DOCUMENTS Staline fait remarquer que les blocs et l'occupation contribuent à cela. De Gaulle dit qu'il est d'accord avec les propositions soviétiques sur les frontières occidentales de la Pologne; il pense que l'établissement de la frontière sur l'Oder et la Neisse exclura la possibilité d'une entente entre l' Allemagne et la Pologne. Staline dit que c'est juste. De Gaulle dit que si la partie soviétique est d'accord pour une extension de la Pologne vers l'Ouest, cela résout par-là même la question de la frontière orientale entre la Pologne et l'Union soviétique. Staline fait remarquer que le tracé_ de la frontière orientale entre la Pologne et l'Union soviétiq~e a été approuvé par Clemenceau. De Gaulle dit que la France n'a aucune objection à la ligne Curzon. Il dit ensuite qu'il pense être d'accord avec le maréchal Staline pour estimer que la Pologne doit être indépendante, qu'elle a démontré sa vitalité. De Gaulle dit que les Français estiment que la frontière orientale de la Pologne sur la ligne Curzon peut être reconnue si l'on assure à la Pologne des terres allemandes sur ses frontières occidentales. Staline répond que cela sera fait et que l'Armée rouge s'en occupera. De Gaulle dit que les Français connaissent la situation en ce qui concerne la question polonaise : des Polonais sont d'un côté et d'autres sont du côté opposé, et l'on ne sait pas ce que pensera le peuple polonais lorsque la Pologne aura été entièrement libérée par l'Armée rouge. Les Français estiment, dit de Gaulle, qu'il y aura des difficultés à ce propos. La guerre a apporté dans la situation de la Pologne beaucoup de choses qui peuvent contribuer à l'amitié entre la Pologne, l'U .R.S.S. et la France. De Gaulle dit qu'il estime nécessaire de déclarer que si, au moment de la libération de la Pologne et même avant, la France a la possibilité d'user de son influence sur les Polonais, elle le fera dans le sens d'un renforcement des relations amicales entre la Pologne et la France et entre la Pologne et l'Union soviétique. La France considère qu'elle doit agir avec l'accord de !'U.R.S.S., de l'Angleterre, des États-Unis et des autres alliés.- A l'heure actuelle, dit de Gaulle, le gouvernement français entretient des relations avec le gouvernement polonais émigré à Londres, relations qui ont été établies du temps de Sikorski. Cependant, ces Polonais ne se trouvent pas en Pologne et le gouvernement français a peu de questions pratiques et matérielles à traiter avec ce gouvernement. De Gaulle déclare que le gouvernement français observe l'évolution des événements. Lorsque le territoire polonais sera entièrement libéré, les Français seront prêts à user de leur Biblioteca Gino Bianco 177 influence sur les Polonais pour qu'ils parviennent à un accord entre eux et admettent ce qui vient d'être dit sur les frontières polonaises, et pour que la Pologne adopte une attitude d'amitié sincère avec l'Union soviétique et avec la France. Staline dit qu'il comprend bien. Après une pause, Staline dit qu'il voudrait demander ce que c'est que le bloc occidental et qu'est-ce que cela signifie. De Gaulle répond qu'il ne comprend pas; très bien de quoi veut parler le maréchal Staline. La presse a beaucoup parlé du bloc occidental et l'importance que le maréchal Staline accorde à cette question n'est pas claire pour lui, de Gaulle. Après avoir indiqué que la France est un pays continental, de Gaulle dit que, par l'expérience de la guerre présente et de la précédente, la France sait que l'Europe constitue un tout. Il est impossible de se représenter un événement se passant à l'Est de l'Europe et n'ayant aucun lien avec ce qui se passe à l'Ouest, et inversement. Tous les États européens sont les États d'un même continent et tout événement qui concerne un État touche, ne fût-ce qu 'indirectement, les intérêts de tous les autres Etats. On ne peut pas couper l'Europe en morceaux. Les Français le savent bien. L'histoire a montré qu'il n'est possible de créer ni un bloc occidental, ni un bloc oriental, ni un bloc méridional, ni un bloc septentrional. De Gaulle dit ensuite que, cependant, il arrive toujours que les gens qui ont des intérêts identiques prennent des mesures pratiques communes. La question principale qui préoccupe actuellement tout le monde, c'est la question allemande. C'est pourquoi l'on peut dire que le seul bloc qui existe ~t qui puisse exister en Europe, c'est celui des Etats qui ne veulent pas d'une attaque allemande. La première proposition dans cet esprit, c'est à l'Union soviétique que les Français la font, bien qu'ils aient des voisins immédiats qui sont la Belgique, l'Italie, la Suisse, l'Espagne, le Luxembourg, l'Angleterre. Sans aucun doute, la France conclura des accords de bon voisinage avec l'Angleterre, ainsi qu'avec la Belgique et le Luxembourg. Il est possible qu'un jour elle conclue aussi un accord avec l'Italie. Mais ces accords ne constitueront pas un bloc. Staline dit qu'il prie de l'excuser s'il a posé une question superflue et qu'il a placé de Gaulle dans une situation difficile. De Gaulle dit qu'il ne considère pas les questions du maréchal Staline comme superflues et ajoute que, sur la question du bloc, il existe aussi d'autres opinions. Molotov indique que le premier ministre belge Pierlot, par exe1nple, a déclaré que le bloc occidental existe.
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