344 ·cela se passait à la fin de 1926, mais dès 1927 il fut éliminé et un jeune communiste français, venu à Moscou pour le dixième anniversaire de la révolution, écrit à son sujet, à propos d'une réunion des communistes étrangers, convoqués pour condamner Trotski : «- Crémet, Français réfugié à Moscou, fut seul à s'abstenir publiquement :n. » H. Barbé, l'un des dirigeants du Parti français à l'époque, écrit au sujet de Crémet : « Il connaissait des secrets terriblement compromettants pour les services secrets soviétiques (...). C'est à ce moment - au début de 1929 - que j'appris à Moscou que l'Internationale allait donner une mission à Crémet. · On me parla vaguement d'un travail qui lui serait confié en Extrême-Orient ( ...). J'appris à Moscou, plusieurs mois après, que Crémet avait trouvé la mort à la suite d'un accident survenu sur le navire où il voyageait. Les milieux russes du Comintern racontaient à Moscou sous le sceau du secret que Crémet était tombé accidentellement à la mer et qu'il n'avait pu être repêché. Cette disparition plus qu'étrange arrangeait trop bien les choses 38 • » GEORGE A.NnREITCHINEB, ulgare devenu américain, militant des I.W.W., s'enfuit des Etats-Unis plutôt que de purger une peine de plusieurs années de prison. A son arrivée à Moscou, il fut nommé membre du Comité exécutif de l'Internationalç syndicale rouge créée en 1921, et chef de la section anglo-américaine. Il dirige -ensuite la section balkanique et coloniale. Mais en 1927 il ne cachait pas sa sympathie pour les adversaires de Staline (Trotski et autres), ce qui lui valut d'être arrêté à la fin de 1927. Sa situation irrégulière dans son pays dispensait la police de tout scrupule, alors qu'elle en avait à l'époque envers les communistes étrangers titulaires d'un passeport légal et qui auraient pu demander protection à l'ambassade de leur pays « bourgeois », provoquant ainsi un incident diplomatique. C'est ainsi que Pierre Célor, représentant du parti communiste français au Comintern en 1931, put sauver sa vie et celle de sa femme, bien que prétendument.« démasqué » comme policier par la Commission de contrôle du Comintern : « Quelques jours après [l'interrogatoire], la femme de Célor, craignant pour la vie de spn mari, se rendait à l'ambassade de France, et lui demandait appui et secours pour faciliter son retour et celui de Célor en France. I-Juit jours plus tard, le ménage Célor partait pour la France a9 • » 37. P. Naville : Trotsky vivant, Paris 1962, p. 24. 38. Henri Barbé : Souvenirs de mili(ant et de dirigeant communiste, Hoover Library, pp. 111-112. 39. H. Barbé, op. cit., p. 300. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Mais . quelquefois le Guépéou pouvait agir avec rapidité, avant que le dirigeant communiste ne se décide à demander la protection de son ambassade, comme ce fut le cas d'ARNE MuNCH-PETERSONm,embre du Comité central du P.C. danois. De petite noblesse danoise,. il avait adhéré au parti communiste et devint son représentant au Comintern ...· Il était citoyen danois, ne venait à Moscou que pour des visites épisodiques. Mais un jour le Guépéou l' arrêta et l'on n'a jamais su ce· qu'il était devenu. A une réunion de la Commission de contrôle, il fut une fois question de lui ; selon l'explication semi-officielle de son arrestation, il avait entretenu des relations avec Axel Larsen, le leader officiel du Parti danois, accusé vers 1930 de sympathiser avec Trotski 40 • De 1nême, s'il arrivait qu'une militante étrangère devînt citoyenne soviétique par mariage, elle perdait sa protection « bourgeoise » et suivait dans la mort son mari, comme ce fut le cas de RosE COHEN,anglaise, orateur au VP Congrès du Comintern, compagne de Pétrovski-Benett. D'origine juive-russe, Pétrovski était dans les années 1928-30, lorsque Staline était en train de domestiquer le Comintern, membre suppléant du Présidium du Comité exécutif et responsable de la section anglo-américaine. J.T. Murphy, leader communiste anglais, écrit à ce sujet : « Je n'étais pas le seul Anglais à l'hôtel Luxe [en 1926] ... La belle Rose Cohen vivait là aussi. Son amour pour Pétrovski, ancien collaborateur de Trotski quand celui-ci était commissaire à la Guerre, lui valut un long séjour dans une prison soviétique 41 • » Ce destin n'était pas réservé exclusivement aux t dirigeants communistes européens. Sans douterpayèrent-ils le prix le plus élevé parce ·qu'ils étaient les plus nombreux à Moscou, mais si un dirigeant asiatique s'installait en U.R.S.S., il partageait le même sort, comme le montre le cas de SULTANZADÉ.Iranien, se trouvant en Russie lors de la révolution communiste, il se rallia à la 3e Internationale, fut élu à l'issue des IP et IIP Congrès membre du Comité exécutif et apparut encore au VIe Congrès en 1928. Mais la purge stalinienne devait l'emporter : ~< According to current Soviet histo. riography, Sultan Zadé was a " traitor " 42 ••• » 40. A. Tuominen, op.· cit., p. 215. 41. J. T. Murphy : New Horizons, Londres 1941, p. 242. 42. Walter Z. Laqueur: The Soviet Union and the Middle East, New York 1959, p. 30.
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