314 Je dirai sur toi une vérité Pire que tout mensonge. A. S. GRIBOIÉDOV. STALINE vous m'avez déclaré « hors la loi». J 1 A Par cet acte, vous me mettez sur e meme pied, en ce qui concerne les droits - <:>u plus exactement, l'absence de tout droit, - que tous les citoyens soviétique~ qui, sous votre dominati~n, vivent hors la 101. De mon côté, je vous rends la pareille : je vous renvoie ma carte d'entrée dans le royaume du « socialisme » édifié par vous et je romps ,, . avec votre regime. Votre « socialisme », dans le triomphe duquel ses instaurateurs n'ont trouvé place qu~ derrière les barreaux des prisons, est aussi éloigné du vrai socialisme que l'arbitraire de votre dictature personnelle l'est de la dictature du prolétariat. · Il ne vous servirait de rien que, arborant une décoration, le vénéré révolutionnaire populiste N. A. Morozov * vienne vous confirmer que ce « socialisme »-là lui a valu de passer vingt années de sa vie sous les voûtes de la forteresse de Schlusselbourg. Le mécontentement de plus en plus violent des ouvriers des paysans et des intellectuels exigeait impérieusement un revirement politique pareil à celui que fit Lénine, en_ 1921 quand il introduisit la nep. Sous la pression d~ peuple soviétique, vous avez « fait ?on » a celui-ci d'une Constitution démocratique. Le pays tout entier l'accueillit avec un sincère enthousiasme. L'appliçation loyale des principes démo:ratiques de la Constitution de 1936, incarnation de ce que voulait et espérait le peuple, eût marqt:ié une nouvelle étape d'extension de la dém0cratie soviétique. Mais dans votre esprit, toute opération politique signifie mensonge, four~erie. y ?us faites de la politique sans morale, de 1autorite sans loyauté du socialisme sans amour pour l'homme. ' ·Staline, qu'avez-vous fait de la Constitution? Redoutant des élections libres comme « un saut dans l'incon_nu » qui mettrait votre pouvoir personnel' en -péril, vous avez foulé aux pieds la Constitution réduite en chiffon de papier, et transformé en pitoyable farce le vote • Nicolas Alexandrovitch Morozov (1854-.1946 ), membre du groupe Terre et Liberté et du Comité exécutif de la Volo!}té du Peuple, terroriste. Condamné . à mort en 1882, peme commuée en prison à perpétuité. Libéré en 1905, se consacra à la science. - N.d.l.R. · ts1011oiecGa ino Bianco ., MATÉRIAUX D'HISTOIRE pour un candidat ~nique, tandi~ que ':ous emplissiez les sessions du Soviet supreme d'hymnes et d'ovations en votre honneur. Entre deux sessions vous supprimez discrètement les députés empêtrés dans leurs ruses de courtisans vous moquant de leur immunité et leur rappelant que le maître de la terre soviétique ce n'est pas le Soviet suprême, mais vous. Vous avez tout fait pour discréditer la démocratie soviétique, comme vous avez discrédité le socialisme. Au lieu de vous conformer au tournant esquissé par la Constitution, ,,vous étouffez pa~ la violence et la terreur le mecontentement qui monte. Ayant remplacé peu à peu la dictature du prolétariat par votre dictature personnelle, vous avez ouvert une nouvelle étape qui, dans l'histoire, s'appellera « la terreur ». . Nul dans l'Union soviétique ne se sent en sécurité ou ne sait, en se couchant, s'il échappera à l'arrestation nocturne. Personne n'est épargné. Innocents ou coupables, héros d'Octobre ou ennemis de la révolution, vieux bolchéviks · ou sans-parti, paysans kolkhoziens ou_ représentants plénipotentiaires, commissaires du peuple ou ouvriers, intellectuels ou maréchaux de l'Union soviétique, tous dans une égale mesure sont exposés aux coups de votre fouet et précipités dans une ronde diabolique et sanglante. De même qu'en pleine éruption d'un volcan, d'énormes blocs de lave s'effondrent avec fracas dans le cratère des couches entières de la société soviétiq~e roulent au fond de l'abîme. Vous avez commencé la sanglante répression par les anciens trotskistes, les zinoviévistes, les boukharinistes et passé ensuite à l'extermination des vieux bolchéviks ; vous avez anéanti les cadres du Parti et des sans-parti qui, formés . pendant la guerre civile, _ont porté s~r leurs épaules le poids des premiers plans quinquennaux, et vous avez organisé l'extermination des jeunesses communistes. ·Vous vous abritez derrière le slogan de la lutte contre « les espions trotskistes et boukharinistes ». Or ce n'est pas d'hier que le pouvoir est entre vos mains. Nul n'a pu « se hisser » aux postes de responsabilité sans que vous 1) I ,, A ayez nomme vous-meme. - Qui a installé les prétendus « ennemis du peuple » aux plus hauts po~tes 1e responsa~ilité de l'Etat, du Parti, de 1armee, de la diplomatie? - Joseph Staline. - Qui a fait pénétrer les prétendus « sab~- ,,
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