Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

L. EMERY vaste province germanique qui enveloppe l'ancienne capitale, placée en une situation plus étrange et dangereuse que ne le fut celle de Dantzig et du trop célèbre couloir. Que vont devenir deux ennemis, très hétérogènes par nature, mais en même temps liés l'un à l'autre en une situation .que le bon sens déclare intenable, que les calculs politiques pérennisent au-delà de tout ce qui fut prévu ? Le paradoxe s'étale insolemment et nul ne voit comment il y sera mis fin si l'on veut écarter le risque de nouvelles catastrophes et normaliser l'anormal. La colonisation de l'Allemagne orientale par les Russes est un échec patent et complet : fuite continuelle vers l'Ouest, que les pires rigueurs n'ont pu empêcher et qui souvent atteignit une ampleur très émouvante, baisse absolue de la population, ce qui est un fait à peu près unique en Europe, pauvreté du Berlin communiste contrastant avec l'opulence des secteurs occidentaux. Ces symptômes équivalent clairement à un référendum continu, personne ne doutant de ce que donnerait un vote d'autodétermination s'il était autorisé dans des conditions honnêtes. La sagesse serait donc de mettre fin à une expérience stérile ou ruineuse, comme on l'a fait en Autriche, et de débarrasser ainsi notre continent d'un problème qui l'empoisonne ; si néanmoins le Kremlin s'obstine, on en comprend aisément les raisons. Il ne veut pratiquer à l'égard de l'Allemagne qu'une politique dictée par la suspicion, la ~éfiance, la volonté de prolonger les représailles et la mise en surveillance du vaincu. Les provinces qu'il occupe lui sont un efficace moyen de contrôle et de menace; l'espoir n'est peut-être pas entièrement effacé de pouvoir un jour, par exemple à la faveur d'une grande crise qui paralyserait les Etats-Unis, mettre brusquement la main sur l'îlot berlinois, ce qui provoquerait dans toute l'Allemagne de profonds remous capables de la faire basculer du côté du . communisme. On voit en tout cas que les rapports présents entre l'Allemagne et !'U.R.S.S. ne sauraient être à proprement parler ni ceux de la guerre ni ceux de la paix, mais ceux d'une inimitié entretenue par une plaie qui ne guérit pas. Dans l'optique moscovite, l'Allemagne doit rester un pays criminel, toujours en état de surveillance et ·dont on dénonce continûment les intentions revanchardes, lesquelles d'ailleurs ne sont point totalement invraisemblables. Qu'il y ait toujours, dans les milieux dirigeants russes, des hommes ou des clans partisans d'une tactique de rapprochementavec Bonn qui Biblioteca Gino Bianco 293 substituerait la séduction à la rudesse, c'est tout à fait possible, voire probable, mais nul indice ne permet de l'affirmer. Pareille univocité engendre et nourrit en Allemagne occidentale une roideur tout aussi simpliste, ou à peu près. Comment s'en étonner dans une nation qui sent sur une grande partie de son . . . , ' . terr1to1re une pesante occupation etrangere, qui sait sa frontière largement ouverte à l'invasion et ses centres vitaux à la merci d'une offensive éventuelle ? Il n'est pas surprenant que l'interdiction du parti communiste, c'est-à-dire de la cinquième colonne, n'ait suscité aucune critique, aucune difficulté d'application, que pour l'Allemagne démocratique, l'article premier et invariable de sa politique étrangère soit l'accord constant avec qui la peut protéger contre les Russes, donc avant tout l'Amérique. En principe et présentement, les rapports germano-russes sont donc déterminés. par .,une loi d'airain qui ne laisse que peu de liberte de manœuvre. Impuissante après sa d.,éfaiteéc_rasante et son démembrement, chargee du pot~s , de tous les crimes, l'Allemagne ne comptait plus, lorsque s'offrit à elle ~-e ~hance e~traordinaire du fait que les Americams prenaient ., . " conscience du péril que representa1t m~me pour eux la Russie stalinienne, renv~rsaient résolument leur politique et se hâtaient de réparer - dans la mesure où c'était encore possible - les dégâts prov?qués_par l'aveuglement de Roosevelt. Que faire, sinon se recommander à eux et tirer le meilleur parti de leur suzeraineté? Aux Etats-Unis devenus puiss:1nce protectrice, l'Allemagne de l'Ouest a du le re\our à l'autonomie politique et à l'étonnante protpérité qui, en quelques arn:ées, ~t d'un champ de ruines le pays le plus riche d Europe. Puis ce fut l'entrée à l'O.T.A.N., d'une bien plus grande portée pratique que ne 1:aurait ~t~ l'admission à l'O.N.U. L'Allemagne etant dec1dément par priorité le soldat américain sur le continent on lui accordait libéralement tous les moye~s de s'arm~r, réserv~ f~ite pour_ 1; principal, l'arme atomique ; mats c est précisement autour de cette réserve que tournent pour le moment les discussions les plus âpres, encore qu'elles soient à peu près secrètes. Bons logiciens, les militaires allemands réclament leur entrée dans ce qu'on appelle avec une courtoisie charmante le club atomique ; les Russes dénoncent avec violence les appétits revanchards qu'ils dévoilent ainsi et les Américains hésitent encore, bien qu'on puisse parier pour leur proche consentement, PAllemagne étant alors en mesure de fabriquer très rapidement sa bombe.

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