L'OBSERVATOIRE des deux Mondes Il est des choses dont on n'inspire bien l'horreur qu'en en parlant comme le peuple, dans les termes les plus énergiques, toute expression détournée pouvant paraître une atténuation du crime plutôt qu'un égard aux bienséances. P.-J. PROUDHON. Anniversaires LES ((PRINCESQUI NOUSGOUVERNE)N) Tont décidé, cette année comme l'année dernière, de célébrer les anniversaires de victoires aussi éphémères que coûteuses en y mêlant d'abord celui d'un irréparable malheur, la guerre de 1914, ensuite ceux de légendes honteuses et d'impostures flagrantes. Tout cela, teinté de nationalisme abusif, corsé de chauvinisme en délire, et singulièrement au bénéfice de la plus scandaleuse propagande communiste. Que l'idée saugrenue de célébrer le désastre de 1914, ce début de guerre civile européenne, cette première phase du suicide de l'Europe, que cette idée passe l'entendement, on peut se dispenser de le démontrer. Mais sur le reste, dont il est impossible ici de faire justice point par point, on ne saurait sans mauvaise conscience garder le silence. Clemenceau, qui n'eut pas raison ni tort en toutes choses, mais fit preuve d'une étonnante lucidité dans son domaine propre ainsi que de qualités exceptionnelles dans des circonstances mémorables, Clemenceau dont la statue essuya tant d'hommages officiels disait en 1927 devant son mémorialiste Jean Martet : « Retenez bien ce que je vous dis : dans six mois, dans un an, cinq ans, dix ans, quand ils voudront, les Boches entreront chez nous» (Le Silence de M. Clemenceau, Paris 1929). C'est exactement ce qui s'est produit. Cela donne du poids à d'autres réflexions pertinentes du même Clemenceau, consignées dans le même livre, à propos des prétentions de certaines gens : « Les Grecs l'avaient senti, ça : la qualité suprême, pour les nations comme pour les individus, c'est, pensaient-ils, la modestie, qui, seule, permet à ceux-ci et à celles-là de garder leur clairvoyance et de marcher, jusqu'au bout, dans la bonne voie. L'Allemagne a manqué de modestie. Elle n'a pas eu précisément à s'en féliciter. » Dans la France de nos jours, la modestie coule à pleins bords : aussi a-t-on célébré, l'an dernier, Bi·blioteca Gino Bianco l'anniversaire des débarquements [alliés] comme si les Anglais et les Américains n'y avaient eu aucune part. Des esprits chagrins objectent que ces «étrangers» ont perdu dans cette guerre voulue par Hitler et Staline plus de 700.000 hommes, dont un très grand nombre dorment de leur dernier sommeil en terre de France. Impossible de se faire entendre dans le " tumulte des cuivres et des grosses caisses. En revanche, les zélateurs du pacte conclu par Staline avec Hitler, les défaitistes de la fraternisation avec les nazis, les saboteurs de la défense nationale, les communistes qui traitaient de Gaulle de « fuyard jusqu'auboutiste de Londres», de « traîneur de sabre » capable de « faire tuer des Français pour l'Angleterre », les communistes se pavanent au premier plan des cérémonies tricolores. Encore Clemenceau : « Les Français sont amnésiques. » Non seulement l'Angleterre et les Etats-Unis ne sont pour rien dans la libération de la France et de l'Europe, nous a-t-on révélé à l'occasion des anniversaires de 1944, mais en outre Paris s'est libéré tout seul. Silence aux incrédules : les « séparatistes », comme ne dit plus l'autre, ont mis l'ennemi en déroute, ayant à leur tête le déserteur Maurice Thorez et à leur queue M. Louis Aragon sonnant la charge sur l'air de «Vive le Guépéou! Feu sur Léon Blum!» La Radiodiffusion française, toujours à la dévotion des « sans-scrupules conscients » du pseudo-marxismeléninisme, n'a pas craint de mettre en ondes pendant sept jours leurs boniments et ceux de leurs complices en résistantialisme, au nom de la « vérité historique >> à la mode de Moscou (où les éditions successives de l' Histoire du Parti sont envoyées au pilon et récrites à chaque crise du pouvoir). La Révolution prolétarienne, revue syndicaliste, a dénoncé, non sans bonnes raisons, dans son numéro de septembre 1964 le scandale d'une exposition à la Bourse du Travail où « le parti commun;ste outrage la plus élémentaire vérité historique en se présentant comme organisme prioritaire dans la Résistance. Bien entendu, l'exposition utilise la falsification, aujourd'hui établie, de l'appel publié dans l'Humanité clandestine du 13 juillet 1940 qui, lorsqu'il fut écrit, ne contenait aucune phrase contre l'occupant nazi. » La presse bourgeoise, dans son ensemble,
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