Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

DE CHARLES X A CHARLES DE GAULLE par Yves Lévy AVANT TROIS MOIS le pays dira par (( ses _suffrages s'il ~nten~. revoir les -pratiques du passe ou s tl veut que le régime nouveau assure, demain comme aujourd'hui, la conduite de la vie nationale. Car chacun le sent et le sait, tel sera bien l'enjeu de l'élection présidentielle. » Tels sont les mots par où s'achevait, le 9 septembre 1965, la douzième conférence de presse du général de Gaulle. Ce sont là des paroles dignes de retenir l'attention. On remarquera que le vote des Français -peut soit ramener « les pratiques du passé », soit assurer la continuation du « régime nouveau ». Quoi! tant de choses dans une élection présidentielle? Mais alors il faut admettre qu'il s'agit moins d'élire un président que de choisir de nouveau - comme en 1958, comme en 1962 - entre l'ancien régime et le nouveau, il faut admettre que les Français doivent sans cesse recommencer à fonder le nouveau régime, il faut admettre que ce nouveau régime n'a pas encore été réellement, institutionnellement fondé. Et lorsque, dans la même conférence de presse, le général de Gaulle disait : « Les pouvoirs publics se tiennent maintenant en équilibre », il fallait sans doute entendre qu'il s'agit d'un système en équilibre instable et dont la vue contraint les spectateurs à se demander de quel côté il va tomber. LE GÉNÉRAL DE GAULLE - chacun le sent, chacunle sait - le général de Gaulle a raison. Le vote de décembreaura beaucoupplus de portœ que le simple choix d'un homme.Mais si l'on fait réflexionque pendantsept annéesle Biblioteca Gino Bianco général de Gaulle a, plus que personne en France depuis près d'un siècle, été le maître de faire ce qu'il voulait, on peut se demander comment il se fait que durant ce temps, aucune institution définitive n'ait encore été mise en place. Qu'est-ce donc que ce régime à qui deux référendums n'ont encore donné qu'une ombre de réalité, et qu'un vote peut bouleverser, voire ruiner ? Il faut croire que. la Constitution actuelle de la France a quelque chose d'exceptionnel : d'ordinaire les votes prévus par un texte constitutionnel se déroulent à l'intérieur du système constitutionnel, et, ici, un vote prescrit par la Constitution apparaît comme un vote pour ou contre elle. Il y a là un mystère, qu'il faut tenter de débrouiller. 183'! et 1965 A LA VÉRITÉ, ce n'est pas la première fois qu'en France le corps électoral, par son vote, juge non une politique, mais le régime. Les élections de 1830 parurent à Charles X si menaçantes pour son régime qu'il se crut en droit de recourir à cet article 14 qui, accordant au roi le droit de prendre des mesures exceptionnelles lorsque était en jeu la sûreté de l'Etat, correspondait dans la Charte de 1814 à ce qu'est l'article 16 dans la Constitution de la ve République. Mais en 1830 la situation était apparemment toute différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Il y avait conffit entre les députés et le ministère. Le roi tenait à garder ses ministres, et prononça la dissolution de la Chambre. Le corps électoral tenait à ses députés : il réélut presque tous les membres de l'opposition, et leur adjoignit quelques opposants nouveaux. C'est alors que le roi se souvint de l'article 14

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