154 juifs, Markov organisera " la colère du peuple ", les pogromes. Ensuite, le souverain ordonnera la ces- .sation des violences. » A l'issue de l'audience, qui dura deux heures, Iakouchev et Koutiépov furent retenus à déjeuner : « La grande-duchesse Anasta.sie, de type méridional, très alerte, quelques cheveux gris seulement, m'a embrassé sur le front : " Vous ne savez pas à quel point vous m'êtes cher! Je m'inquiète tellement pour vous ! " » (pp. 236-37). Fin novembre 1926, Iakouchev se rendit de nouveau à Paris. Avant son départ, il fut prévenu par Artouzov : - Il est probable que,· cette fois, vous serez moins bien reçu. Ils en ont assez d'attendre, ils veulent une action effective. Combien de temps vous sera-t-il possible de les mener encore par le bout du nez ? Ces derniers temps, ils essaient de plus en plus souvent d'agir en dehors de vous. Il nous faut savoir ce qui se passe chez le grand-duc Nicolas et dans la R.O.V.S. Artouzov ne se trompait pas Dans la villa du grand-duc où m'amena Koutiépov, on procédait à des réparations. Il y faisait froid et humide. Les familiers de Nicolas se pressaient autour de la cheminée : baron Stahl von Holstein, baron Wolf, Obolenski, Troubetskoï, général Loukomski, Kondzérovski, Chérémétiev, Skalon, docteur Malama - tous mécontents, tous las d'attendre. Les places futures étaient déjà réparties : un tel était nommé général-gouverneur, tel autre - ministre, un troisième - haut dignitaire de la cour. Je fus reçu très sèchement. Entre le grand-duc, en bottes maculées, en vareuse usée : - Il faut agir, il faut agir ! J'affirme : - Rien ne peut être fait avant deux ans, Votre Altesse. - C'est absurde. La situation est claire, la chute des bolchéviks se produira dans deux ou trois mois! - Comme toujours, je ne vous dis que la vérité, Votre Altesse. On nous empêche de travailler. On nous envoie des gaillards sans aucune préparation qui ne connaissent rien de la réalité soviétique. Pour les sauver de l'arrestation, le Trust est obligé de leur servir de bonne d'enfants ( ...). Avant de les envoyer, il faut leur donner une préparation très sérieuse et non les jeter en Russie comme des chiots· dans l'eau, dans l'espoir que quelques-uns vont surnager. Il nous faut avoir votre appel à l'Armée rouge et votre portrait dédicacé au Trust. Le grand-duc s'est adouci : - On vous donnera tout cela. Voyez Kokovtsev pour la question des fonds. Je lui ai déjà parlé de vous. Mais agissez, agissez, l'essentiel est d'agir. Vous voyez qu'ils s'ennuient tous (et il me montra sa suite). Le 5 décembre 1926, Koutiépov et lakouchev déjeunèrent avec Kokovtsev au restaurant Drouant : Kokovtsev a vieilli, mais il reste toujours l'homme le plus intelligent de l'émigration. Il suit la situation en Russie, lit les journaux. Il comprend que la nep est utile. Pour gagner définitivement mes deux convives, j'ai affirmé au cours du repas que le Trust destine le comte Kokovtsev au poste de premier ministre et le général Koutiépov - à celui de commandant en Biblioteca·.GinoBianco LE CONTRAT SOCIAL chef de toutes les forces armées de !'U.R.S.S. Quant aux fonds, Kokovtsev n'a encore que des vagues promesses de MacCormick 6 • Iakouchev quitta Paris le 14 décembre, porteur d'une superbe photographie du grand-duc Nicolas à cheval, ·agrémentée d'une chaleureuse dédicace. De plus, il emportait dans ses bagages· l'appel du grand-duc à l' Armée rouge, rédigé dans le style, imité du slavon d'Eglise, des manifestes naguère adressés par les tsars à leur armée. Ce fut la dernière visite de lakouchev. CETTE MAINMISEsur l'émigration blanche permit au Guépéou de réaliser encore deux exploits sensationnels : la capture de Boris Savinkov et celle de Sydney Reilly, important agent de !'Intelligence Service. Ces deux aventuriers politiques avaient, du reste, étroitement collaboré pendant plusieurs années. Durant la guerre civile, Boris Savinkov avait officieusement représenté les armées blanches à Paris et à Londres. Il se voyait déjà futur dictateur de la Russie. En 1920, pendant la guerre soviéto-polonaise, il tenta, avec l'aide de Pilsudski, de constituer un corps d'émigrés blancs. Cette guerre terminée, il avait créé sa propre organisation antisoviétique, l' « Union pour la défense de la patrie et de la liberté », singulier amalgame d'anciens socialistes-révolutionnaires, d'ex-menchéviks, de membres des divers partis bourgeois russes, de nationalistes ukrainiens et de simples bandits sans couleur politique. Des bandes armées de Savinkov, installées en Pologne, faisaient des incursions en Biélorussie, pillaient, torturaient et abattaient les fonctionnaires soviétiques, attaquaient les trains et incendiaient les entrepôts et bâtiments publics. Elles étaient soutenues par les services de renseignements étrangers et Sidney Reilly prenait une part active à leurs exploits. En 1922, Savinkov et Reilly avaient préparé à Berlin. ·un attentat contre Tchitchérine, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, qui revenait de la conférence de La Haye. L'attentat avait échoué par suite d'un retard imprévu de la délégation soviétique. Cette même· année, Reilly avait présenté Savinkov à Churchill, lequel voyait en lui le futur Napoléon de la révolution soviétique. En 1923, le Guépéou avait capturé plusieurs émissaires ' de Savinkov en Russie. Quelques autres furent à dessein laissés en liberté. Adroi6. Fabricant des ma.chines agricoles, milliardaire amé ricain qui avait de gros intérêts en Russie tsariste,
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