Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

182 précédente et de la dernière guerre, la France a pu voir dans la pratique quelle politique d'al- . liances elle devait pratiquer. Le peuple allemand est situé dans une situation géographique telle qu'il menace en premier lieu la France et la Russie. La France et la Russie sont les deux pays qui se trouvent directement sous la menace allemande et qui paient le plus cher lors des invasions allemandes, quand cette menace se transforme en agression. Ainsi, la France et l'Union soviétique peuvent être qualifiées de premier étage de la sécurité. Le deuxième étage, c'est l'Angleterre. L'Angleterre ne s'est jamais pressée, parce qu'elle est un empire colonial et parce que son peuple a une mentalité particulière. L'Angleterre est toujours entrée en scène lorsque l'Allemagne combattait déjà, lorsqu'il était déjà trop tard pour les puissances se trouvant au premier étage. Après la guerre et le traité de Versailles, la France a agi de concert avec l'Angleterre pour assurer sa sécurité. Le résultat, c'est que, dans cette guerre, la GrandeBretagne a combattu avec hardiesse et avec force, mais après avoir tardé à prendre des mesures importantes. Ce n'est pas là un reproche de la part des Français. Ce phénomène est dans la nature des choses. Il s'explique par le tempérament du peuple anglais et par le fait quel' Angleterre est un empire. Lorsque l'Angleterre doit entreprendre quelque chose, il lui faut tout d'abord consulter le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, et elle doit regarder vers Washington. L'Angleterre ne se presse jamais; or la sécurité est parfois une chose très urgente. Staline dit que c'est un fait, car les Anglais n'ont pas de service militaire obligatoire ni de cadres militaires permanents. L'Angleterre se prépare lentement et maintenant elle a entraîné ses troupes au cours même de la guerre. L'Union soviétique et la France ont des armées permanentes et c'est pourquoi elles sont toujours prêtes. Après avoir exprimé son accord avec cette remarque, de Gaulle dit qu'il existe encore un troisième étage de la sécurité, ce sont les EtatsUnis et les autres Etats. Avant que les EtatsUnis ne se mettent en route, la guerre a le temps de faire du chemin. Cette fois-ci, les Etats-Unis sont entrés dans la guerre alors que la France était déjà hors de combat, que la Russie était envahie et que l'Angleterre se trouvait à deux doigts de sa perte. Les Français voudraient, dit de Gaulle, attirer l'attention sur le fait que les engagements pris entre alliés doivent entrer en vigueur quand c'est nécessaire, immédiatement; or l'Angleterre est une alliée avec laquelle il est difficile d'avoir affaire : elle est toujours et partout en retard. Elle a des intérêts partout et elle a des frictions avec la France et avec la Russie, frictions qui peuvent un j~ur compliquer la situation et empêcher l'Angleterre de prendre les Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL décisions nécessaires. C'est un fait. Entre vous et nous, poursuit de Gaulle, il n'y a nulle part aucune divergence et nous avons les mêmes intérêts par rapport à l'Allemagne. La France comme la Russie se trouvent en terre européenne. Elles ont intérêt à avoir des moyens sûrs et rapides d'a~surer leur sécurité. • De Gaulle déclare que la politique française oblige les .Français à souhaiter en premier lieu un pacte d'assistance mutuelle avec l'Union soviétique. Le peuple français et le peuple russe sont des peuples guerriers. La Russie possède, et la France a possédé et a l'espoir de posséder à l'avenir, une armée permanente. C'est pourquoi il n'est pas difficile aux Français et aux Russes d'en arriver à conclure un pacte et de préparer des mesures immédiates pour prévenir l'agression. Après cela, on pourra penser au deuxième étage de la sécurité et au pacte avec l'Angleterre. Si le maréchal Staline considère " qu'il faut conclure un traité en même temps avec l'Angleterre, cela signifiera qu'à l'avenir les mesures nécessaires et urgentes ne seront pas prises à temps. En ce qui concerne la France, le pacte avec l'Angleterre est pour elle une affaire de longue haleine. Les Français ont des difficultés avec l'Angleterre en Orient et ils en auront peut-être en Extrême-Orient, car il y a là-bas aussi des questions à régler. Les Français ne peuvent pas dire exactement quelle -sera la politique de l'Angleterre à l'égard de l'Alle- !Jlagne. Les Français connaissent la politique de l'Union soviétique et ils ont expliqué aux dirigeants du gouvernement soviétique leur politique vis-à-vis de l'Allemag~e. Mais ils ne connaissent pas la politique anglaise par rapport à l'Allemagne et il est d'ailleurs peu probable que les Anglais eux-mêmes se représentent exactement ce qu'elle sera. Staline dit qu'il pense que· la politique de l'Angleterre à l'égard de l'Allemagne sera très sévère. De Gaulle dit qu'elle le sera au début. De Gaulle dit qu'il se rappelle Lloyd George qui était contre l'Allemagne, mais ensuite sont venus Balfour et Baldwin et une autre politique a commencé. Staline dit que c'est vrai. Cependant, l' J\ngleterre a maintenant de grandes possibilités de détruire l'industrie allemande, et elle le fera. L'Amérique le fera elle aussi. Les Anglais ont compris que, tant qu'ils ne détruiront pas l'industrie allemande, l'Angleterre pourra souffrir de la concurrence allemande sur les marchés mondiau~. Staline dit qu'il pense· que les Anglais ne l'avaient pas compris pendant la première guerre, mais que maintenant ils l'ont compris; c'est. la raison pour laquelle ils prennent tant de plaisir à détruire l'industrie allemande par des raids aériens.

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