Le Contrat Social - anno IX - n. 6 - nov.-dic. 1965

B. LAZITCH hongrois en 1919 ; mais ct.rtains réussirent à survivre et à rentrer en Hongrie en 1945. Le parti communiste roumain, également mis hors la loi dans son pays, eut un moment presque tout son Comité central réfugié à Moscou. Le personnage principal était MARCELPAUKER,secrétaire général du Parti jusqu'à 1930, mari d'Anna Pauker, tous les deux ralliés au communisme en Roumanie dès ses débuts. lis participèrent au IVe Congrès du Comintern en 1922, où Marcel Pauker prit la parole au nom de la délégation roumaine. Devenus révolutionnaires professionnels tous deux, Anna fut arrêtée en 193 5 en Roumanie, alors que son mari se trouvait en U.R.S.S. où il ne devait pas tarder . à être arrêté. A la différence de sa femme, cinq années plus tard libérée des prisons monarcho-fascistes de Roumanie, il ne devait jamais quitter les geôles staliniennes. Voici ce que dit de sa fin un fonctionnaire du Comintern, Ivan Karaïvanov, qui le connaissait bien : « Marcel Pauker était un marxiste bien formé et l'un des meilleurs hommes du P.C. roumain. Mais il ne travailla pas très longtemps après l'arrestation de sa femme (1935); il fut accusé de collusion avec l'opposition zinoviéviste, arrêté et liquidé sans procès après celui qui fut monté contre Zinoviev et Kamenev 3!'>_ » Le même auteur énumère plusieurs autres membres du Comité central roumain restés avec Marcel Pauker à Moscou : Maria Tchoban qui fut représentant du P.C. roumain au Secrétariat balkanique en 193 5, lorsque Tito-Walter vint y travailler, Codreanu, Joanu, Vanda (tous pseudonymes), dirigeants du P.C. roumain à l'époque. Ces pseudonymes recouvrent les noms des membres du Comité central victimes des purges : CLARAScHAIN, en U.R.S.S. dès les années 1926-27 ; l'ingénieur ALEXANDRUDoBROGEAN· U(fils du fondateur du mouvement socialiste roumain), collaborateur de l'Inprekor; le or ROZVANYc,hef du mouvement communiste en Transylvanie ; LENUTZÉPHILIPOVICI,ouvrière évadée de prison, glorifiée par les communistes comme « héroïne du prolétariat » avant d'être arrêtée par les mêmes. Ils sont tous devenus, selon la formule de George Orwell, des .c non existent. persons » : on ne parle plus jamais d'eux dans les écrits officiels du Parti, ce qui est déjà un indice sûr qu'ils ont été liquidés. La seule exception à ce silence systématique fut une attaque contre Marcel Paukcr, accusé au Comité central, 35. Ivan Karalvanov : Hommt1 ~, Pflflm~11, Bel• (lrade 1953, p. t 12. Biblioteca Gino Bianco 343 en décembre 1961, de lutte fractionnelle, de tactique « classe contre classe » et autres « crimes » dont la responsabilité incombe, bien entendu, au Comintern lui-même ; tout cela sans souffler n1ot de son séjour en U.R.S.S. ni de son sort tragique, ce qui prouve qu'il est non seulement hors de la catégorie des « réhabilités », mais toujours parmi les « antiparti ». Le parti commt:iniste grec, de par la situation géographique du pays, était moins obligé de transférer son siège à Moscou que les autres partis interdits dans les pays limitrophes de !'U.R.S.S. Néanmoins, il perdit deux chefs de premier plan durant la grande purge. L'un était ANDRONIKOHSAITAS, membre du Comité central dès les débuts du Parti, son représentant à Moscou de 1924 à 1926, secrétaire général du Parti nommé aux congrès de 1927 et 1928. Arrêté en 1929 par la police grecque, il réussit à-s'enfuir en 1931, avec un autre chef emprisonné, Georges Kolozoff, secrétaire général des Jeunesses communistes, membre du Comité central du Parti, qui avant son arrestation avait subi la formation communiste à Moscou à la KUTV (Université communiste des travailleurs d'Orient). En U.R.S.S., Haitas fut nommé professeur d'économie politique à l'université de Kouïbychev, mais, arrêté vers 193 5 sous prétexte d'avoir enseigné des théories boukhariniennes, il fut exécuté. GEORGESKoLOZOFF,nommé responsable pour la minorité grecque en Russie du sud, mais déçu du régime soviétique, réussit en 1934 à envoyer à sa femme, par l'intermédiaire d'un marin sur un bateau grec, une lettre finissant ainsi : « Mes idéaux sont morts. Je suis un homme désespéré, un hom1ne perdu 36 • » Vers 1935-36, il fut arrêté, et l'on apprit plus tard qu'il avait été fusillé par « décision administrative » comme « traître au socialisme ». Si un parti communiste n'était pas hors la loi dans son pays, 1nais qu'un de ses dirigeants compromis avait dû se réfugier en U.R.S.S., la police de Staline ne l'oubliait pas. En France, par exemple, deux des premiers agents de l'espionnage soviétique, TOMASIet JEANCRÉMET, soupçonnés par la police, durent chercher asile en U.R.S.S. et moururent dans des conditions suspectes : Tomasi subitement, d'un « ulcère » et Crémet « accidentellement », lors d'un~ mission en Extrême-Orient. Avant de finir ainsi, Crémet fut n1embre du Politburo et du Secrétariat du P.C. français dès 192:5, et lorsqu'il arriva en U.R.S.S. il devint membre du Présidium et du Secrétariat du Comintern. 36. Copie de cette lettre est en po11e11lon de l'outenr.

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