement, il émigra aux Etats-Unis, vécut à Chicago, devint membre du Socialist Party of America. Après la révolution de 1917, il rentra en Russie comme la plupart des socialistes en exil volontaire ou forcé, se fixa à Moscou et, au début de 1919, le gouvernement soviétique et le secrétariat de l'Internationale communiste alors ouvertement cenfondus l'envoient aux EtatsUnis, d'où il partira pour le Mexique dans les • Extrait du recueil : Contribution& d r hlatoire du Comlntern 1 publiée• 1ou1 la direction de Jacques Freymond, Genève, institut universitaire de■ Hautes Etudes lnternationale1, Llbralrte Droz, 1965. Le Contrat aoclal, n° 3 de 1966, a rendu compte de cet Important recueil documentaire, sou1 la 1ignature de Claude Hannel. Biblioteca Gino Bianco conditions relatées ci-après. Sa m1ss1on, son séjour et son activité en Amérique font, dans les Mémoires de Narendranath Roy, l'objet d'un chapitre digne d'attention à divers titres. L'auteur de ces pages captivantes, né Narendranath Bhattacharjya en 1887 dans le Bengale, avait pris part dès,sa jeunesse au mouvement nationaliste antibritannique aux Indes. Pendant la guerre de 1914, il entra en rapports avec les Allemands pour en recevoir « de l'or et des armes >>, dit sa biographie officielle. Il se procura ainsi des fonds en 1915, mais pas d'armes, et il partit pour les Etats-Unis en passant par la Chine et le Japon. Il arriva au printemps de 1916 à San Francisco, « déguisé en étudiant théologien chrétien, Father Martin ». Il vécut deux mois à Stanford, en Calüornie, où il adopta le nom de M. N. Roy et fit connaissance avec l'étudiante américaine Evelyn qui devint son épouse. Il se rendit à New York, y « prit contact encore une fois avec les Allemands », mais pour se soustraire à la surveillance de la police, il dut partir pour Mexico en mars 1917. Là, il fréquenta les milieux socialistes jusqu'à devenir secrétaire de leur parti et se lia même d'amitié avec le président Carranza dont l'hostilité envers les Etats-Unis s'accordait avec celle de Roy envers l'Angleterre. Au milieu de l'année 1919, Borodine arrive à Mexico et c'est alors que prendront place les épisodes racontés dans le chapitre que l'on va lire1 • A travers ce témoignage unique en son genre, il y a bien des poncifs anachroniques et des 1. Les détails précis et notamment ceux qui figurent entre «ulllemets sont empruntés à: M. N. Roy, philosopherreuolullonary, a 1ympoalum compiled and edited by Sibnarayan Ray, Calcutta 1959, et à: M. N. Roy, par Shri Phanibhusan Chakravartti, Calcutta 1961. On verra plus loin, d'après l'aide financière donnée à Borodine par Roy, que celui-et disposait d'amples ressources dont il ne dissimule nullement la provenance allemande. Il faut noter ici que lei communistes au temps de Lénine, français entre autres, Ignoraient alors complètement ces choses. La Petite Encyclo~die Sor,létique, t. VII, de 1931, dit que Roy, • dès le début de la guerre mondiale, s'orienta sur l'impérialisme allemand, escomptant son aide dans le mouvement de libération •· Mais Roy avait été exclu du Parti et du Comtntem en novembre 1929 : de ses accointances avec l' • impérlalt1me allemand•• il ne fut Jamais quflltion auparavant. ,.
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