Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

E. DEL/MARS pes monarchistes de la Crimée et du CaucaseNord. Avant le départ, Starov avait prévenu Zoubov: . - Tu pars en compagnie d'un vieux capitaine du corps des gendarmes, policier chevronné et intelligent. C'est un voyage difficile. Surveille-le tout le temps. Il peut avoir ses propres contacts secrets (...). Depuis la capture de Reilly, ils ont moins confiance en Ialrouchev. Or, Baskakov, par déformation professionnelle, surveillait lui aussi son compagnon de voyage. Après avoir visité la Crimée, ils arrivèrent à Novorossisk et descendirent dans des hôtels différents. Le lendemain, Zoubov se rendit au bureau de poste, sans se douter que Baskakov l'avait pris en filature. Il retira poste restante un télégramme, le lut avec attention et le déchira en petits morceaux qu'il jeta dans une corbeille. Dès qu'il fut sorti, Baskakov, qui avait tout observé par la fenêtre, récupéra les morceaux et reconstitua l'essentiel du texte signé par Fédorov (pseudonyme de Iakouchev). La dernière phrase était parfaitement lisible : « Issue mortelle possible. Revenez immédiatement. » · De Novorossisk, ils devaient se rendre à Krasnodar. Or, le jour même, Zoubov lui déclara : « Nous n'irons pas à Krasnodar. Mon beau-père est décédé. Nous rentrons à Moscou. » Quand Baskakov apprit, quelques jours après leur retour à Moscou, d'une rescapée du groupe monarchiste de Krasnodar, que le Guépéou local avait, par le plus grand des hasards, découvert le dépôt d'armes de ce groupe et avait arrêté, cinq jours après le télégramme de Iakouchev, tous ses membres, il se précipita chez Staunitz pour lui raconter l'aventure. Comment Iakouchev pouvait-il connaître, cinq jours à l'avance, la capture des monarchistes de Krasnodar et empêcher Zoubov et Baskakov d'être pris avec eux ? (pp. 338-39). Abasourdi, Staunitz ordonna à Baskakov de venir le surlendemain chez Marie Zakhartchenko. Il lui promit de tirer au clair cet incident avec Zoubov. Il passa la nuit à peser le pour et le contre, à s'efforcer de se convaincre que Iakouchev, homme de confiance du Conseil monarchiste suprême, de toute l'émigration, du grand-duc Nicolas, de Koutiépov, de divers états-majors étrangers, ancien haut fonctionnaire tsariste, dépouillé de tout par la révolution, ne pouvait être un agent du Guépéou. Et pourtant, tout lui réussissait trop bien : les passages de la frontière, les trop fréquentes missions à l'étranger, le voyage de Choulguine. Mais surtout, il empêchait constamment le Trust d'agir. Sous le pavillon du patriotisme, il était Biblioteca Gino Bianco 159 contre le terrorisme, contre les saboteurs, contre l'espionnage. Enfin, ce télégramme à Zoubov, son bras droit ... Le lendemain, Staunitz avait un rendez-vous avec Zoubov qui voulait obtenir de lui la restitution de 2.000 livres sterling que Birk avait remis à Staunitz pour acheter des émeraudes. Cet achat n'avait pas été fait et Staunitz s'arrangeait depuis longtemps pour ne pas rendre l'argent de Birk. L'entrevue fut orageuse, mais Staunitz avait fini par promettre de rendre à Zoubov cette somme le lendemain à la datcha de Zakhartchenko. Avant de se retirer, il demanda à Zoubov : « Qu'est-ce que c'est que ce télégramme que tu as reçu poste restante à Novorossisk ? » - « C'est- encore les manigances de ce flic de Baskakov. Que le diable l'emporte ! Le télégramme était de ma femme : son père est mort. » Ce mensonge trancha toutes les hésitations de Staunitz. Il ne pouvait abattre Zoubov sur place, car l'endroit était surveillé et le coup de feu aurait attiré l'attention. Il prit le premier train pour la datcha de Zakhartchenko : - Marie, toi et moi, nous ne sommes que des jouets entre les mains de lakouchev. Or, lakouchev est un tchékiste ! Oui, lakouchev, Potapov et Zoubov sont des tchékistes. Zakhartchenko tomba comme morte sur le divan. Staunitz la secoua : - Nous devons fuir par la « fenêtre » finlandaise pendant qu'elle fonctionne encore, partir aujourd'hui même (...). Nous serons demain matin à Léningrad et passerons la frontière dans la nuit. Nous avons devant nous 24 heures, pas une minute de plus. Staunitz retrouva son énergie coutumière : - Je vais leur laisser une lettre d'adieu sur cette table. N'oublie pas les 2.000 livres. Allons à la gare. Le train de Léningrad part dans deux heures. Ils sortirent de la datcha, en laissant la porte ouverte. Baskakov, qui ignorait leur fuite, trouva le lendemain la datcha vide, et vit la lettre de Staunitz. Pendant qu'il réfléchissait sur le parti à prendre, il entendit venir Zoubov. Le tchékiste, inquiet de trouver la porte ouverte, contourna, pistolet à la main, la maisonnette et força la porte de derrière, tandis que Baskakov s'était caché dans l'antichambre. Zoubov vit la lettre et s'assit pour la lire. Alors Baskakov lui envoya deux. balles. Mortellement blessé, Zoubov eut encore la force de lui loger une balle en plein front avant de s'affaisser sur la table. Staunitz et Zakhartchenko franchirent sans encombre la frontière finlandaise dans la nuit du 12 au 13 février 1927. Les jours suivants, le Guépéou arrêta tous les membres contrerévolutionnaires de la M.O.Tz.R. :

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