LE CONTRAT SOCIAL s'est montrée complaisante à tant de charlatanerie, acceptant de « subir la loi du mensonge triomphant qui passe », comme disait Jaurès, laissant au Canard enchaîné l'honneur quasi exclusif de réagir contre le débordement du stalino-chauvinisme en question. Personne ne peut tout lire, mais au moins un courageux et véridique article de la Nation française du 16 septembre dernier, réfutant « cette grande imposture de la libération de Paris par ses propres moyens » mérite d'être signalé, mériterait d'être cité en long et en large. Quant à la mémoire de Jean Moulin, victime authentique de son combat contre le nazisme, elle a été traitée de telle sorte qu'un rapide coup d'œil sur les revues de presse, entre autres dans le Monde du 26 décembre, suffit à donner la nausée : ces querelles politiciennes autour du transfert des cendres au Panthéon discréditent à jamais la signification traditionnelle conférée à un tel hommage. Qui pourra discerner la vérité dans ce brouhaha d'affirmations contradictoires et partisanes ? La vérité est le dernier des soucis de ces messieurs qui, ayant accaparé le patriotisme et la résistance, monopolisent en outre la presse et les tribunes. Après cela, les âmes bien nées dont parle le poète tragique n'ont guère eu le cœur à prendre part aux commémorations de la« victoire». Quelle victoire? Quarante millions d'hommes mobilisés, sans compter les civils, les femmes et les enfants, ont payé de leur vie les ambitions scélérates de Staline et d'Hitler, les entreprises hégémoniques conjuguées du communisme et du nazisme, mais le sang ne cesse de couler partout dans le monde où les influences de Moscou et de Pékin se font sentir. Des cuistres solennels ont expliqué, en Amérique et ailleurs, que « nous avons gagné la guerre et perdu la paix ». En fait, on ne saurait gagner l'une sans l'autre. Vingt ans après la capitulation de l'Allemagne, telle est la sombre réalité à laquelle, passées les réjouissances d'anniversaires, nos démocraties aveugles auront à faire face. Re-cc Pax» LE LIVRE du socialiste polonais Lucien Blit : The Eastern Pretender, qui vient de paraître à Londres (éd. Hutchinson), fait état des dépositions d'un certain colonel Joseph Swiatlo, ex-communiste au service de la police secrète soviéto-polonaise pendant huit ans, qui, après l'exécution de Béria en 1953, se réfugia à Berlin-Ouest et y obtint asile. Ce tchékiste de haut grade s'étant c, mis à table », comme on dit chez nous, ses aveux et révélations ont été examinés, recoupés et vérifiés depuis lors par les autorités compétentes et reconnus exacts. La France catholique du 28 mai en donne un résumé substantiel qui, au-delà de toute attente, confirme l'article d'Alexandre Korab paru dans le Contrat social (n° 2 de 1958) et notre article sur Pax, même revue, n° 1 de l'année présente. Biblioteca Gino Bianco 207 L'organisation Pax en Pologne, sous camouflage catholique, fondée et dirigée par le phalangiste antisémite Boleslaw Piasecki vendu au pouvoir stalinien, est en réalité une création d'Ivan Alexandrovitch Serov, le sinistre chef de la police soviétique dont les états de service ne peuvent inspirer que dégoût et horreur. C'est à lui que Staline, en 1943et 44, confia la mission de déporter en Sibérie les Tchétchènes, les Ingouches, les Kalmyks du Caucase, les Tatars de Crimée. Il avait auparavant fait ses preuves en tant que bourreau des Etats baltes où il « liquida » les élites indésirables à Staline. Il s'illustra ensuite comme dirigeant du Smerch, organe spécial des sanglantes « épurations » dans les territoires occupés par l'armée soviétique. Piasecki, accointé avec la Gestapo, arrêté par le Guépéou, avait trop de crimes à son actif pour échapper à la peine capitale : il se tira d'affaire, pourtant, car « il donna les noms de ses amis, même les plus proches », dont un grand nombre « payèrent de leur tête la confiance qu'ils avaient mise en Piasecki ». Après quoi, celui-ci se mit servilement aux ordres d'Ivan Serov pour accomplir les plus infâmes besognes de mouchardage, de noyautage, d'espionnage, de chantage, de corruption et de provocation dans l'Eglise catholique polonaise. Il faut lire, au moins dans la France catholique, le récit de ces turpitudes peu édifiantes sur lesquelles le « progressisme » (sic) catholique semble passer l'éponge, notamment en France. On attend avec intérêt, on lira avec attention les commentaires que ne manqueront pas de donner, à ce sujet, les Informations catholiques internationales, naguère si complaisantes aux stalino-fascistes de Pax, ramification policière des services secrets soviétiques dans le monde catholique en France et en Italie ainsi qu'en Pologne. Car l'agent tchékiste Piasecki, zélateur salarié de « la rencontre de la doctrine chrétienne et de la doctrine m;uxiste », a eu le front de rôder à Rome dans les éoulisses du Concile, après avoir infecté le catholicisme en France sous prétexte de « dialogue ». Ce n'est pas là un des aspects les moins odieux de la guerre froide déguisée en « coexistence pacifique ». Livres reçus - LÉON EMERY : De Montaigne à Teilhard de Chardin via Pascal et Rousseau. Lyon 1965, les Cahiers libres, 144 pp. - KARL MARX et FRIEDRICH ENGELS : Œuvres choisies en deux volumes. Tome I. Moscou, s.d., Editions du Progrès, 729 pp. - }HAN-PAUL CHARNAY : Le Suff1·age politique en France. Elections parlementaires, élection présidentielle, référendums. Préface de Marcel Prélot, Paris-La Haye 1965, Mouton & Co édit., 832 pp. - RAYMOND ARON : Essai sur les libertés. Paris 1965, Calmann-Lévy édit., 235 pp.
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