Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

306 sage suivant d'un discours prononcé devant le Soviet suprême de !'U.R.S.S. par 1. A. Kaïrov, important fonctionnaire du Parti : Les avocats soviétiques, en prêtant une assistance légale aux gens, remplissent (...) la tâche importante qui consiste à renforcer la légalité socialiste et l'administration de la justice ( ...). Ça et là persiste l'attitude étrange (strannoïé) selon laquelle les avocats constituent un élément subversif qui ne contribue pas à l'efficacité de l'administration judiciaire. Cette façon de voir les avocats est parfaitement incompatible avec les tâches réelles de la justice soviétique. Nous devons y mettre fin et considérer l'avocat comme un défenseur fidèle, inflexible et courageux de la vérité et de la justice 26 • Ce qui est encore plus important, en réponse à des exigences formulées dans plusieurs revues juridiques, l'article 22 des principes de l'instruction criminelle, adoptés en 1958, stipulait que l'avocat -devait être autorisé à prendre part à une affaire où son client est impliqué lorsque le stade de l'instruction est terminé. (Il s'agissait d'une solution de compromis, les juristes libéraux ayant désiré que l'avocat soit admis pendant toute la durée de l'instruction préliminaire, alors que le ministère public voulait l'en écarter entièrement.) En outre, le nouveau code pénal et le nouveau code d'instruction criminelle levaient certaines restrictions concernant les droits de l'accusé et rectifiaient les théories malfaisantes de Vychinski sur la preuve et la « vérité positive ». Il existe d'autres indices de la confiance croissante accordée en haut lieu aux hommes de loi, considérés comme un rouage patenté dans le mécanisme de la justice soviétique. Des recueils composés par des avocats de métier pour servir de guides dans les activités de la défense au tribunal ont obtenu l'imprimatur officiel 27 • Certains membres du barreau ont été encouragés à prendre une part active dans les campagnes destinées à renforcer l'autorité de la loi aux yeux du grand public, au moyen de conférences, de ·programmes éducatifs, etc. Une résolution adoptée en 196.4 par le Comité central du parti communiste appelait à la fois les juristes· académiques et « praticiens », y compris les avocats de métier, à élaborer des mesures « pour favoriser l'avancement de la science du droit et améliorer la formation juridique » d'un bout à l'autre du pays 28 • 26. Réunion du Soviet suprême de l' U.R.S.S., quatrième session. Compte rendu sténographique, Moscou 1957, p. 464. 27. Par ex., A. M. Lévine, P. A. Ognev et V. L. Rossets : Le Défenseur au tribunal soviétique, Moscou 1960; également Plaidoiries d'avocats soviétiques, recueil établi par M. M. Vyria, la. S. Kisselev et G. M. Chafir, Moscou 1960. 28. Le texte complet de la résolution n'a pas été publié, mais on trouve des commentaires dans l'Etat soviétique et le droit, n° 8, 1964, pp. 3-13, ainsi que dans la Justice soviétique, n° 18, 1964, article de tête. · Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Cela ne signifie certes pas que le régime est convaincu d'avoir pleinement atteint son objectif, qui est de constituer un cadre d' « avocats vraiment soviétiques ». En fait, les revues spécialisées 20 et la grande presse continuent de publier des articles où l'on critique le barreau, sous prétexte notamment que les avocats s'appliquent trop à justifier leurs clients au tribunal en négligeant leur responsabilité, cependant plus grande, envers l'Etat et la société socialiste. A cet égard, il faut mentionner un article publié l'année dernière par I. Koukarski, vice-président de la commission juridique du Conseil des ministres de la R.S.F.S.R. (organe officiel chargé de surveiller le barreau de la République fédérative de Russie) 30 • Cet article contenait bon nombre de critiques que l'on , . peut resumer comme suit : 1. En défendant leurs clients, les avocats ont parfois recours à des méthodes inadmissibles qui portent préjudice aux intérêts de la « société » et de l'Etat. Ils prennent contact avec des témoins afin de les influencer en faveur de l'acçusé, et à l'audience ils s'efforcent de dénaturer les preuves fournies par les organes d'instruction. Dans certains cas également, ils déposent des motions qui ne reposent sur rien et qui sont uniquement motivées par les intérêts de leur client. Lorsque l'instruction d'une affaire est terminée, l'avocat est autorisé à étudier les preuves accumulées contre son client et à demander un complément d'instruction s'il estime celles-ci insuffisantes; or, pour des raisons de tactique, il peut retarder une telle demande jusqu'au moment où le procès est déjà en cours, en espérant que, si sa demande est acceptée par le tribunal, cela jettera le discrédit sur le travail du procureur et des organes d'instruction. 2. Des avocats sont parfois coupables d'accepter des honoraires « privés » parfaitement illégaux qui leur sont versés directement par -leurs clients; et qui viennent s'ajouter à l'indemnité reçue du collège. 3. De nombreux avocats se soustraient à leur devoir en refusant de participer à l'éducation du public, soit en ne donnant pas de conférences, soit en les bâclant. 4. Les collèges d'avocats n'exercent pas une surveillance adéquate sur les activités de leurs membres ~t ne collaborent pas assez activement à la lutte contre le crime. Ils négligent souvent d'envoyer un observateur au tribunal, ce qui fait qu'il leur est impossible de tenir des réunions où l'on pourrait critiquer la manière dont 29. En particulier la Justice soviétique et la Ugalltê soclall.tte. 30. La Justice soviétique, n° 18, 1964, pp. 7-9.

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