Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

150 commande, · mais nous formons un parti qui sera dirigé par le monarque et par son propre Conseil politique. - D'accord. Nous avons besoin d'un tel parti. Nous ne ferons rien sans une décision de votre Conseil politique. On revint ensuite à Markov et à son mot d'ordre : " Pour la foi, pour le tsar, pour la patrie ". Le grand-duc est d'avis que, pour le moment, ce slogan est inopportun. Il vaut mieux adopter : " La légalité et l'ordre ", tout court. Il faut obtenir que les diverses régions de la Russie m'envoient des adresses de .fidélité. Elles sont indispensables pour négocier les emprunts avec les gouvernements ou les financiers étrangers. » Avant de quitter Paris, Iakouchev avait signé un accord de collaboration entre le Trust et l'O.R.A. de Wrangel. Toute la correspondance devait passer par Holmsen. Le jeune prince Chirinski-Chikhmatov fut nommé représentant du Trust à Paris. Quant à Arapov, il devint représentant _de l'organisation à Berlin. * '1- '1AINSI, le but principal de la mission de Iakouchev était atteint : il avait pénétré au Conseil monarchiste suprême, établi un contact avec les services de Wrangel et obtenu une audience chez le grand-duc Nicolas. A son retour à Moscou, les détails de son voyage furent étudiés par Artouzov, Pillar et Starov et les résultats soumis à Dzerjinski. Celui-ci estima que Iakouchev avait bien travaillé et qu'il avait entièrement justifié la confiance que- le Guépéou avait mise en lui. Dzerjinski trouva indispensable d'adjoindre à Iakouchev un spécialiste militaire capable de jouer le rôle de chef d'état-major du Trust. La réception par le grand-duc Nicolas, la promesse de l'émigration de rechercher des fonds pour le Trust et la lettre d'encouragement obtenue du grand-duc Dmitri Pavlovitch avaient fortement rebaussé le prestige de Iakouchev parmi les vrais monarchistes du Trust. Son prestige s'était encore accru quand il leur avait annonçé qu'un général-lieutenant, breveté d'état-major tsariste, avait consenti, sur sa, demande, à devenir chef d'état-major du Trust. Il s'agissait de N. M. Potapov, qui travaillait à l'état-major général de l'Armée rouge. Dans son autobiographie manuscrite, pièce obligatoire du dossier personnel d'un officier soviétique, celuici avait déclaré : « Je suis fier, étant fils de fonctionnaire et petit- .fils de paysan, d'avoir bien compris, malgré mon grade de général-lieutenant, le rôle du parti communiste. Dès le 23 novembre 1917, j'ai commencé ma collaboration honnête avec le Parti. » Mis par l'armée, sur la demande de Dzerjinski, à la disposition du Gµépéou, Potapov fut Biblioteca Gino Bianco LE CONTJUT SOCIAL reçu par Artouzov qui lui c;ommuniqu~ plusieurs dossiers concernant le Trust et lui parla de son futur rôle : - Nos ennemis parlent des méthodes surnaturelles, voire hypnotiques, que pratiquent nos juges d'instruction. Quelles balivernes ! Nous cherchons simplement à démontrer à l'inculpé que la cause pour laquelle il risquait sa vie est irrémédiablement perdue, qu'on l'a trompé, qu'il agissait en aveugle sans comprendre pour qui il travaillait. Bien entendu, on tombe quelquefois sur des fanatiques frénétiques. Mais, même en face d'eux, ·-nous ne devons pas oublier ce que Dzerjinski répète constamment : « Souvenez-vous que tout détenu est limité dans ses moyens de défense. La privation de liberté est un mal, mais nous sommes encore obligés d'y recourir, afin que le bien et le vrai triomphent. » L'affaire dont vous venez de prendre connaissance doit, elle aussi, être poursuivie pour faire triompher la vérité. Potapov lui répondit : - Je vous comprends parfaitement. Quel rôle me destinez-vous dans cette comédie captivante ? - Dzerjinski, qui vous connaît, estime que vous êtes parfaitement qualifié pour jouer le rôle de chef d'état-major du Trust. Iakouchev, malgré ses capacités, n'est pas assez au courant des questions militaires. -- Iakouchev ! Je l'ai connu un peu jadis. C'est étonnant que vous ayez réussi à rééduquer un tel « aurochs » monarchiste. Très intelligent, très habile aussi. En son temps, il avait très adroitement mené sa carrière (p. 135). Réunis par Artouzov, Potapov et lakouchev n'eurent aucun mal à s'entendre comme larrons en foire. Le même jour, le Guépéou donna à Iakouchev une nouvelle preuve de sa confiance. Conduit par Artouzov au bureau de Starov, il fut stupéfait d'y trouver Zoubov, officier soviétique de l'équipe de Staunitz, en conversation amicale avec Pillar et Starov. L'ébahissement mutuel de ces deux agents provocateurs fit rire leurs traitants tchékistes. Starov déclara en souriant : « Tout peut arriver en ce bas monde. Votre étonnement prouve que, l'un et l'autre, vous aviez très bien joué vos rôles (p. 137). » La collaboration étroite entre les deux compères, aidés par Potapov, devait affermir encore ·la mainmise tchékiste sur les éléments antibolchéviks du Trust. Il devenait pressant de les tenir à l'œil, car les émissaires terroristes de Wrangel et de Koutiépov venaient de plus en plus souvent en Russie. En septembre 1923, Wrangel avait transformé son O.R.A. en R.O.V.S. (Union interarmes de Russie), laquelle comptait environ 25 .000 adhérents, anciens combattants de toutes les unités blanches de la guerre civile. Il plaça à la tête de la R.O.V.S. le général Koutiépov, jeune, énergique, têtu et implacable, et ne conserva pour lui-m~me que la haute direction politique de l'organisation. Cette nomina-

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