Le Contrat Social - anno X - n. 3 - mag.-giu. 1966

LA TCHÉKA ET SON « TRUST ~ par E. Delitnars Nous AVONS vu* que la Tchéka-Guépéou comptait sur son nouvel agent provocateur, Iakouchev, pour transformer la M.O.Tz.R. (Organisation monarchis- . te de Russie centrale), en « Trust » tchékiste, afin de paralyser les activités antisoviétiques de l'émigration blanche et des divers services -de renseignements étrangers. Le Trust devait pénétrer dans les organisations ennemies, capter la confiance de leurs chefs, renseigner Moscou sur leurs projets et moyens d'action, les intoxiquer, les désagréger et, avant tout, empêcher qu'elles n'envoient en Russie des terroristes, saboteurs et espions. Le fait que les ennemis du bolchévisme attendaient sa chute inéluctable et prochaine facilitait grandement la tâche du Trust. Mais avant de dépêcher à l'étranger l'annonciateur de cet effondrement, Iakouchev, il fallait rassurer sur son sort ses amis monarchistes de Reval, Artamonov et Chtchelgatchev, inquiets de son long silence. Cette mission fut confiée à un jeune tchékiste astucieux, V.V. Kossinov-Kiakovski, métamorphosé pour la circonstance en Pavel Pétrovitch Kolesnikov, ancien lieutenant de ·1a fameuse division Markov de l'Armée volontaire, devenu sous la· nep, pour vivre, fonctionnaire d'un service économique : Artouzov et Starov établirent pour le nouveau Kolesnikov une biographie vraisemblable, en remontant jusqu'à sa naissance, avec force détails sur ses parents, la ville de ses études secondaires, ses services militaires, ses camarades de régiment et ceux qu'il avait prétendument connus dans l'Armée volontaire. Il ne devait nommer que les morts ou ceux qu'il ne * Cf. • La Tchéka à l'œuvre ,, in Contrat social, marsavril 1966. BibliotecaGino Bia .co • pouvait pas rencontrer. Il lui fallait connaître parfaitement leur aspect physique, leurs habitudes, leur caractère. Starov avait un réel talent de metteur en scène pour ces représentations où la moindre bévue pouvait coûter la vie à l'artiste. Il avait eu souvent affaire aux officiers blancs, pareils à cet imaginaire Kolesnikov, et il compléta la silhouette psychologique de celui-ci par maints détails caractéristiques_ d'un garde-blanc · (pp. 90-91). -Kolesnikov était censé profiter de son passage à Reval, au retour d'une mission commerciale à Berlin, -pour remettre à Artamonov une lettre de sa tante, une dame Stachkévitch, amie et voisine de Iakouchev à Moscou. Nikouline - décrit avec ·verve l'entrevue du tchékiste avec les délégués, d'abord méfiants, du Conseil monarchiste suprême. Voici l'essentiel de cette prise de contact; extrait du rapport présenté par Kolesnikov à son retour à Moscou : · « Je suis descendu à Reval à l'hôtel du Lion d'or et me suis rendu chez Artamonov. Reçu ·avec une politesse glaciale, j'ai remis la lettre de Stachkévitch. Chtchelgatchev est arrivé peu après. L'entretien a pris l'allure d'un interrogatoire (...). Je me suis conduit comme convenu. D'abord, ils ont essayé de m'enivrer, de me sonder. J'ai traîné un peu, puis j'ai prononcé le mot de passe et j'ai remis le message chiffré. Ils l'ont aussitôt décrypté et se sont convaincus que j'étais vraiment un courrier de la M.O.Tz.R. Le lendemain, venus à mon hôtel, ils ont très franchement parlé du V.M.S. (Conseil monarchiste suprême)... Chtchelgatchev critique l'entourage du grand-duc Nicolas Nicolaïévitch, mais parle avec respect de Wrangel, qui dispose de l'O.R.A. (Union de l'armée russe) et de l'Union de Gallipoli, dirigée par le général Koutiépov. Artamonov s'intéresse beaucoup à Iakouchev et le considère comme une personne idoine pour les futurs pourparlers sur la coordination de l'activité de l'émigration avec celle de la M.O.Tz.R. Tous deux sont persuadés qu'en Russie travaille une puissante organisation monarchiste. Le V.M.S. va tenter de mettre

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