148 « Votre communication sur l'activité du Trust a été accueillie ici avec enthousiasme (...). L'émigration dispose de 1.500 sabres de la cavalerie russe, incluse dans la garde-frontière serbe, de plusieurs écoles d'officiers et de trois corps de cadets 2 • En Bulgarie, nous avons le corps d'armée de Koutiépov et celui des Cosaques du Don. Nous vous prions de venir, nous vous attendons avec impatience, vous-même et personne d'autre, pour régler toutes les questions » (p. 110). Ces questions concernaient la coordinati(?n de l'activité du Trust avec celle de l'émigration. Celle-ci inquiétait le Guépéou beaucoup plus par l'envoi de terroristes en Russie que par l'intervention peu probable de forces militaires difficilement mobilisables. Dzerjinski indiqua à Artouzov : - Pour le moment, l'essentiel est d'envoyer Iakouchev à Berlin pour qu'il pénètre au Conseil monarchiste suprême. C'est là que se trouve la véritable école d'assassins (p. 92). Il ne se trompait point : le 10 mai 1923, le diplomate soviétique Vorovski était abattu à Lausanne par le monarchiste Konradi. A son tour, Artouzov, précisa à Iakouchev que sa tâche n'était pas seulement de pénétrer au V.M.S.,- mais aussi dans l'entourage du grand-duc Nicolas : - Essayez d'obtenir de ce dernier une audience. Elle rehaussera très fortement votre autorité dans le Trus,t en Russie. Ensuite, il vous faut rechercher un contact avec Wrangel. Envoyé encore .une fois en mission officielle à l'étranger par le commissariat du peuple aux Voies de communications, Iakouchev fut reçu. à bras ouverts à Riga par Artamonov et un nommé Arapov, qui l'accompagnèrent à Berlin : « Artamonov et Arapov, trop jeunes pour être admis dans les hautes sphères monarchistes et froissés par cet ostracisme, m'ont raconté avec beaucoup de fiel ce qui s'y passe. Les partisans du grand-duc Cyrille Vladimirovitch 3 ont complètement échoué. Ils rejettent la candidature au trône du grand-duc Nicolas, qui n'est pas un héritier direct et qui n'a pas d'enfants ( ...). Mais le V.M.S. mise sur Nicolas qui est entouré de bonzes titrés retombés en enfance et de bavards roués. Personne n'a d'argent. Seul le ·prince d'Oldenbourg, président d'honneur du V.M.S., a conservé une grosse fortune· » (pp. 113-14). , Dans les volumineux comptes rendus de mission présentés par Iakouchev à son retour à Moscou, Nikouline choisit très adroitement des traits pittoresques et grotesques afin de ridiculiser, aux yeux du lecteur, les gros bonnets de l'émigration monarchiste. Jouant sur le ressentiment des Soviétiques et leur crainte . permanente de tout ce qui est allemand, il ne 2. Ecoles militaires secondaires qui, avant la révolution, préparaient aux écoles d'officiers. 3. Cyrille se proclama. de son propre chef, empereur de Russie. J BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL manque jamais de souligner les noms de famille purement germaniques, très fréquents tant dans l'entourage du grand-duc Nicolas que dans celui de Wrangel : « J'ai dû attendre 48 heures à Berlin N. E. Markov, venant de Paris, conseiller et homme de confiance du grand-duc Nicolas, accompagné par le vieux prince Chirinski-Chikhmatov (...). Markov, vieillard atrabilaire et stupide, a interrompu mon exposé passionné sur la constitution en Russie d'un parti monarchiste, étroitement allié au V.M.S., pour me demander quel était l'état d'esprit de !'Armée rouge, quelles étaient les unités prêtés pour le coup d'Etat, quand on pouvait compter sur ce dernier. Il était clair que ces deux barbons ne comprenaient rien aux problèmes militaires. Markov lisait ses questions sur un bout de papier qu'il tenait à la main. Il m'avait solennellement annoncé que " Son Altesse le grand-duc Nicolas consent à se mettre à la -tête du mouvement monarchiste, mais attend d'y être appelé par toute la Russie ". Pendant les deux jours suivants, j'ai discuté avec le V.M.S. le programme du futur congrès monarchiste russe à Berlin.· Je défendais sans cesse les positions ultra-monarchistes du Trust, à la plus grande satisfaction de tous ces anciens piliers du tsarisme, de tous ces " vrais Russes " aux noms allemands, de ces Baumgarten, Herschelmann, Thalberg, Sabler, etc., qui n'avaient rien appris ni rien oublié. Ils ne désiraient qu'une chose : revenir en Russie à n'importe quel prix et reprendre leurs anciens postes de commande. Ils envisageaient une intervention armée avec 50 ou 60.000 combattants blancs et 3 ou 4.000 étrangers » (pp. 114-16). · La mission de Iakouchev se déroula avec succès. Les émigrés voyaient en lui un JeanBaptiste annonciateur du nouveau Romanov. Mais lui n'oubliait point un autre aspect de sa tâche : jeter la zizanie dans l'émigration monarchiste. Pour attiser la querelle entre Wrangel et le V.M.S., Arapov présenta Iakouchev au colonel von Lampe, délégué de Wrangel à Berlin. Le colonel commença par traiter tous les membres du V.M.S. de « vieux crachoirs, ( ...) alors que nous nous appuyons sur les meilleurs régiments russes en Serbie et en Bulgarie, formés par Wrange! et endurcis au camp de Gallipoli ». Il dem~nda à Iakouchev de ne plus recourir au V.M.S. et le présenta au général Klimovitch, ancien chef de la Direction de la police tsariste en 1916, devenu chez Wrangel chef du service de renseignements et de police politique. Ce policier chevronné le surprit par son appréciation sur le grand-duc Nicolas : - Il est timbré. C'est lui qui, avec sa Monténégrine de femme 4, a inventé Raspoutine. Il est bien capable. de, trouver encore un autre thaumaturge. , Nous en avons assez de tous ces mystiques et psychopathes (...). Le tsar, le peuple, la dynastie! Quelle 4. La grande-duchesse An~stasie était la fille de Nicolas, roi du Monténégro.
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