286 Quelques conclusions ÜN NE VOUDRAIT PAS, ici, conclure d'après des hypothèses, mais se fonder seulement sur les faits assurés. Un premier point, on l'a dit plus haut, c'est que si l'un des adversaires du général de Gaulle est élu, on reviendra au régime qui fut celui des premières années de la monarchie de Juillet, et aussi de la troisième et de la quatrième République. On sait les graves inconvénients de ce système. Pour y remédier, il est à souhaiter qu'on examine dans un esprit enfin dépouillé de préjugés et de passions le rouage fondamental de la démocratie parlementaire, celui qui a occupé tant d'esprits, de Gambetta à Michel Debré : le mode de scrutin. Si le général de Gaulle est élu, peut-être les choses n'iront-elles pas aussi loin que nous l'avons dit. Du moins certains points sont-ils , assures. Le premier c'est que l'élection du président de la République au suffrage universel, dont Lamartine s'était fait l'avocat pour permettre au président de tenir tête à une Assemblée antirépublicaine, a été conçu par le général de Gaulle comme une arme pour détruire le pouvoir, et peut-être même l'existence d'une Assemblée républicaine. Le second, c'est que, comme le prince-président, le général de Gaulle conçoit les institutions non comme un système stable qui assure la régularité de la vie publique, mais comme un système en évolution qui part d'une confusion qui est le Mal, et se dirige vers un idéal qui est le Bien. Biblioteca Gino Bianco -., • LE CONTRAT SOCIAL Le troisième point, c'est que le système évolutif du prince-président tendait à rendre par degrés aux représentants de la nation d'abord· la parole, puis des pouvoirs d'information et de décision de plus en plus étendus. Le général de Gaulle, lui, retire progressivement leurs pouvoirs aux représentants de la nation, et il cherche ouvertement à concentrer tous les pouvoirs entre les mains du chef de l'Etat. Son chemin va donc à l'inverse de celui de Napoléon III. Le seul chef d'Etat qui, en France, depuis un siècle et demi, ait tenté la même aventure que le général de Gaulle, c'est Charles X. Depuis Montesquieu, ce qui est nouveau, en France, ce qui est moderne, c'est l'effort pour instituer le contrôle permanent du pouvoir par des représentants éclairés et informés, c'est la recherche d'une technique qui permette d'exercer ce contrôle sans briser le pouvoir. Que chez nous trop de passions aient empêché jusqu'à présent de mettre au point cette technique, ce n'est pas une raison pour abandonner cet effort, cette recherche. Là où la médecine est encore en échec, les gens sensés n'ont pas recours à l'orviétan. L'orviétan, en politique, c'est le blanc-seing donné à celui que désigne l'huile sainte ou le cri populaire. Comme disait Prévost-Paradol, c'est là · « le plus vieil ennemi de la dignité humaine ». Et il n'y a rien au monde qui soit plus ancien, rien qui, dans le monde moderne, inspire plus d'aversion aux âmes généreuses. YVES LÉVY.
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