A. BILINSKY nistration et de la justice d'Etat, ce qui n'empêche pas le caractère spécial de sa fonction. Strogovitch, de son côté, fonde le statut de l'avocat sur le rapport légal entre ce dernier et son client; mais, tout en mettant l'accent sur ce rapport, il est contraint par les réalités du totalitarisme soviétique. de reconnaître que l'avocat fait fonction d'organe de l'administration judiciaire. Strogovitch, en réalité, souligne que l'avocat est le champion des intérêts légaux de l'accusé, c'est-à-dire des intérêts que le droit soviétique reconnaît à celui-ci. Etant donné le rôle spécial du droit tel qu'il est défini par la doctrine politique et la jurisprudence, il s'ensuit qu'il n'y a pas de différence essentielle entre les deux interprétations. Les deux jurisconsultes se meuvent en vase clos dans les limites de la jurisprudence soviétique et s'avèrent incapables, l'un comme l'autre, d'introduire un quelconque élément nouveau. Néanmoins, pendant la période post-stalinien- · ne, la pratique a subi d'importants changements qui ont affecté le statut de la profession juridique. Les plus importants sont les suivants : 1. Le service de la Sécurité d'Etat, qui, sous Staline, jouait un grand rôle dans l'administration judiciaire, s'est vu retirer cette fonction. 2. Le contenu de la « légalité socialiste » a été modifié afin que toutes les parties à un procès se conforment strictement aux lois en vigueur. Le prestige de la loi en tant qu'instrument positif de l' « édification du socialisme » a été considérablement rehaussé : si une loi tombe en désuétude ou ne correspond plus aux exigences de la vie soviétique, elle doit néanmoins être appliquée jusqu'à ce qu'elle soit formellement abrogée. En particulier dans le domaine du droit pénal et de l'instruction criminelle, les normes applicables ont pris un caractère plus abstrait, autrement dit elles se sont, dans une certaine mesure, libérées de toute forme de subjectivisme. 3. Les tribunaux se sont émancipés de l'influence du ministère public. Bien que le procureur remplisse encore, au tribunal, la double fonction d'accusateur et de gardien de l'application de la loi, il n'a plus à sa disposition d'autre arme que celle qui consiste à protester contre la décision du tribunal. 4. Alors que la formation académique des juges de l'~re stalinienne, spécialement au cours des années 30, laissait, en général, beaucoup à désirer, ceux d'aujourd'hui ont une formation qui leur permetde prendredes décisions objectives. Les procureurset les avocats possédant Biblioteca Gino Bianco 305 la même compétence, les procès acquièrent le caractère de joutes oratoires autour du droit, ce qui leur confère une certaine ressemblance formelle avec les débats des tribunaux occidentaux, tout au moins quant aux rapports entre . . . ' ceux qu1 participent au proces. 5. La cour des juridictions primaires se compose d'un juge de métier et de deux assesseurs du peuple. Ces derniers sont en quelque sorte l'équivalent des jurés, car ils participent aux débats en qualité de représentants du public. (Ils sont élus par le peuple et inscrits sur des listes d'assesseurs sur lesquelles ils sont choisis à tour de rôle pour une période de dix jours par an.) On attend des assesseurs, dans leur fonction judiciaire temporaire, qu'ils soient guidés par la loi et par leur conscience socialiste et non qu'ils agissent comme porte-parole d'une société politiquement indifférenciée (laquelle n'existe pas en U.R.S.S.). Cela signifie qu'ils sont influencés directement par l'autorité du juge de métier, lequel les met rapidement au courant des matières judiciaires, et également, cette fois de manière indirecte, par l'autorité du procureur; tout cela ne simplifie pas la tâche de l'avocat de la défense. Etant donné, cependant, que la doctrine régnante veut que seul le crime soit puni et qu'il appartient au tribunal de déterminer le degré de culpabilité comme mesure de la peine qui sera appliquée, il incombe à l'avocat de la défense d'exposer tous les faits et circonstances favorables à son client, à condition que, ce faisant, il ne mette pas en cause la soumission qu'il doit à l'idéologie dominante et à l'Etat. Il n'est pas aisé de dire avec précision jusqu'où, en \défendant son client, un avocat peut aller sans mettre en question son propre loyalisme politique. S'il conteste les chefs d'accusation, il s'oppose au procureur, lequel est à la fois un fonctionnaire de l'Etat et un membre du Parti; s'il fait appel de la sentence qui frappe son client, il met en doute le bien-fondé de la décision prise par le tribunal, lequel est un organe d'Etat. Ces considérations ne peuvent évidemment que restreindre la liberté d'action de l'avocat dans la défense des intérêts de son client. Théories o(fl.cielles IL EST POURTANT INCONTESTABLE que, pendant la période post-stalinienne, une attitude officielle plus positive envers le barreau s'est fait jour. La reconnaissance, finalement, des avocats de métier comme personaegratae dans la vie judiciaire et la vie publique de l'Union soviétique se manifesta, en 1957, dans le pas-
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