292 ·née.sine die. Mais au moment où l'on pouvait espérer qu'allait commencer la vraie paix, la tempête boursière, qui s'était élevée à New York en octobre 1929, se mit à souffler sur le monde, la source des dollars fut asséchée, l'Allemagne s'enfonça de nouveau dans la crise, le chômage y favorisa puissamment la montée du nazisme. De nouveau, les forces explosives étaient à l'œuvre. La question se posait alors de savoir com:- ment allaient s'affronter nazisme et communisme. En logique rectiligne, la réponse n'était guère douteuse puisque la propagande hitlérienne exaltait un nationalisme forcené qui impliquait déclaration de guerre au marxisme, à la Bête rouge, autant qu'aux juifs accusés d'ailleurs d'en être les inspirateurs ou les instigateurs. Sur le sol allemand, la bataille physique et directe s'était surtout livrée entre les groupes communistes et les sections d'assaut, héritières des corps francs ; rien de plus frappant que le témoignage·d'Arthur Kœstler, stupéfait de voir la massive organisation des ouvriers communistes de Berlin s'effondrer sous les assauts acharnés des tape-dur de Gœbbels. Cette agressivité, qui valait aux hitlériens bien des complaisances et bien des appuis, paraissait fixer les normes d'une politique extérieure, annoncer l'imminente reprise de là croisade antibolchévique ; aussi bien !"avènement d'Hitler fut-il suivi presque sans délai par l'anéantissement du communisme allemand. Sans plus· attendre, Staline pouvait donc mettre en action tous les porte-voix de sa propagande, dénoncer le nazisme en tant que fléau majeur, accélérer son effort de réarmement, amorcer le retour à une politique d'encerclement de l'Allemagne coulée dans ·1e vocabulaire de l'an tifascisme. Rien de plus décisivement clair en apparence; mais la réalité n'était pas si simple. On doit d'abord constater l'existence, dans le parti nazi, d'une gauche qui n'était point tellement hostile à la Russie commqniste, qui faisait état de certaines ressemblafices entre l'hitlérisme et le stalinisme, qui tournait sa fureur et sa haine contre la« ploutocratie juive et anglo-saxonne ». Staline, de son côté, laissa percer pour Hitler une estime de connaisseur. Les occasions de convergence ne manquaient pas, par exemple la Conférence du désarmement, à Genève, où le délégué ~oviétique et le délégué allemand votèrent constamment dans le même sens. La fatalité semblait cependant irréversible, mais elle imposait sa logique à travers une succession de coups de théâtre. Reçue à la S.D.N. où elle succède · à l'Allemagne démissionnaire, BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL l'U.R.S.S. y mène le jeu de la sécurité collective qui n'est autre, en fait, que le jeu très classique de l'encerclement anti-allemand ; mais elle ne peut empêcher que se développe la contre-mine du Pacte à Quatre, lequel connaît son heure de triomphe à Munich, la Russie étant alors isolée, exclue d'un concert européen qui pourrait bien tourner sa pointe contre elle. Sa riposte, moins d'un an après, c'est l'alliance avec Hitler à laquelle nous devons l'écrasement de l'Occident et le règne sur l'Europe d'une dyarchie qu'on pouvait croire invincible. Mais une fois de plus Hitler lance les dés, opte pour la palinodie suprême dont il attend le~ démembrement et la colonisation de _l'Empire slave tandis que les capitalistes anglo-américains applaucliront. C'est pour lui le recours à l'abîme. ,,*.,,. .) CE RAPPEL HISTORIQUE n'est aucunement superflu. Non qu'il faille admettre la validité d'une ambitieuse géopolitique capable de formuler des lois : il est clair que la volonté humaine, sagace oµ aveugle, introduit dans les événements les plus gigantesques la part de l'imprévisible et des soudaines inversions de sens. Mais les hasards les plus dràmatiques semblent se référer à un nombre assez restreint de possibilités par lesquelles on passè et repasse en spirale, l'expérience étant évidemment 1~ seul moyen d'en dresser la liste sans donner dans la vaine abstraction. Nous pouvons croire en premier examen que le fameux mur de Berlin est bien le symbole d'une séparation très nette, insurmontable peut-être, entre l'Allemagne et la Russie, séparation par quoi se résument toutes les différences qui tiennent au régime politique, aux structures sociales et au niveau de vie. Cette coupure serait d'autant plus cruelle, d'autant plus durement imposée, qu'elle fait violence à la solidarité linguistique et ethnique, qu'elle trace dans la chair vivante une sorte de sillon ·chirurgical. Après des luttes atroces qui ont balayé une zone immense, de l'Elbe à la Volga, les deux antagonistes d'hier sont-ils condamnés à laisser subsister entre eux non seulement le mur de pierre, mais celui des méfiances et des ressentiments ? Solution presque nécessaire et cependant absurde, s'il est vrai qu'en même temps l'enchevêtrement des deux destins a été porté à l'extrême. La Pologne ne joue plus le rôle d'une marche ou d'un grand Etat intermédiaire, la Russie victorieuse est installée en plein cœur de l'Allemagne et règne dans une
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