234 ·droit pénal. Selon ces vues, la criminologie du point de vue pénal n'était pas non plus néces-. saire 1 • Pareilles conceptions ne pouvaient guère favoriser la formulation méthodique d'un code de droit pénal. Outre les difficultés inhérentes à l'expression d'une idéologie révolutionnaire entièrement nouvelle en cette matière, les juristes soviétiques de la première heure étaient mal pourvus, professionnellement, pour rédiger un code incorporant des innovations importantes sur les techniques législatives ou la prévention et la répression du crime. Le code pénal de la République russe (R.S.F.S.R.) de 1926 se révéla, dès le départ, un médiocre instrument et fut constamment l'objet d'amendements. Alourdi de plus en plus par des ajouts maladroits, le code devint une masse informe de dispositions pénales dénuée d'un principe fondamental, voire d'organisation dans la forme. Les juristes et les législateurs qui ajoutèrent au code se souciaient peu de sauvegarder ses premiers préceptes ou sa terminologie. En somme, depuis la période initiale, l'ambiance dans laquelle s'effectuait l'œuvre législative du domaine judiciaire se caractérisait par le manque d'expérience, la négligence des aspects techniques des méthodes de législation et un penchant - même parmi les juristes les plus éminents - à voir les choses d'un point de vue idéologique et politique plutôt que juridique. L'un des traits remarquables du code de 1926 était la clause d'analogie (article 16) qui permettait d'imposer la responsabilité pénale à celui qui avait commis un acte portant atteinte à l'ordre social, non expressément interdit par la législation criminelle - laissant par là au régime la liberté d'infliger des sanctions à des gens dont ·il considérait les actions comme contraires à. ses intérêts politiques ou économiques. Autre caractéristique du droit criminel durant l'ère stalinienne, la responsabilité pénale était déterminée par les critères objectifs de l'acte criminel, et non par le degré de culpabilité personnelle .du délinquant. Suivant le code pénal moderne de la plupart des pays occidentaux, la responsabilité ainsi que le type et le degré de sévérité de la peine sont liés à la forme et au degré d'intention subjective du délinquant. La responsabilité absolue, fondée sur le critère objectif qui veut que la peine suive l'acte indépendamment de l'intention du délinquant, est relativement rare dans la législation criminelle des pays occidentaux; elle concerne surtout les 1. Cf. E. B. Pachoukanis : « La théorie générale du droit et le marxisme», in la Thêorie Juridique soviêtique, 1951, pp. 221-225. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE infractions mineures (telles que les entorses au code de· la route) où la loi prévoit expressément la responsabilité absolue. Au contraire, le code pénal de l'ère stalinienne ne faisait pas, entre les divers actes crimh1els, de distinction fondée sur le degré de culpabilité. Le code de 1926 définissait tous les actes portant atteinte à l'ordre social comme des crimes passibles de sanction, qu'ils aient été commis avec intention ou par négligence. Le juge soviétique n'était pas chargé de déterminer le degré de culpabilité ; il était plutôt autorisé à imposer une sanction proportionnelle au danger social représenté par l'acte délictueux. De par leur effet général, les actes législatifs et les procédures caractéristiques du droit pénal durant l'ère stalinienne offraient donc un instrument commode pour appliquer la politique gouvernementale à différents domaines de la vie sociale et publique. Mais ils étaient parfaitement inadéquats pour garantir les droits de l'homme et les libertés individuelles. Iniquités judiciaires L'ADMINISTRATION stalinienne de la justice était encore davantage influencée par la médiocrité des tribunaux et le manque d'avocats compétents. On incitait les tribunaux à infliger des peines sévères chaque fois que d'importants intérêts d'Etat réclamaient des mesures préventives. Les juges travaillaient dans des conditions dans lesquelles l' « édification du socialisme » - ce qui signifiait extension constante de la surveillance gouvernementale dans divers secteurs de l'activité sociale et économique - s'accompagnait d'une prolifération de peines très sévères. Selon feu Vladimir Gsovski, qui faisait alors autorité en la matière, à une certaine époque du régime stalinien, le droit pénal stipulait la peine de mort pour 74 crimes, certains étant . définis en termes si vagues qu'ils laissaient une grande· place à l'arbitraire. Pour 32 formes de crime, la peine de mort était impérative 2 • A l'origine, les dispositions du code de 1926 n'étaient pas applicables aux mineurs âgés de moins de 16 ans, lesquels étaient soumis à des règles spéciales. En 1935, le code fut modifié de façon à abaisser à 14 ans l'âge de la responsabilité pénale et à prévoir que « les mineurs ayant atteint l'âge de 12 ans qui sont accusés de vol, de violences, coups et blessures, mutilation, meurtre ou tentative de meurtre seront jugés par un tribunal criminel, qui pourra leur infliger 2. V. Gsovski et K. Grzybowski : Government, Law and Courts !fo.tlie Soviet Union and Eastern Europe. Londres 1959, t. Il, pp. 939-
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