LE CONTRAT SOCIAL L'Union Soviéti<(Ue avait fourni à l'Indonésie une aide militaire évaluée ,à plus d'un milliard de dollars. Cela n'a pas empeché Soekarno de s'acoquiner avec Mao, de se mo~uer des Russes presque autant que des Americains. L'Europe occidentale et les Etats-Unis ont également comblé cet Etat articifiel de leurs largesses, pour ne recevoir en échange que sarcasmes et outrages. Comme l'a écrit Herbert Luthy : « Ignorer le rôle du prestige ou négliger le sien propre dans les relations avec le monde javanais, c'est s'exposer aux _pires avanies, s'attirer l'irritation ou le méJ?r1s, et il faut bien dire que l'Occident n'a guere fait que cela : son obstination humble et suppliante à encaisser insultes et coups de pied, tout en continuant de vouloir imposer à tout prix son aide, ses crédits, ses dons et ses serments d'amitié désintéressée, a fait plus que justifier le mépris du Grand Guide et de ses courtisans. » On saura bientôt si les « grands guides » du monde occidental ont enfin appris quelque chose à la lueur sinistre de la récente tragédie indonésienne. Le Vietnam LE GÉNÉRAL CURTIS E. LEMAY, ancien chef d'état-major de l'Air-Force américaine, a ressenti le besoin de rompre le silence qu'il observait dans sa retraite, pour critiquer la façon dont l'aviation militaire est employée dans la guerre du Vietnam (21 octobre). Il la caractérise en usant de la formule classique : too little and too late, exprimant ainsi ce qui la rend inutilement ineutrière. Il préconise de viser les usines, les ports, les sources d'énergie, tout en évitant les lieux de peuplement. Les pertes en vie hu1naines seraient bien moindres des deux côtés, dit-il, qu'en continuant à cogner sur les bords. Il ajoute : « Nous en sommes à envisager de faire ce qui aurait dû être fait trois ans plus tôt. » A la suite de quoi, un commentaire officiel de Washington fit savoir que les Etats-Unis entendaient limiter les opérations de guerre, que les bombardements étaient dirigés principalement contre les voies de comn1unication qui servent à ravitailler en armes le Vietcong communiste. Que des questions de tactique et de stratégie soient ainsi, en pleine guerre, discutées en P.ublic par de telles personnalités responsables, 11 y a de quoi renoncer à comprendre. Mais les faits étant ce qu'ils sont, et sans s'immiscer dans des considerations interdites aux profanes de notre espèce, l'observateur politique a son mot à dire sans sortir de son rôle. Ce mot a été dit aussi brièvement que possiLle dans notre numéro de mai dernier : « Les Américains (...) se sont décidés très tard à Biblioteca Gino Bianco 327 recourir aux grands moyens, toutefois sans frapper l'ennemi au cœur ni à la tête. » Il a été redit dans notre numéro de juillet : « Le fastidieux cliché de l'escalade (...) n'a de portée ~u'à la condition d'aller au plus vite jusqu à frapper l'enne1ni dans ses œuvres vives, faute de quoi il ne traduit que le système des petits paquets de triste mémoire dans l'armée française. » Ce sont là des vues tout simplement politiques, inspirées par le souci d'abréger la ~uerre et d'épargner des vies humaines, dictees en outre par la connaissance de la mentalité et du comportement communistes. Le général Curtis E. LeMay les confirme en tant que technicien hautement qualifié de la guerre aérienne, laquelle n'est pas de notre compétence. Le Monde du 23 octobre a publié une dépêche résumant les paroles du général LeMay de manière à en amoindrir la teneur, sensiblement différente du New York Times : il n'y reste rien des préoccupations relatives à la nécessité majeure de limiter le nombre des victimes. En revanche, ce même journal qui abonde par principe en complaisances constantes envers les communistes de tout poil ne se fait pas faute de verser largement son encre au moulin de la propagande antiaméricaine, sous les formes les plus captieuses. Exemples pris entre mille : le 31 mars de cette année, information intitulée : « Le Mouvement de la paix s'élève contre l'agression américaine au Vietnam » ; le 17 juillet, une autre sous le titre : « Le Congrès de la paix condamne l'agression américaine » ; une autre encore le 23 octobre, « Le Mouvement de la paix organise le 27 novembre un journée d'action pour la paix au Vietnam » (il y a des guillemets à « l'agression américaine », par précaution inutile). Le Monde se garde bien d'indiquer l'essentiel, à savoir que le pseudomouvement et le pseudo-congrès en question sont en réalité des machinations communistes téléguidées de Moscou, sous déguisement pacifiste, ce qui les discrédite en long et en large. Est\.e que ce pseudo-mouvement et ce pseudb-congrès rattachés en secret à l'appareil soviétique ont jamais condamné l'agression communiste chinoise contre l'Inde ou l'agression nassérienne, armée par Moscou, contre le Yémen ? Ont-ils proteste contre le massacre des ouvriers et des étudiants hongrois par les tanks soviétiques ? Ont-ils réprouvé la guerre de l'Irak contre les Kurdes ? Poser ces questions, c'est y répondre, et l'on pourrait aisément enrichir la série. D'ailleurs les occasions ne manqueront pas de revenir plus longuement sur ce thème, et pas seulement à propos de la guerre au Vietnam.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==