Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

E. DELIMARS ment pas, mais il est efficace. La Russie possède de magnifiques trésors artistiques : tableaux de grands maîtres, gravures, camées et gemmes, stockés dans les réserves, souvent non encore inventoriées, de vos musées: Il faut les envoyer à l'étranger, où le marché est immense pour les chefs-d'œuvre. Je peux personnellement et sans intermédiaire organiser leur écoulement, qui rapportera de très fortes sommes. Potapov protesta : - Cela va compromettre notre organisation. Nous ne sommes pas des pilleurs de musées! - La réputation peut être sacrifiée à l'argent. D'ailleurs, très peu de gens seraient au courant de cette opération. Au crayon, Reilly écrivit rapidement une liste de trésors d'art à voler. - Il y a aussi un autre moyen de se procurer de l'argent. C'est - la collaboration avec !'Intelligence Service. Elle s'intéresse beaucoup au Comintern. Le Trust doit pénétrer dans cette organisation. C'est difficile, mais faisable. S'il est vraiment impossible d'avoir des documents authentiques, vous pouvez les fabriquer vous-mêmes. On revint à la datcha avant le coucher du soleil. Reilly prit Iakouchev à part et lui promit 50.000 dollars pour organiser le vol d'objets d'art et l'espionnage dans le Comintern : - Le général Potapov est trop scrupuleux. Il est impossible de monter un coup d'Etat sans violer la morale (...). }'envisage très largement mon activité non seulement au point de vue politique mais aussi en tant que commerçant. Je veux vous intéresser dans cette opération. La nuit tombe. Reilly doit prendre le train pour Léningrad. Deux automobiles attendent les conjurés. Reilly monte dans la première avec Starov et Pouzitski, un tchékiste chevronné qui avait déjà participé à la capture de Savinkov. Potapov et Iakouchev montent dans la seconde voiture. Ils ne devaient plus jamais revoir Reilly. On devait arrêter Reilly pendant le trajet de retour, mais il demanda à envoyer une carte postale à ses amis à l'étranger pour leur prouver qu'il était effectivement venu à Moscou. Le Guépéou tenait à avoir l'adresse de ces amis. On amena donc Reilly dans l'appartement d'un tchékiste. Pendant qu'il écrivait sa missive, Starov téléphona à Artouzov et reçut l'ordre d'arrêter Reilly dès qu'il aurait jeté sa carte dans une boîte aux lettres. Abasourdi par la transformation subite de ses compagnons en tchékistes, Reilly fut conduit au Guépéou. Son premier interrogatoire fut conduit par Pillar. Le captif reconnut son identité et ses contacts avec le Trust qu'il prenait pour une organisation contre-révolutionnaire monarchiste. Enfermé à la Loubianka, il y passa un mois et quelque (pp. 254-64 ). Au début, Reilly croyait que les autorités britanniques allaient intervenir en sa faveur, puis il perdit tout espoir. A la fin du mois d'octobre, on lui annonça que sa condamnation à mort de 1918 allait être exécutée. Il fit une dernière tentative et écrivit la lettre suivante : Biblioteca Gino Bianco 157 « A F. E. Dzerjinski, président du Guépéou. Après les conversations que j'ai eues, je consens à vous faire des aveux complets et sincères et à vous fournir des renseignements sur les questions qui intéressent le Guépéou au sujet de l'organisation et du personnel des services secrets britanniques et, pour autant que je les connais, des services de renseignements américains, ainsi que sur les émigrés russes avec lesquels j'ai eu affaire. Sidney Reilly. Moscou, prison intérieure, 30 octobre 1925 » (p. 269). Ce reniement ne servit à rien : Reilly fut exécuté le 5 novembre 1925. Mais la capture de Reilly pouvait gravement compromettre le Trust et Iakouchev aux yeux des émigrés et des services secrets étrangers. Il fallait sauver sa réputation à tout prix. Le tchékiste Pouzitski partit pour Léningrad et organisa, dans la nuit du 28 au 29 septembre, près du village d'Ala-Kuhl, sur la frontière finlandaise, une mise en scène figurant un engagement entre des passeurs de frontière et une patrouille soviétique : cris, coups de sifflets, coups de feu, vacarme. Cela pour prouver à Ruzenstrem et Radkévitch, qui attendaient Reilly sur l'autre rive de la Sestra, que ce dernier avait été surpris par une ronde et abattu dans la fusillade. Cette màchination réussit parfaitement et la réputation du Trust sortit intacte de l'aventure. Zakhartchenko avait convaincu Mme Reilly, venue à Helsinki, que l'organisation n'ét~it pour rien dans la mort de son mari. La veuve fit publier dans le Daily Express une annonce nécrologique qui précisait que le décès avait eu lieu dans la nuit du 28 septembre, sur la frontière finlandaise. A Varsovie, on se félicita que Iakouchev n'ait pas accompagné Reilly cette nuit-là et le Deuxième Bureau polonais manifesta son inébranlable confiance dans le Trust en envoyant à Iakouchev, Potapov, Langovoï, Staunitz et Dorojinski, des montres en or et des pistolets automatiques otnés du monogramme de ces . messieurs. •*• LE SORT de ces deux ennemis irréductibles étant~ ainsi réglé, le Guépéou reprit son travail de sape dans l'émigration russe. Cette fois, il se servit de V.V. Choulguine qui avait déjà rencontré Iakouchev en 1923, chez von Lampe, et qui partageait depuis la croyance de Klimovitch dans le Trust. Choulguine recherchait en vain, depuis le désastre de Crimée, son fils aîné, engagé volontaire dans le régiment Markov, porté disparu quelques jours avant l'évacuation de la presqu'île. Il croyait son fils

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