244 · peut-être pas inutile de préciser que Dezamy était mort depuis plus de vingt ans. Ailleurs (p. 92), l'auteur dit que le répertoire de certains théâtres comprenait « des œuvres de caractère patriotique et héroïque, faisant écho aux événements ». Là encore l'auteur se fonde sur l'évidence rationnelle, méthode historique peu sûre et dont les faits confirment rarement les déductions : en l'espèce, on voit Dommanget (op. cit.) p. 143 ), qui a examiné les programmes, constater que « pas un auteur ou compositeur ne produisit une œuvre d'envergure appropriée aux circonstances » et que « les directeurs de spectacles n'eurent même pas l'idée de reprendre quelques pièces du répertoire révolutionnaires de l'an II, ou simplement d'accommoder certaines de ces pièces à la situation politique nouvelle ». Mais ce qu'il y a de plus curieux chez notre auteur, c'est la confusion où il est contraint par ses préjugés politiques. On sait que le 15 mai, au sein de la Commune, se manifesta le divorce entre une majorité jacobine et blanquiste, favorable à la concentration du pouvoir, et une minorité dont l'auteur a dit (p. 8) qu'elle se composait de proudhoniens de droite et de gauche. « L'erreur principale de la minorité, écrit-il (p. 12), tenait à leur incompréhension des mesures prises contre les ennemis de la révolution et leur attitude négative envers le principe de la dictature. » Ce qui apparaît ici, c'est un point de vue léniniste, car Lénine a usé de la méthode blanquiste. Mais l'auteur n'est pas un simple léniniste : il est, comme il se doit, marxiste-léniniste. Il montre donc que « les idées de Marx pénétraient dans Paris grâce à Vaillant et aux internationalistes d'avant-garde » (p. 74) et il répète dans sa conclusion (p. 98) que les idées de Marx et Engels ont eu une influence sur la Commune « grâce à Vaillant et aux membres français de l'Internationale ». Sans doute faut-il entendre ici, de nouveau, qu'il s'agit seulement des « internationalistes d'avant-garde », car l'auteur a signalé (p. 12) que beaucoup de proudhoniens avaient adhéré à l'Internationale. Et qui sont ces« internationalistes d'avant-garde»? Ils étaient rares : « Il n'y avait là, dit notre auteur, qu'un très petit nombre de personnes qui avaient assimilé les idées de Marx. » Au bas de la page, une note donne leurs noms : Serraillier et Frankel. Or Serraillier et Frankel ont l'un et l'autre, le 15 mai, signé le manifeste de la minorité avec les proudhoniens. Voilà qui explique l'embarras et les imprécisions constantes de l'auteur : il lui faut à la fois montrer que le plus grand combat révolutionnaire qui ait eu lieu du temps de Marx a subi l'influence du Biblioteca Gino Bian.co DÉBATS ET RECHERCHES prophète, et dissimuler que ceux qui seuls étaient en relations personnelles avec Marx se sont trouvés d'accord avec les proudhoniens. Le plus curieux, dans cette affaire, c'est que tout ce que soutient notre apologiste est faux, car l'influence de Marx sur la Commune fut à peu près nulle, les membres de la Commune qui étaient eri relation avec Marx n'étaient sans doute pas à proprement parler « marxistes », et Marx lui-même n'avait probablement pas une doctrine claire sur les structures politiques par où se ferait le passage du capitalisme au socialisme. De quoi l'on reparlera plus loin. 'f * 'f LE SEXE FAIBLE fit parler de lui lors de << ces temps exécrables, et pour faire suite au Mérite des femmes, on pourrait écrire un livre curieux : Du rôle des femmes pendant la Commune. Le récit de leurs sottises devrait tenter le talent d'un moraliste ou d'un aliéniste. » Ainsi s'exprimait Maxime du Camp quelques années après la Commune. MmeEdith Thomas, qui cite ces lignes des Convulsions de Paris, a écrit le livre auquel pensait leur auteur, mais dans un esprit très différent de ce qu'il imaginait. Historienne de l'action féminine au XIXe siècle, elle n'est évidemment pas portée à dresser un réquisitoire contre les femmes de la Commune, mais il faut la louer de ne s'être pas laissée aller à écrire un panégyrique. Elle est essentiellement historienne, et s'est attachée à recueillir, dans les écrits du temps et dans les archives, tout ce qui concernait les femmes. Dans une certaine mesure, la participation des femmes à la Commune pourrait se rattacher à l'histoire du féminisme, et c'est un aspect des choses que mit en relief, non sans manifester son indignation, le capitaine qui, le 5 septembre 1871, requit contre les « pétroleuses ». « N'at-on pas, s'écriait-il, pour tenter ces misérables . créatures, fait miroiter à leurs yeux les plus incroyables chimères, des femmes magistrats, membres des barreaux? Oui, des femmes avocats, députés peut-être, et, que sait-on ? des commandants, des généraux d'armée ! Il est certain qu'on croit rêver, en présence de pareilles aberrations. » Ainsi s'exprimait le capitaine Jouenne, commissaire du gouvernement, oublieux des livres de classe où il avait appris Jeanne d;Arc et Jeanne Hachette, et toutes les régentes de France, de Blanche de Castille à Catherine de Médicis, et toutes les reines, toutes les impératrices étrangères : car le Moyen Age et les Temps modernes semblent avoir offert aux femmes un champ d'action plus vaste que les pays qui se disent socialistes, et il serait inté-
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