Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

184 se froissera, car Staline lui a écrit pour lui faire .part de son accord sur un traité triparti. De Gaulle dit que, lorsque les Français sont partis pour Moscou, les Anglais lui ont dit qu'ils n'avaient aucune objection à un pacte francosoviétique. ~taline dit que, maintenant non plus, les Anglais ne s'y opposent pas. D'ailleurs, ce n'est pas tellement important. Maintenant les Anglais proposent un pacte triparti. Que les Français nous rendent service et nous leur rendrons service nous aussi. La Pologne est un élément de notre sécurité. Il y a trois jours nous avons causé avec les Français de cette question. Que les Français reçoivent un représentant du Comité polonais de libération nationale à Paris et nous signerons le traité bilatéral. Churchill sera vexé, mais qu'y faire? De Gaulle dit que probablement Stàline froisse parfois Churchill. Staline dit que parfois il froisse Churchill et que, parfois, Churchill le froisse. Un jour, la correspondance entre Churchill et lui, Staline, sera publiée, et alors de Gaulle verra quels messages ils ont parfois échangés. Staline dit que de Gaulle doit savoir que nous avons eu des désaccords avec l'Angleterre et l'Amérique au sujet du Comité national français, sur le point de savoir s'il fallait le considérer comme un gouvernement ou non. Il y a eu d'importants désaccords. De Gaulle dit qu'il pense que Staline a gagné à ce jeu. Staline admet qu'il a gagné. Si on joue, c'est pour gagner. Mais la France y gagnera davantage encore. Bidault prend la parole et dit qu'il voudrait dire au maréchal Staline ce qui suit. La position du Gouvernement provisoire français, qui suit la voie du général de Gaulle, ne signifie pas que le gouvernement français soit contre un pacte triparti. Mais il se rend compte qu'il faudra beaucoup de temps pour conclure ce traité et qu'il y a beaucoup de difficultés qui en gênent la conclusion. En outre, les Français se rendent compte que, plus il y a de signataires à un traité, moins il a de chances d'être efficace. Si deux amis se font serment de fidélité, chacun d'eux compte sur l'autre. Si trois amis se jurent fidélité, chacun doit compter sur les deux autres. C'est mieux, mais c'est plus lent. C'est pourquoi lui, Bidault, pense que, pour être sûr qu'à l'avenir des mesures immédiates seront prises contre l'Allemagne, il faut entre l'Union soviéBibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL tique et la France un pacte qui garantisse bien les deux pays. Staline dit qu'il comprend cela. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [Ici, une trentaine de lignes qui n'ont pas trait à la politique extérieure et supprimées parce que sans intérêt.] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De Gaulle dit que les Français regrettent de ne pas avoir la possibilité de conclure un accord bilatéral et qu'il faudra ouvrir des négociations au sujet d'un pacte triparti. Molotov dit que c'est également une bonne chose qu'un accord trilatéral. De Gaulle dit qu'il veut répéter ce qu'il disait sur la question de la Pologne. Les Français comprennent la politique du maréchal Staline envers la Pologne et souhaitent comme lui que la Pologne accepte ses deux frontières telles qu'on les propose et qu'elle suive la voie de l'amitié avec l'Union soviétique et avec la France, que la Pologne soit privée de la possibilité de reprendre la politique menée par Beck. Les Français sont disposés à exercer leur influence sur tous les Polonais pour les rassembler dans une Pologne unie. A l'heure actuelle, le maréchal Staline accorde une grande importance au Comité polonais de libération nationale. Les Français ne savent pas bien ce que représente ce Comité et connaissent mal la situation à Lublin. Ils ont déjà proposé au Comité polonais d'envoyer quelqu'un à Paris et ils sont prêts de leur côté à envoyer quelqu'un à Lublin. Nous verrons bien comment les choses tourneront. Il faut user de tous les moyens pour que soit créée une Pologne unie, démocratique et amicale envers l'Union soviétique et la France. La France s'y emploiera de tous les moyens dont elle dispose, lesquels,. pour le moment, ne sont pas nombreux, mais qui.augmenteront. Staline demande si de Gaulle a encore d'autres questions à poser. De Gaulle répond qu'il n'a plus de questions à poser .. Là-dessus, l'entretien prend fin. [Le 10 décembre 1944, en conclusion de ces entretiens, G. Bidault et V. Molotov signaient un traité « d'alliance et d'assistance mutuelle •• Churchill et Roosevelt n'ayant soulevé aucune objection. Le 7 mai 1955, le Présidium du Soviet suprême dénonça et annula ce traité en accusant la France d'avoir pris part aux accords de Paris ratifiés le 23 octobre 1954, interprétés à Moscou comme une « remilitarisation de l'Allemagne occidentale •• celle-ci intégrée désormais « dans des groupements militaires tels que l'Union de l'Europe occidentale et le bloc nord-atlantique •.] ,

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