Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

174 De Gaulle répond que les Allemands l'ont .également emmené en Allemagne. De Gaulle ajoute que tous ces gens sont déjà entrés dans l'histoire et qu'aujourd'hui ils n'existent pour ainsi dire pas. De Gaulle dit ensuite qu'il importe pour la France de se trouver à l'avenir à l'égard de l'Allemagne dans une situation territoriale qui la couvre et la renforce, dans une situation telle que ses forces soient toujours· sur leurs gardes. Pour les Français, la ligne qui assurerait la possibilité géographique et historique d'une couverture de la France est le fleuve nommé le Rhin. Les Français pensent que, de tous les points de vue, le Rhin doit être la barrière définitive à l'Est face à l'Allemagne et à la menace allemande. Il y a bien d'autres barrières, mais il faut une barrière réelle, géographique. Telle est l'opinion des Français. Staline dit qu'en l'occurrence les Français se proposent sans doute d'inclure dans le territoire de la France le Palatinat et la Rhénanie. ' De Gaulle dit que ce· serait une bonne décision que de détacher la Rhénanie de l'Allemagne et de la réunir à la France. Peut-être pour sa partie nord, le bassin de la Ruhr, fautil établir un autre régime qui ne soit pas le régime français, mais un régime international. Mais en ce qui concerne la Rhénanie en général, elle doit être détachée de l'Allemagne et réunie au territoire français, car c'est une nécessité politique, économique et militaire. Staline demande comment les Alliés voient ce problème. De Gaulle dit que la même qu_estion s'est posée en 1918. Clemenceau proposa alors de remettre la Rhénanie à la France. Les Alliés n'acceptèrent pas cette proposition. Ils trouvèrent alors une solution provisoire qui, comme l'ont montré les événements ultérieurs, ne fut pas heureuse. Les Allemands ont attaqué. De Gaulle dit qu'il pense que les Alliés ont progressé vers la vérité, mais qu'ils n'ont peut-être pas encore fait tout le chemin nécessaire. Staline dit que, pour autant qu'il sache, dans les milieux anglais, on envisage une autre combinaison, consistant à placer la RhénanieWestphalie sous contrôle international. Ce qu'a dit de Gaulle est nouveau et Staline en entend parler pour la première fois. Staline dit qu'il faudra connaître l'opinion des Alliés sur cette question. De Gaulle dit qu'il espère que cette question pourra être examinée à la Commission consultative européenne. Staline dit qu'il est difficile à la Russie de faire des objections à cela. De Gaulle dit que si les AngJais et les Américains s'étaient trouvés historiquement et géographiquement comme les Français sur le Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Rhin, la question pourrait être résolue autre- .ment. Mais ils ne s'y trouvent ni historiquement ni géographiquement. Ils ont d'autres soucis. Les Français ont pu s'en convaincre ; et eux et les Russes ont payé cela plus cher que personne. C'est là une leçon pour l'avenir. Staline dit que les armées anglo-américaines mènent des opérations dans cette région contre l'Allemagne. Il estime qu'il faut écouter l'opinion de l'Angleterre et de l'Amérique et qu'on ne peut pas résoudre la question sans elles. De Gaulle répond qu'il -est d'accord, qu'il faut agir de concert avec l'Angleterre et les États-Unis. Mais il faut résoudre la question, car la nouvelle paix doit être une paix de longue durée et non pas seulement pour l'année 1945. Les Américains et les Anglais Île seront pas toujours sur le Rhin, mais la France et la Russie resteront toujours là où elles .sont. Staline dit que_les deux dernières guerres ont montré que la force des puissances contin~ntales était insuffisante pour maîtriser l'Allemagne. Sans l'aide des forces anglaises et américaines, il est difficile de vaincre l'Allemagne. Il faut tenir compte de l'expérience des deux guerres. Bien que l'Angleterre et l'Amérique soient situées loin du Rhin, elles en sont assez proches pour jouer un rôle important dans la victoire. C'est là la leçon des deux guerres. De_Gaulle répond que c'est vrai, mais que l'intervention des Anglais. et des Américains a lieu dans les conditions que chacun connaît. De Gaulle dit qu'il songe à là France qui a failli périr. Si l'on trouvait une solution qui donne à la France et à la Russie de bonnes conditions au début d'une guerre contre l'Allemagne, cela serait dans l'intérêt de tous, y compris des Anglais et des Américains. De Gaulle dit qu'il n'est pas sûr que les Anglais et les Américains ne le comprennent pas. Staline dit que c'est tant mieux. Staline dit ensuite que par elle-même la frontière ne sauve pas la situation, bien qu'elle favorise le succès d'une guerre avec l'Allemagne. Staline dit qu'il y a chez nous des gens . qui estiment que les Carpates et la Transylvanie sont les frontières naturelles de la Russie. Pourtant, il est très difficile de transférer la frontière en Transylvanie ou sur les Carpates. Nous n'insistons pas là-dessus, car ce ne sont pas les frontières qui résolvent le problème, mais une bonne armée et un bon commandement. Staline dit qu'il demande à de Gaulle de bien le comprendre. Nous, les Russes, ne pouvons pas 'résoudre seuls cette question, sans en avoir _causéavec les Anglais et les Américains. Il n'y a pas que cette question ; il y en a beaucoup d'autres que nous ne pouvons· résoudre sans nos alliés et sans tenter de parvenir à une solution commune. ·

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