Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

266 Rankovitch que des nouveaux courants qui se ·manifestent à l'intérieur du Parti, est hors de course. En admettant que les Serbes puissent s'accommoder d'un Macédonien, Krste Crvenkovski a sa chance. Quant aux Slovènes, Edvard Kardelj semble le moins bien placé, car il a perdu tout poids en Slovénie même; Miha Marinko, lui, peut l'emporter. Parmi les Croates, Bakaritch n'a rien à espérer, en raison de ses idées très tranchées; le seul Croate possible pourrait être Mika Tripalo, lequel a adopté jusqu'à présent une attitude plus réaliste en fa~sant cause commune avec les réformistes tout en gardant le contact avec le centre traditionnel du pouvoir. Bakaritch préférerait assurément avoir affaire à Tripalo. Tout récemment cependant, une nouvelle formule s'est fait jour, celle d'une direction collégiale, déjà e_nusage dans· les commissions où chaque république se trouve représentée par des membres en nombre égal. Dans le cas de la .présidence, chaque république déléguerait l'un de_ses membres nommé pour deux ans. Pareille solution aurait l'avantage de résoudre le problème le plus épineux, celui des nationalités. Ainsi, le conflit entre centralisme et fédéralisme se poursuivra jusqu'à ce que l'un de~ deux l'emporte. La limitation du pouvoir centralisateur semble devoir être l'enjeu de la lutte, en attendant qu'un fédéralisme confédéral s'impose comme. nouvelle structure de l'Etat. Si la confédération l'emporte sur le fédéralisme « centralisateur », l'Etat aura de meilleures chances de se libéraliser et le conflit des nationalités pourra plus facilement se résoudre, ce qui fortifierait l'existence de l'Etat multinational. Tant que Tito est en selle, on· e peut se demander si ·l'état actuel des choses · permettra d'aller jusque-là. En attendant, la solution ·de la crise intérieure doit être recherchée par des méthodes plus libérales. Or, ainsi que le révèle l'affaire Mihajlo Mihajlov, les .mé- - . Biblioteca Gino Bi-anco LE CONTRAT SOCIAL thodes demeurent celles de la police, non pas celles d~ « socialisme démocratique » : Mihajlov avait, à juste titre, proposé de favoriser une opposition constructive dans les limites de la Constitution. L'arrestation de Mihajlov et la décision « administrative » de le priver des· droits que la Constitution lui accorde est une nouvelle preuve que la Sécurité d'Etat est plus forte que la Ligue des communistes. Les décisions. du quatrième plénum, dont il est tant question, sont bafouées par les méthodes policières toujours en usage. Si Tito avait été conséquent avec ses déclarations à la dernière réunion du Comité central, il aurait au moins fait semblant d'ignorer la minuscule opposition de Mihajlov qui ne pouvait en rien porter atteinte à son pouvoir absolu. Ce qu'il a fait prouve qu'avec ou sans Rankovitch, l'Etat totalitaire est incapable de supporter la moindre voix dissonante traduisant 1e désir de liberté des jeunes générations. Si cela n'est pas toléré sous Tito de peur que le régime n'en soit ébranlé, on_peut· sans peine. imaginer ce qui arrivera lorsque Tito ne sera plus là. Les héritiers présomptifs sont loin d'avoir trouvé un dénominateur commun permettant d'assurer à la Yougoslavie la sécurité dont elle a besoin pour maintenir ensemble les diverses. nationalités qui la composent. L'évolution à l'intérieur du Parti montrera jusqu'à quel point la direction est capable de procurer cette sécurité. Cela dit, le dernier plénum a démontré que les communistes yougoslaves n'ont pas résolu les questions fondamentales dont dépend la survie du régime : coexistence des nationalités, amélioration des conditions économiques, démocratisation de l'Etat. L'avenir montrera si les dirigeants sont capables de réaliser ce qu'ils n'ont pu faire pendant deux décennies, malgré leurs promesses et leurs efforts. BoGDAN R.An1TsA. . (Traduit, de l'anglais). ' , <.r ... :

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