B. SOUYARINE chance, elle bénéficie des divagations effrénées de Mao et de sa clique, qui inquiètent ou indisposent les pays et les partis les plus enclins à s,enrôler stupidement sous la bannière jaune. Elle profite aussi des dissensions sanglantes qui ravagent le pandémonium dit « afro-asiatique » et qui discréditent_d'avance la plus que problématique foire aux palabres dénommée pompeusement « second Bandoung » par les marchands de papier imprimé en Europe et en Amérique. Le premier « Bandoung » marquerait, paraît-il, un tournant de l'histoire universelle pour avoir empêché la Chine, l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie, la Malaisie, les Arabes et les Africains de s'entre-tuer sous de vains prétextes ? Soit noté en passant, le successeur de Ben Bella avoue une dépense de quinze milliards (de dinars) pour planter un décor factice à l'intention de cette seconde parodie de solidarité afro-asiatique englobant la sinistre caricature du « socialisme » arabe avec des monarchies archaïques, des cliques militaires et le fanatisme islamique, couvrant mal de sordides rivalités nationalistes ou tribales et singulièrement l'antagonisme chauvin russo-chinois camouflé en surenchère de marxisme-léninisme. Pour comble, la France et les Etats-Unis sont les principaux commanditaires de l'Algérie nationale-socialistearmée à outrance (contre qui ?) par l'Union soviétique. Dans cet embrouillamini indescriptible, maints soviétologues distingués s'emploient à discerner des phénomènes d'orthodoxie et des linéaments de révisionnisme. Encore faudrait-il savoir à quoi ils se réfèrent pour coller ainsi, selon l'expression de Valéry, « des étiquettes sur des bouteilles ». Leur tâche apparaît spécialement malaisée quand ils appliquent leurs mystérieux critères au « marxisme-léninisme » d'Indonésie, incorporé au « nasakom » qui se définit comme une synthèse bizarre de nationalisme, de religion et de communisme. Vue de plus près, cette pseudo-synthèse est en réalité une salade de xénophobie, de mythomanie, d'animisme, de magie noire ·et rouge, de colonialisme javanais, de gandhisme frelaté, d'islam ramolli, de marxisme de bazar oriental, de loufoqueries diverses dont le seul interprète qualifié, Soekarno, surnommé le Grand Guide, se réclame sans rire d'Hitler et de Mussolini, de Marx et de Mao tout d'une haleine. Devant ce fatras hétéroclite, on envie le soviétologue qui détient une pierre de touche doctrinale pour séparer le bon grain orthodoxe de l'ivraie révisionniste, ou vice versa, dans la politique étrangère soviétique. Disons simplement que celle-ci est sans principes, combinarde et empirique, après comme avant l'effacementde Khrouchtchev. Biblioteca Gino Bianco 269 LA POLITIQUE INTÉRIEURE n'a pas décelé non plus d'évolution notable au cours de l'année révolue. Cela ne peut étonner que les observateurs qui versent dans un anthropomorphisme hors de saison et ne remarquent pas l'existence du Parti derrière les personnalités, même dépourvues de personnalité, que les circonstances poussent sur. le devant de la scène. Pas seulement les circonstances : leur faculté d'adaptation aussi, leur longue et patiente soumission, leur entregent nécessaire, qui leur ont valu d'avancer à l'ancienneté dans la hiérarchie de l'immense « appareil ». Le noyau stable de la direction collective, produit d'une lente cooptation à travers tant d'épreuves et de purges cruelles, élimine de temps à autre quelques-uns de ses membres usés pour en adopter de plus jeunes façonnés à son image, de même formation, de même mentalité, de même type. A première vue, le renouvellement est quasi imperceptible, mais si les nouveaux statuts sont mis en pratique, on saura peut-être l'an prochain après le congrès du Parti et la sélection du futur Comité central si une bonne dose de sang nouveau promet quelque progrès appréciable. Sur ce plan, aucun signe encore ne l'annonce. En attendant, le système fonctionne comme par le passé, le Parti unique reste omniscient, omniprésent et omnipotent, la police secrète et invisible à l'œil nu opère en silence, la morne presse monopolisée est identique à elle-même, la stricte discipline imposée aux intellectuels maintient le dogme officiel intact. Si un qudconque imprudent pense mal et se trahit, il disparaît comme par une trappe; on apprendra lon&1empsaprès (mais pas toujours) qu'il se trottve dans une maison· de repos munie de barreaux et de grillages, non pas une « prison », mais un « asile d'aliénés », dont nul témoignage direct n'a encore révélé le règlement intérieur. Khrouchtchev est assigné à résidence confortable et tenu de se taire, le poète besogneux Joseph Brodski se morfond quelque part dans !'Extrême-Nord glacial, des écrivains indociles sont discrètement retirés de la circulation dans l'intérêt général. Seuls de mauvais esprits ne voient là ni orthodoxie, ni révision- . n1sme. La politique économique ne varie en surface que pour se perpétuer en profondeur puisque le mode de propriété demeure intangible. Comme l'a écrit Chr. Racovs,ki, déporté en Sibérie, le Parti « possède l'Etat en propriété privée ». L,Etat veut répartir à sa guise le revenu national, essentiellement par le système des prix, des investissements, des subventions et des
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