revue histori'lue et critique Jes faits et Je1 iJée1 Juillet-Aolit 1966 Vol. X, N° 4 PERSPECTIVE D'ANNIVERSAIRE par B. Souvarine L E CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE du coup d'Etat appelé révolution d'Octobre est proche et il faut prévoir que la propagande communiste, qui depuis bientôt un demi-siècle inonde inlassablement la planète, décuplera ses initiatives et ses moyens de persuasion pour la circonstance. L'argument de la « durabilité » du régime soviétique déjà en usage de longue date sera mis en avant comme une preuve d'excellence réfutant les critiques les mieux fondées. On s'étonne que ce sophisme soit accepté aussi aisément par ceux qui, en Occident, se donnent mission d'opposer une résistance intellectuelle pertinente à l'expansion du communisme. En effet, le régime soviétique a duré, mais en reniant son programme initial, ses principes de fondation et jusqu'à sa raison d'être. Ce qui a duré, ce n'est pas le régime improvisé en Octobre au nom du prolétariat, c'est le parti qui avait reçu le pouvoir saisi de vive force par le Comité militaire révolutionnaire du soviet de Pétrograd et qui a réussi à le conserver en se transformant lui-même en une oligarchie omnipotente étrangère au prolétariat dont elle se dit mandataire pour exercer la dictature. Lénine avait promis textuellement la « suppression de la police, de l'armée, du fonctionnarisme », l'égalisation du traitement des fonctionnaires, élus et révocables en tout temps, sur le « salaire moyen d'un bon ouvrier ». Il s'engageait à instaurer un nouveau type d'Etat « comme la Commune de Paris en a donné la figure », donc un régime fédéraliste de communes autonomes, un pouvoir géré par des représentants élus librement au suffrage universel et secret sans distinction de classes. Se référant constamment au précédent de la Biblioteca Gino Bianco Commune parisienne, il affirmait que « dans la mesure où les soviets existent, ( ...) il existe en Russie un Etat du type de la Commune de Paris ». Il préconisait « le remplacement de l'armée permanente par l'armement général du peuple », ainsi que « le remplacement de la police par une milice populaire [dans laquelle] entreront tous les citoyens et citoyennes de 15 à 65 ans ». Enfin il écrit L'Etat et la Révolution pour systématiser ces mêmes propositions à l'appui de sa théorie principale professant que « l'Etat prolétarien commence à dépérir aussitôt après sa victoire, car dans une société sans classes, l'Etat est inutile et impossible ». Les bolchéviks exigeaient du Gouvernement provisoire socialiste-libéral, entre autres, l'abolition de la peine de mort et l'élection urgente de l'Assemblée constituante. Ils prétendaient que « le Congrès des soviets assurera la convocation de la Constituante » et que le pouvoir soviétique « garantira à toutes les nations habitant la Russie un droit véritable à disposer d'elles-mêmes ». Lénine a précisé qu'il s'agissait de « la restitution immédiate et intégrale de leur liberté à la Finlande, à l'Ukraine, à la Russie-Blanche, aux Musulmans, etc. », ajoutant « jusques et y compris la liberté de séparation ». En matière agraire, il réclamait la nationalisation des terres dont les soviets locaux devaient fixer les « conditions locales de possession et de jouissance » en attendant une solution définitive par l'Assemblée constituante. Il s'engageait à respecter « la décision des masses, même si elle ne concorde pas avec nos opinions ( ...). Même si les paysans· suivent encore les socialistes-révolutionnaires, même s'ils donnent à ce parti la majorité à la Constituante ... » ,.
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