Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

DOCUMENTS De Gaulle dit qu'il estime aussi que cette ~uestion et toutes les autres qui concernent l Allemagne doivent être résolues par les Alliés ensemble. Ensuite, de Gaulle dit que l'établissement d'un système international en Rhénanie présente un inconvénient pour la France. Si pareil système était adopté, la sécurité immédiate de la France dépendrait de la bonne volonté des autres puissances et de leur état de préparation. Staline dit que tous les Etats dépendent les uns des autres et que pour lutter contre l'Allemagne il faut une alliance des puissances antiallemandes. Outre la question des frontières, il faut tenir compte de l'entraide, car il ne suffit pas des seules forces de deux puissances· pour écarter le danger allemand. Staline dit qu'il ne faut pas exagérer l'importance des frontières pour la défense des États. Penser que les Carpates ou le Rhin peuvent sauver la situation et que l'armée peut dormir, cela peut engender des illusions comme celles qu'a fait naître la confiance dans la ligne Maginot, la ligne Hitler ou le mur de l'Est de Hitler. C'est bien d'avoir de hautes montagnes à la frontière, mais cela ne résout pas tout. Il ne faut pas exagérer l'importance de la question des frontières. De Gaulle dit qu'il ne pense pas que le Rhin puisse assurer à lui seul la sécurité de la France. De Gaulle est d'accord avec ce qu'a dit le maréchal Staline sur la nécessité impérieuse de créer une union des États antiallemands. Après la dernière guerre, la France a tout sacrifié à cette possibilité et elle comprend qu'il ne suffit pas de résoudre correctement le problème des frontières pour que le danger allemand soit écarté. Il faut une alliance des puissances antiallemandes pour empêcher l'Allemagne d'attaquer à nouveau. Telle est l'opinion du gouvernement français. Staline ~it que c'est bien. Molotov dit qu'en 1935 un pacte a été signé avec la France, mais qu'il n'a pas été appliqué. De Gaulle dit que Molotov ne veut sans doute pas voir la différence entre Laval et de Gaulle. Molotov dit qu'il voit la différence, mais qu'il a seulement donné l'exemple d'un accord qui avait été signé, mais qui est demeuré sur le papier et n'a pas été observé. De Gaulle dit que le traité de 1935 n'a pas été ratifié, mais qu'en lui tout n'était pas mauvais. Il contenait des éléments qui maintenant ne sont pas à l'ordre du jour. Par exemple, une série de dispositions de ce pacte étaient subordonnées aux clauses de la Charte de la Société des Nations. A notre époque, cela ne convient pas. Cependant, le pacte far luimême n'est pas mauvais. Telle est 1opinion du gouvernement français. De Gaulle demande ce qu'en pense le gouvernement soviétique. Biblioteca Gino Bianco 175 Staline fait remarquer que le pacte de 1935 n'était pas mauvais, mais qu'il n'a pas été appliqué. Molotov dit que l'histoire de ce pacte nous a donné une leçon pour l'avenir. Staline dit que cette guerre, très dure pour l'Union soviétique et pour la France, nous a ~eaucoup appris. De Gaulle demande si Molotov ne pense pas que, précisé et complété, le pacte de 1935 serait acceptable. Molotov répond qu'il a lu il y a quelques jours une déclaration faite à une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères par M. Offroy, lequel a déclaré que ce pacte n'existait plus. De Gaulle répond que le pacte n'existe plus, puisqu'il n'a pas été appliqué et qu'il s'agit maintenant d'élaborer un nouveau pacte. Il demande si Molotov ne pense pas que le pacte de 1935 peut servir de point de départ pour l' élaboration d'un nouveau pacte. Molotov répond qu'il se fonde sur les paroles du maréchal Staline quant à la nécessité pour les puissances antiallemandes de se mettre d'accord. De Gaulle dit que l'Union soviétique a signé un traité avec l'Angleterre en 1942 et avec la Tchécoslovaquie en 1943. C'est un bon traité. Staline dit que lorsque le traité franco-soviétique de 1935 a été conclu, tout n'était pas clair. Ensuite, nous avons compris que Laval et ses collègues n'avaient pas confiance en nous comme alliés. En signant un traité avec nous, ils voulaient nous lier et nous empêcher de nous entendre avec l'Allemagne. Nous, les Russes, nous n'avions pas non plus tout à fait confiance dans les Français, et cette méfiance réciproque a été fatale au pacte. La guerre actuelle a éliminé cette méfiance ou l'a réduite au minimum. C'est ce qui distingue la situation de 1944 de celle de 1935. Les Français ont maintenant la conviction que les Russes se battront contre les Allemands, et les Russes ont confiance dans les Français. Cela crée des conditions favorables à un pacte. Il faut bien méditer cette question. De Gaulle acquiesce et dit qu'il faut réfléchir à cela. Ensuite de Gaulle dit qu'il ne voudrait pas que l'on comprenne que la France a quelque défiance à l'égard de l'Angleterre ou de l' Amérique. Il n'existe rien de tel, mais de Gaulle sait que les clauses de la nouvelle paix doivent être plus stîres et plus réalistes. Ce réalisme dans les conditions de la paix, les Français et les Russes peuvent l'apporter. De Gaulle ajoute qu'il a dit la même chose à Churchill au cours du séjour de ce dernier à Paris. Ensuite de Gaulle dit que jusqu'à maintenant il n'a été question que de l'Occident,

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