Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

196 d'échapper au massacre, les a laissés reprendre en main la situation. Mais le mauvais coup avait bien failli réussir, et en ce cas l'Indonésie avec ses cent millions de sujets serait aujourd'hui satellite de la Chine communiste, la balance des forces aurait chaviré dans toute l'Asie du Sud-Est, la stratégie du Pacifique et des mers du Sud aurait été remise en question et c'est alors qu'un immense conflit serait à l'ordre du jour dans cette partie du monde. La réaction populaire contre les Chinois, si nombreux dans les îles indonésiennes, a été d'une violence extrême et elle dure encore, sans nul doute avec son cortège d'arbitraire et d'injustice, comme toujours dans le déchaînement de passions effrénées. On imagine aisément les jalousies, les concurrences, les appétits, les règlements de comptes personnels qui entrent en ligne dans les pillages, les lynchages, les incendies et les meurtres commis au nom du nationalisme et de l'anticommunisme. Autre chose est l'élan politique qui a jeté des foules de manifestants excités contre les institutions chinoises officielles, le bureau de presse communiste, les consulats et l'ambassade de la Chine « populaire». Il est certain que Mao avait fourni quantité d'armes aux communistes indonésiens, sans parler Qe sa propagande incendiaire. Une fois de plus, la Chine communiste a révélé son impuissance totale devant les exactions, les sévices et les meurtres dont ses nationaux ont été victimes. Elle a subi les pires affronts jusque dans sa représentation diplomatique sans réagir autrement que par de vaines protestations et des menaces que personne ne prend au sérieux. Elle n'est même pas capable de rompre ses relations formelles avec un gouvernement qui la bafoue et la défie devant le monde entier. Ce n'est que dans « l'Occident pourri » que l'on multiplie les bassesses pour gagner les faveurs des Chinois staliniens. En Afrique noire, de petits pays comme le Dahomey, le Ghana et le Burundi ne se gênent pas pour les mettre à la porte sans cérémonie. Un correspondant du Monde à Djakarta rapporte (6 mai) que le parti communiste indonésien « a sombré sans presque laisser de traces, si ce ne sont les cadavres de plusieurs centaines de milliers de ses militants exécutés de façon sommaire »; et que Soekarno « voit tomber en ruine l'édifice du Nasakom » (salade indigeste de nationalisme, de religion et de communisme). Il constate sur les lieux que l'action communiste« allait à l'encontre des instincts profonds de l'immense majorité du peuple » dont la révulsion contre les communistes « a submergé le pays d'_une mani~re. t~ut ~ fa~t spontanée ». Le parti commu~1ste s_attr~b~a1t trois millions de membres et plus de dix millions de sympathisants, il s'était .infiltré dans l'appareil de l'Etat, dans le parti nationaliste, dans l'armée, dans l'aviatio:°, partout, et pouBiblioteca Gino B'ianco LE CONTRAT SOCIAL vait compter sur la complicité de Soekarno. Néanmoins il s'est effondré dans l'épreuve de force et« partout aussi les communistes se sont dénoncés les uns les autres » à leurs ennemis mortels, révèle l'article du Monde qui donne des détails horribles sur le carnage. Quant à Soekarno, principal responsable de cette immense et lugubre tragédie, ménagé par les militaires et par les communistes en tant que mythe nationaliste, il semble régner mais ne gouverne pas, affectant ~e. n'av_oir pas _dit son dernier mot. On se garde 1c1de rien prédire. Révisions sans révisionnisme EN U.R.S.S., le Bulletin de l'Académie des sciences, dit une information de Moscou en date du 12 février, « donne des précisions sur !'Histoire de !'U.R.S.S. en douze volumes actuellement en préparation». Il promet une édition cette fois « définitive», c'est-à-dire qu'on ne soit pas obligé de mettre au pilon et de recommencer à chaque règlement de comptes entre dirigeants du Comité central. Voilà qui est nouveau, du moins en apparence. Le Bulletin reconnaît que l'historiographie soviétique, jusqu'à ce jour, était pleine de falsifications sous toutes les formes, tantôt par des lacunes, tantôt des exagérations, tantôt des dénigrements, et que notamment « les noms d'hommes politiques, de militants du Parti, de chefs militaires et de héros de la révolution en étaient exclus». C'est ce que nous avons toujours dit et démontré, ici même et dans Preuves, dans Est et Ouest et ailleurs, nous exposant à l'animadversion du Monde qui, de ce fait, nous accusait de provoquer ainsi... une nouvelle guerre mondiale. Mais, ajoute le Bulletin académique de Moscou, « à présent il s'agit de faire revivre le processus de l'évolution soviétique d'une manière objective, selon l'esprit .de parti, sans se laisser influencer par le présent» (cf. le Monde du 13 février). Or il y a ici contradiction dans les termes : la manière objective est une chose, l'esprit de parti en est une autre, et les deux sont inconciliables. Autrement dit, !'Histoire en préparation sera aussi mensongère que les précédentes, et aussi peu « défi- . nitive », même si elle consent que Trotski, Zinoviev, Kamenev, Boukharine, Radek, Piatakov, Racovski, Préobrajenski, Riazanov, Chliapnikov et tant d'autres aient réellement existé. Mâis quid de Martov? Pour qu'aucun doute ne subsiste, le Bulletin précise que l'obj~ctivité sera assurée par B. Ponomarev, falsificateur patenté de !'Histoire du Parti et d'autres productions historiogra- .. \

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