178 De Gaulle dit qu'il n'a pas connaissance de cela. Staline dit qu'il n'en a pas non plus connaissance. C'est la raison pour laquelle il a posé cette question à de Gaulle, pensant que celui-ci était au courant. De Gaulle dit que la Belgique s'est trouvée et -se trouve sous la menace de l'Allemagne. En 1914, elle a subi l'invasion allemande et ensuite, après la première guerre mondiale, tantôt elle a été pour les accords militaires avec la France et la Grande-Bretagne, tantôt elle a cessé de l'être. De Gaulle dit que la France a des échanges économiques avec la Belgique et qu'elle continuera à les avoir, mais que ce n'est pas là un bloc. Staline dit qu'il estime que la France doit avoir une alliance militaire défensive solide avec ses voisins et que ce sera pour elle un élément important de sécurité vis-à-vis de l'Allemagne. De Gaulle dit qu'il veut revenir à la question du bloc. Il dit que Bidault a fait une déclaration publique i1:1diqu~ntque la Fr~nce ne veut pas l'organisation d ?n ~loc occid~ntal, que l~s Anglais ne l'ont Jamais demande aux Français et que, quant à eu~, ces derniers °:e l'o~.t ja11;1ais proposé aux Angl&1s.De Gaulle dit qu Il estime que le bloc Moscou-Paris-Londres sera effectivement un bloc européen. Tout le reste, ce seront des accords économiques et stratégiques de caractère local entre divers pays. De Gaulle dit que lorsq;1'on é~udie l'histoire de ~et~e question, on s aperçoit que le seul bloc qui ait existé en Europe, c'est le bloc allemand. Ce fut le cas d'abord pour la Triplice, puis, de nos jours, pour l'« Axe». On ne peut pas. dire qu'il n'y aura pas de nouveau des, tentatives J?Our ressusciter de tels blocs. Et c est pourquoi les Français sont pour un bloc avec la GrandeBretagne et l'Union soviétique. De Gaulle dit que les Français préfèrent ce bloc à tout autre et considèrent que c'est le seul possible. Staline dit qu'il comprend cela et indiq~e que nolis, les Russes, comme les Français, nous avons intérêt à ce qu'un pacte d'assistance mutuelle et de sécurité soit conclu entre la France et l'Union soviétique. Staline dit qu'à son avis ce sera chose faite d'ici peu. Staline dit ensuite qu'il voudrait toucher quelques mots de la question polonaise ..,De Gaulle sait qu'au cours des trente dernieres années la Pologne a été un couloir que les Allemands ont emprunté pour venir en Russie. Tant les Russes que les Polonais en ont assez. Nous, les Russes, nous voulons que ce couloir soit fermé. D'autres pays ne peuvent pas fermer ce couloir. Il faut que ce soit la Pologne qui le ferme elle-même .et pour ~el~ il est nécessaire que la Pologne soit forte, i:ndependante et démocratique. L'expérience montre qu'il n'y a pas d'États forts sans démocratie. Staline Biblioteca Gino Bianco t LE CONTRAT SOCIAL dit que c'est un tournant de notre politique envers la Pologne. Jusqu'au début de cette guerre, la Pologne et la Russie ont toujours été en état de conflit. Il y avait à cela des raisons historiques. Par deux fois, les Polonais ont pris Moscou et, au bout ~e cent a~s, les Russes ont occupé par deux fois Varsovie. Tout cela a laissé son empreinte sur les rapports entre la Pologne et la Russie et a laissé ~n arrièr~go_ût d'amertume. Nous mettrons fin a cette h1sto1re et nous y mettrons fin définitivement. Une des leçons de la guerre est la conscience de ce que l'amitié entre la Pologne et la Russie est une garantie de sécurité pour la Pologne et la Russie. Et cela n'a pas été compris seulement par les milieux dirigeants de la Russie, mais aussi par les meilleurs éléments de la Pologne. Au cours de l'histoire, la France a toujours été l'amie de la Pologne et de son indépendance. On peut dire que la France a été la protectrice de l'indépendance polonaise. Sous ce rapport, sa politique se distinguai~ avantageusement de la politique d'autres États. Les Polonais le savent et s'en souviennent. Staline dit qu'à ce propos il pensait que la politique actuelle de la France se distinguerait avantageusement de la politique de l'Amérique et de la GrandeBretagne. Staline dit qu'il comptait sur cela. Staline dit qu'il comprend que l'Angleterre, qui a partie liée avec le gouvernement polonais émigré, de même qu'avec le général Mikhaïlovitch en Yougoslavie, s'est un peu empêtrée et qu'il lui est maintenant difficile de s'en sortir. Staline dit qu'il comprend cela. Mais le fait est qu'on ne permet pas à Mikhaïlovitch de revenir en Yougoslavie, et qu'il se cache quelque part au Caire. Staline dit qu'il craint que la même chose ne se produise avec les Giraud et les Laval polonais qui siègent dans le gouvernement émigré de Londres. Staline dit ensuite que les Polonais qui se trouvent à Londres jouent aux ministres tandis qu'à Lublin des Polonais réalisent une réforme agraire analogue à celle que la France a effectuée à la fin du xv111esiècle, posant ainsi les fondements d'un État français solide. Staline dit qu'il y a une différence entre ces deux groupes. Pour l'un, on ne sait pas ce qu'il fait, tandis que l'autre, celui de Lublin, s'occupe de choses ayant une grande importance. Telles sont les considérations sur lesquelles s'est fondé le gouvernement soviétique en établissant de bonnes relations avec la Pologne nouvelle, renaissante en la personne de son Comité de libération nationale. Staline dit qu'il pensait que les Français comprendraient cela plus rapidement que les Anglais et les Américains. Staline dit que dans quelque temps les Anglais le comprendront également. De Gaulle demande quel est l'état d'esprit de la population en Pologne.
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