Le Contrat Social - anno X - n. 1 - gen.-feb. 1966

48 avant l'ouverture de la séance. Cela se passait au Métropole, dans la salle où se trouve maintenant, paraît-il, un restaurant. Dans son rapport, Serguéï Serguéïevitch montra quel rôle immense jouent les communistes dans les opérations de l'Armée rouge. Il fallait donc, selon lui, exiger du commissaire (politique) qu'il envoie· immédiatement un groupe formé de communistes (groupe de choc) aux points où s'était produite une percée temporaire, ou bien encore là où le front n'était pas solide. Ce groupe de choc, affirma-t-il, redresse toujours la situation : le front se renforce, la percée est colmatée. Pendant l'automne de 1919, un dimanche, Danichevski m'appela chez moi du Conseil militaire révolutionnaire et me demanda de m'y rendre immédiatement, étant donné qu'aucun des membres du Comité central ne se trouvait à Moscou ; il ne pouvait toucher personne et l'affaire était urgente. Je fis tout pour me récuser, faisant valoir qu'en qualité de civil, je n'entendais rien aux questions militaires. Mais il insista en arguant du fait que j'étais membre du Comité central, et secrétaire de surcroît ; je devais donc me présenter sans retard au Conseil militaire révolutionnaire. J'y allai donc. On me mena ~ussitôt chez Danichevski, qui me conduisit dahs une pièce où, sur une grande table, était étalée une carte de la Russie d'Europe. Il me montra la ligne du front près d'Orel et la percée que Denikine venait d'effectuer·. Du front, on télégraphiait qu'il fallait absolument envoyer cent communistes pour constituer un groupe de choc destiné à colma- · ter la brèche sur-le-champ. Du Conseil militaire même, je téléphonai au comité du Parti de Moscou : on devait absolum€nt mobiliser cent communistes et les envoyer pour six heures à la ·gare de Koursk. J'appelai le soviet de Moscou pour qu'on fournisse tout le nécessaire. aux combattants. Après quoi, je me rendis au Seriébriany-Bor, à la datcha de L.B. Kamenev 2 pour lui demander d'abord, en sa qualité de président du soviet de Moscou, de confirmer les ordres donnés par moi, et ensuite d'être à la gare à l'heure dite, pour souhaiter bon voyage ' . . a ceux qui parta1ent. Tout se déroula avec ponctualité et le groupe au complet partit à temps pour le front. En règle générale, .je passais le dimanche au Comité central ou bien encore je restais ce jour-là à la maison pour examiner les affaires 2. Ne pas le confondre avec le militaire du même nom, précédemment mentionné. Il s'agit ici du proche collaborateur de Lénine, beau-frère de Trotski, et que Staline fit périr en 1936, - N,d.l,R. BibliotecaGin.oBianco -~ MATÉRIAUX D'HISTOIRE urgentes, déchiffrer les télégrammes, etc. A l'époque, il n'y avait pas de ·service du chiffre au C.C., et tout le travail -· chiffrage et décryptage - c'était moi qui le faisait personnellement. A mon nom arrivaient toutes les dépêches chiffrées, que l'on gardait dans un coffrefort au secrétariat du C.C. ou à mon domicile également dans un coffre. Ce n'est que rarement, dans des cas très urgents, que j'étais secondée dans cette tâche par Maria Abramovna Chaver, en quelque sorte ma pupille au sens du Parti, qui venait chez moi en qualité de dactylo, et qui était sans-parti 3 • Je travaillai au secrétariat du Comité central jusqu'au mois de mars 1920. A la veille du IXr Congrès du Parti, la question se posa de renouveler quelque peu la composition du Comité central. Pendant qu'on en discutait aux séances du C.C., Evdokimov et moi-même déclarâmes que nous acceptions d'être écartés. Mais là se produisit un fait curieux : lorsqu'on passa aux voix, je fus la seule à _voter pour mon éviction; Evdokimov, lui, vota pour son propre maintien au C.C. Après le IXe Congrès, travaillèrent au secrétariat 4 Krestinski, Sérébriakov et Préobrajenski. La question une fois tranchée, je m'adressai à Krestinski pour lui demander quelles tâches il allait me confier. Je proposai de me charger de la direction de toute la chancellerie 5 ou de la section d'organisation. Krestinski me répondit que pour diriger la chancellerie, il s'adresserait à un « spécialiste » qui saurait s'organiser comme dans n'importe quel commissariat du peuple ; .il me proposa de travailler- à la section des femmes. La .chose ne me disait rien et je refusai. Peu après, je fus atteinte de pneumonie. Après un mois de maladie, je me rendis pour une certaine affaire au secrétariat du Comité central.· J'y fus accueillie par Préobrajenski qui me demanda comment j'avais trouvé le moyen, toute seule, de venir à bout de Îa correspondance ; il y tavait à présent trois personnes pour faire le même travail, et elles n'y suffisaient pas : dans son bureau s'amassait un gros tas de lettres en souffrance. J'avais pour règle de ne jamais laisser une seule lettre sans réponse, de ne jamais laisser en suspens le moindre . , . - 3. Par la suite, elle fut secrétaire à l'Orgburo du Comité central, elle travailla au Comintern, à la section des liaisons du coniité exécutif du Secours rouge. Aujourd'hui à la retraite. · 4. Précisons cette expression équivoque : les noms qui suivent sont ceux des trois secrétaires en titre du Parti, tous trois mis à mort par ordre de Staline lors des « procès en sorcellerie• de 1937 et 1938. - N.d.l.R. 5. Ici, ce mot a le sens de « travail de bureau •• - N,d.l.R,

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