176 mais qu'il y a aussi l'Orient. Le maréchal Staline a dit qu'il ne pensait pas que les frontières résolvent tout à elles seules. Il a raison. Pourtant il y a un problème des frontières. L'important n'est pas seulement la question des frontières occidentales de l'Allemagne, mais aussi celle de ses frontières orientales, car il existe une seule Allemagne et il faut penser à toutes ses frontières. Staline dit qu'il pense que les antiques terres polonaises historiques doivent être rendues aux Polonais. La Silésie, la Poméranie, la Prusse orientale doivent faire retour à la Pologne. De Gaulle dit que, pour lui, l'Oder doit être la frontière de l'Allemagne, et que plus loin vers le Sud, la frontière doit suivre la Neisse, c'est-à-dire passer à l'ouest de l'Oder. Staline approuve et dit que, à son avis, ce sera justice. (PROCÈS VERBAL) ENTRETIEN DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DES COMMISSAIRES DU PEUPLE DE L'U.R.S.S. AVEC LE PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 6 décembre 1944 Sont présents : V. MOLOTOV; A. BoGOMOLOV, ambassadeur de l'U.R.S.S. en France; Georges BIDAULT, ministre français des Affaires étrangères; Roger GARREAU, représentant de la France en U.R.S.S.; Maurice · DEJEAN, directeur des Affaires politiques au ministère français des Affaires étrangères; B. PooTSÉROB. De Gaulle déclare que lui et les personnes qui l'accompagnent ont demandé à être reçus afin de profiter de leur séjour à Moscou pour connaître l'opinion de la partie soviétique sur les questions qui se posent aujourd'hui et qui surgiront demain, ainsi que pour informer la partie soviétique de leur opinion sur ces questions. De Gaulle dit qu'on discute actuellement de la signature entre l'Union soviétique et la France d'un pacte déterminant pour l'avenir la position de ces pays à l'égard de l'Allemagne. Les Français considèrent qu'il serait possible, en même temps, dans la mesure où les événements actuels et le temps le permettent, de discuter également des questions qui se posent à propos de ce pacte. De Gaulle fait remarquer que, sur toutes les questions qui seront discutées, les Français ont l'intention de s'exprimer avec netteté et franchise, selon la méthode récemment adoptée dans les relations avec les Russes. De Gaulle déclare qu'il voudrait tout d'abord traiter de la question polonaise~ Le maréchal Staline sait, dit-il, que po~_r diverses raisons, Biblioteca Gino Bi~nco LE CONTRAT SOCIAL Ensuite Staline dit que l'Autriche doit exister en tant qu'État indépendant. Quant à la Tchécoslovaquie, en tout cas sa frontière orientale dans la région des Sudètes doit être rétablie. ·Ensuite Staline dit que dans ses conversations avec Churchill et Roosevelt, la question du démembrement de l'Allemagne a été abordée, mais sans déterminations concrètes. De Gaulle dit qu'il ne pense pas que la France fasse des objections sérieuses à ce que la Prusse orientale, qui a toujours été un élément pernicieux dans la politique germanique, soit remise aux Polonais. De Gaulle dit qu'en l'occurrence il considère le problème de la frontière orientale indépendamment des autres problèmes qui concernent l'Allemagne. Sur ce, l'entretien prend fin. Staline invite de Gaulle à déjeuner le 3 décembre. De Gaulle remercie pour la r·éception et l'invitation. des rapports de sentiment existent depuis très longtemps entre les nations polonaise et française. D~ Gaulle dit qy.'il voudrait aborder cette question en la prenant de loin. Il dit que le maréchal Staline sait mieux que lui que les liens qui rattachent la Pologne et la France touchent à la civilisation et à la religion. Depuis longtemps, la France a cherché en vain à maintenir une Pologne_ indépendante. Après les événements de la dernière guerre, la France nourrissait de la méfiance à l'égard de l'Allemagne. Cherchant à assurer sa sécurité, elle souhaitait la renaissance de la Pologne en tant qu' ennemie de l'Allemagne, en tant que pays dressé contre l'Allemagne. Tels étaient les motifs véritables de la politique de la France lorsque, après 1918, elle chercha à restaurer l'indépendance de la Pologne. La politique de Beck et consorts, politique orientée vers un accord avec l'Allemagne contre l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie, présentait un grand danger pour la France. Les Français ont conscience du danger que constituerait pour la France et pour l'Union soviétique une Pologne qui reprendrait cette politique envers l'Allemagne vaincue. L'Allemagne a toujours voulu utiliser la Pologne pour une telle politique. Staline dit que l'Allemagne voulait dévorer la Pologne. De Gaulle approuve et dit que l'Allemagne aurait sans doute voulu d'abord utiliser la Pologne, et ensuit~ la dévorer. Staline répond qu'il en est évidemment ainsi. De Gaulle déclare qu'à son avis il est dans l'intérêt commun de la France et de l'Union soviétique que la Pologne ne recommence pas cette politique et que l'Allemagne ne puisse pas créer les conditions d'un retour de cette politique. .
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