Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

316 A la veille de la guerre, vous démantelez. l'Armée rouge, amour et fierté du pays, rempart de sa puissance. Vous avez décapité l'Armée et la Flotte rouges, assassiné ses capitaines les plus doués - le brillant maréchal Toukhatchevski en tête, - farmés dans le feu de la guerre mondiale et de la guerre civile. Vous avez exterminé les héros de la guerre civile qui avaient réorganisé !'Armée rouge selon le dernier mot de la technique et l'avaient rendue invincible. Au moment où le danger de guerre est le plus grand, vous continuez à décimer l 'Armée rouge, ses chefs, ses officiers supérieurs et subalternes. Où· est le n1aréchalBlücher ? Où est le maréchal Iégorov ? Vous les avez emprisonnés, Staline. ' Pour tranquilliser- les esprits, vous trompez le pays en lui affirmant que !'Armée rouge, affaiblie par les arrestations et les exécutions, n'en est que plus forte. Tout en sachant que les lois de la science militaire exigent l'unité de commandement, vous avez restauré le système des commissaires politiques né à l'aube de l'Armée et de la Flotte rouges, alors que nous ne disposions pas encore de nos propres commandants, d'où la nécessité d'un contrôle politique sur les techniciens militaires de l'ancienne armée. Par défiance vis-à-vis des commandants rouges, vous instituez dans l'armée une double autorité et vous ruinez la discipline militaire. Sous la pression du peuple soviétique, vous ressuscitez hypocritement le culte des héros historiq~es de la Russie, Alexandre Nevski et Dmitri Donskoï, Souvorov et Koutouzov, avec l'espoir que, dans la guerre future, ils vous seront d'un plus grand secours que les maréchaux et généraux exécutés. Profitant de ce que vous n'avez confiance en personne, les vrais agents de la Gestapo et du contre-espionnage japonais pêchent dans l'eau que vous avez troublée : ils vous glissent des liasses de documents apocryphes qui accablent les hommes les meilleurs, les plus doués et les plus intègres. · Dans l'ambiance empoisonnée de suspicion, de méfiance réciproque, de persécution générale et d'omnipotence du commissariat du peuple pour l'Intérieur, à la merci duquel vous avez livré !'Armée rouge et le pays entier, n'importe quel document « intercepté » est cru ou feint d'être cru comme une preuve indiscutable. Biolioteca Gino Bianco MATÉRIAUX D'HISTOIRE Glissant aux agents d'léjov de faux documents qui compromettent de loyaux collaborateurs de notre mission militaire, le « service intérieur » du Rovs, en la personne ·du capitaine Foss, est parvenu à 4émanteler notre représentation plénipotentiaire en Bulgarie, depuis le chauffeur M. I. Kazakov jusqu'à l'attaché militaire, le colonel V. T. Soukhoroukov. · Vous anéantissez les unes après les autres les conquêtes d'Octobre. Sous prétexte de co1nbattre l' « instabilité de· la main-d'œuvre », vous avez supprimé la liberté du travail, réduit à l'état de serfs les travailleurs soviétiques que vous avez attachés aux fabriques et aux usines. Vous avez ruiné l'organisme économique du pays, désorganisé l'industrie et les transports, ~ sapé l'autorité des directeurs, ingénieurs et agents de maîtrise, accompagnant' l'incessant chassé-croisé des révocations et nominations d'arrestations et de persécutions d'ingénieurs, de directeurs, d'ouvriers, qualifiés de « saboteurs occultes non encore démasqués ». Ayant rendu toute activité normale impossible, vous obligez les travailleurs, sous prétexte de combattre les « absences volontaires » et les « arrivées en retard » au travail, à trimer sous le fouet et les morsures de décrets draconiens et antiprolétariens. Votre répression inhumaine rend la vie impossible aux travailleurs soviétiques qui, à la moindre peccadille, sont congédiés avec un billet à coucher dehors et chassés de leur logement. La classe ouvrière a supporté avec abnégation et héroïsme tout le poids d'un effort tendu à l'extrême, la disette, la faim, un salaire misérable, l'exiguïté du logement et Je manque d'articles de première nécessité. Elle a cru que vous la meniez au socialisme, mais vous avez trahi· sa confiance. Elle espérait qu'avec la victoire du socialisme dans notre pays, une fois réalisé le rêve de grande fraternité humaine fait par les esprits les plus lucides de l'humanité, elle aurait une vie joyeuse et facile. Vous lui avez ôté jusqu'à cette espérance : vous avez annoncé que le socialisme était instauré dès à présent dans son ensemble. Et les travailléurs soviétiques, trahissant leur perplexité par des murmures, s'interrogen·t les uns les autres : - Si c'est ça le socialisme, pourquoi avonsnous combattu, camarades ? Dénaturant la doctrine de Lénine sur le dépérissement de l'Etat comme vous avez déna- ,.

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