Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

172 Staline remarque que maintenant les choses vont mieux. De Gaulle dit qu'il est d'accord et ajoute que la France est d'ores et déjà quasiment libérée et que l'on peut constater qu'elle est demeurée presque •intacte, non pas au sens matériel! mais au sens moral. Le ·peuple, en dépit des souffrances et des malheurs, aspire dans son ensemble au rétablissement de la France en tant que grand pays. Après une courte pause, de Gaulle dit que la France a subi l'invasion allemande en 18701871, en 1914-1918 et en 1940. De là découlent presque toutes les difficultés de la France en politique extérieure et même en politique intérieure. Les Français ont maintenant bien compris que le seul moyen qu'ils aient de s'ouvrir une route vers un avenir meilleur est une coopération étroite avec d'autres puissances. Staline demande qui donc empêche la France de redevenir un grand pays. De Gaulle répond que ce sont avant tout les Allemands, qu'il faut encore vaincre. Les Français savent ce qu'a fait pour eux la Russie soviétique et ils savent que c'est elle qui a joué· le rôle principal dans leur libération. Cependant, cela ne signifie pas que les Français ne veulent pas compter sur leurs propres forces et préfèrent compter sur les forces des autres, sur les forces de leurs amis. De Gaulle dit qu'au fond, la cause des malheurs qui ont frappé la France a été le fait qu'elle n'était pas avec la Russie, n'avait pas d'accord avec elle, n'avait pas de traité efficace. Deuxièmement, ]a France n'était pas dans une situation géographique lui assurant une bonne position en face de l'Allemagne. Bref, les Français avaient été rejetés sur de mauvaises frontières. Staline dit que le fait que la Russie et la France n'aient pas été ensemble a été-un malheur également pour nous. Nous l'avons fort bien senti. De Gaulle dit que, en dehors de l'Allemagne, seules la Russie et la France occupent en Europe une· situation géographique continentale. Ces deux pays sont voisins de l'Allemagne et par conséquent se trouvent sous sa menace. Il en a été ainsi dans le passé et il en sera ainsi dans l'avenir. De Gaulle dit qu'il ne sait pas ce que pense le maréchal Staline de l'avenir, mais, quoi qu'on fasse pour affaiblir l' Allemagne, ce sera insuffisant, car le peuple allemand restera. Staline dit qu'il ne s'agit pas du peuple allemand, mais de ·ses cadres. Les Allemands ont beaucoup de cadres cachés et ils savent les . dissimuler. - . De Gaulle dit qu'après la guerre de 19141918, qui s'est terminée par· la victoire de la France, les Français pensaient que la paix BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL fondée sur la Société des Nations serait suffisante pour maintenir la paix (sic) et la sécurité. Ils n'ont pas pris les décisions nécessaires. La Russie soviétique était loin de la France et les Français n'ont pas pu organiser leur sécurité. Ensuite, de grands événements se sont produits, et les Français ont beaucoup appris. Ils ont compris ce que signifie l'absence de la Russie soviétique et ce que c'est que l'existence d'une certaine idéologie qui était plus pacifiste que réaliste. Lui, de Gaulle, ne suppose pas que .le maréchal Staline pense que la France croie pouvoir rétablir sa puissance, conserver sa place et garantir sa sécurité sans de grands effor\s de. sa part, de la part de son peuple. De Gaulle dit qu'il sait que la première condition du relèvement de la France est sa propre activité, celle du peuple français, dont lajeunesse veut tout faire pour redresser son pays ; cet élan des sentiments patr~iotiques est quelque chose de nouveau pour le peuple français au cours des dernières années. Staline dit que les Allemands nous ont aidés à cet égard. Par leur régime d'occupation, ils ont rendu aux peuples le sens du patriotisme. Ensuite · Staline demande si en France l'industrie se reconstruit. De Gaulle répond que l'industrie se reconstruit, mais très très lentement. Pour comprendre ce qui gêne le développement de l'industrie, il faut considérer la situation des transports, du charbon et de l'équipement. Lorsque les Alliés sont entrés en France, ils y ont trouvé plus de 4.000 ponts détruits, parmi lesquels presque tous étaient des ponts de chemin de fer. Cependant, les trains roulent en France, quoique avec de grandes difficultés. Deuxièmement, avant la guerre la France importait annuellement 40 millions de tonnes de charbon, et à présent elle a de grands besoins en charbon. Troisièmement, les Allemands ont emporté ou détruit tout le matériel indispensable ·à la production des armements, en particulier. à la fabrication des canons. Pour équiper leur armée, les Français ont été contraints de s'adresser . pour les armes aux Américains; or, pour le moment, les Américains n'en donnent pas. De Gaulle dit qu'il présume que la France a besoin de deux ans pour remettre sur pied son industrie. · Ensuite, de Gaulle dit que les gisements de minerai de fer se trouvent dans l'Est de la France. En Alsace, il y a 42 hauts fourneaux, parmi lesquels deux seulement fonctionnent à présent. Cela parce qu'on ne peut pas transporter de Lôrraine le métal, le minerai de fer, le charbon, étant donné que les troupes atnéricaines y stationnenent et que les combats s'y déroulent, ce qui complique beaucoup l~ situation. Malgré cela, le peuple français a la ferme volonté de restaurer l'industrie. ·

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==