Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

QUELQUES LIVRES Aux sources de la IIIe Internationale Contributions à l'histoire du Comintern, publiées sous la direction de Jacques Freymond. Genève 1965, Publications de l'Institut universitaire de hautes études internationales, n°· 45, Libr. Droz, XXV - 265 pp. DANS CE RECUEIL de souvenirs, de documents et d'études qu'a préfacé M. Jacques Freymond, tout ne se situe pas au même niveau, tout ne revêt pas la même importance, mais tout offre de l'intérêt, beaucoup d'intérêt. Si l'on excepte deux documents, intéressants eux aussi, mais q{ii ne peuvent passer pour des contributions à l'histoire de l'Internationale communiste (deux lettres de Lounatcharski, présentées par Yves Collart, ayant trait au retour de Lénine en Russie, deux extraits d'un livre du Hongrois Ervin Sinko où sont évoquées la disgrâce de Boukharine et l'atmosphère de terreur des temps de la grande purge), la diversité des apports ne crée pas de disparate. Pas plus que l'unité ne se trouve brisée par telle contradiction apparente, par exemple entre les souvenirs du mystérieux « camarade Thomas » et ceux d'Angelica Balabanova, le premier assurant qu 'Eberlein, « très troublé », ne protesta pas quand on décida par acclamations que la conférence à laquelle il assistait devait s'improviser « congrès » constitutif d'une nouvelle Internationale (p. 11) alors que, d'après la seconde, il aurait « pris la parole . . . . , . pour exprimer son oppos1t1on categorique » (p. 33 ). On pourrait presque s'étonner d'une telle convergence des témoignages, car les « témoins », s'ils sont presque tous des anciens de l'Internationale communiste, ont connu des expériences différentes, suivi des évolutions souvent divergentes, abouti à des positions politiques et philosophiques nettement dissemblables. Mais la vérité est une, et tous, de Biblioteca Gino Bianco surcroît, ont été très vite sensibles à certains des traits les plus odieux du communisme, odieux déjà, alors qu'ils n'avaient pas pris encore le relief monstrueux que Staline leur donnera : une immoralité dans le maniement des hommes, un desséchement intellectuel rapide, une brutalité bientôt inhumaine. Marcel Body écrit, en quelque sorte en marge de la grande histoire, les aventures (et les intrigues) des « groupes communistes français de Russie » que constituèrent et animèrent de 1918 à 1921 deux officiers et deux soldats ayant appartenu à la mission militaire française de Russie : Jacques Sadoul, Pierre Pascal, Robert Petit et Body lui-même. C'était là bien peu pour représenter le socialisme français, le prolétariat français, et la comédie fut encore de plus haulte graisse quand H. Guilbeaux fut venu les rejoindre (ce Guilbeaux dont Lénine, décidément bien mauvais juge en hommes, avait attendu impatiemment l'arrivée et sur qui il avait fait fond si malencontreusement). Il fallait vraiment l'incroyable prétention de Lénine pour oser former avec des hommes aussi peu représentatifs la délégation française au premier congrès du Comintern. Mais s'ils ne représentaient rien, plusieurs d'entre eux étaient évidemment sincères, convaincus, honnêtes en même temps gu'intelligents ; et s'ils n'assumèrent que des rôles de comparses, ils étaient en outre des observateurs. Marcel Body donne, entre autres, un portrait de Lénine - en mars 1919, au VIIP Congrès du Parti - singulièrement vivant, singulièrement instructif aussi, Lénine priant, par exemple, les sténographes de poser leur crayon, parce gu 'il allait parIer des ouvertures de paix que Lloyd George et W. Wilson venaient de faire au Kremlin ( ...). Il ne croyait pas (il n'y a jamais cru) à l'instauration de rapports normaux entre la Russie soviétique et les Etats dits

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