Le Contrat Social - anno IX - n. 3 - mag.-giu. 1965

QUELQUES LIVRES l'Allemagne, quand il s'agit d'organiser la paix, nous ne connaissons plus d'obstacle (...), nous sommes prêts à toucher toutes les mains, même souillées de sang » ? Pareille déclaration donne tout son sens, deux ans à l'avance, à l'accueil que, président du Conseil, Blum réservera au Dr Schacht, ce qui lui valut de Thorez une lettre de protestation qu'on s'étonne de ne pas trouver dans ce volume avec la réponse de Blum. Pourquoi aussi avoir laissé là où bien peu iront les rechercher ces lignes où s'exprime et s'explique à la fois un sentiment tout personnel qui devait peser lourd sur l'évolution de la politique internationale : une hostilité sans rémission contre Mussolini, plus vigilante et plus exigeante que l'horreur qu'Hitler inspirait à Léon Blum (l'article s'intitule : « Les deux augures » ; il est du 5 janvier 1935)? M. Laval est donc à Rome. Pour la première fois, un ministre français est l'hôte de l'assassin de Matteotti. Pour la première fois, un représentant de la République française reconnaît le tyran de l'i talle comme un chef d'Etat par l'initiative déférente de sa visite. (...) Les deux « hommes d'Etat» se reconnaîtront au premier coup d'œil. Pour assurer au «contact» un caractère de communion intime, ils n'auront qu'à échanger leurs souvenirs. Quelle étrange rencontre et quel singulier Biblioteca Gino Bianco 205 jeu du sort ! Ils sont à peu près du même âge, ils ont à peu près la même origine, le même passé, la même histoire. Tous deux sortent de nos rangs. Tous deux, pour faire plus promptement leur trouée, ont débuté par ce qu'il est convenu d'appeler l'extrémisme. Même point de départ, mêmes procédés pour abréger la route. Seulement, M. Mussolini, qui a plus d'audace (...), s'est détaché plus vite, a marché plus fort, et est arrivé plus loin. (...) A l'œuvre, messieurs les augures, qui n'aurez pu d'abord vous regarder sans rire. « Tous deux sont sortis de nos rangs. » Voilà la grande raison. Voilà pourquoi si longtemps, en des heures décisives, la France n'a pas eu d'ambassadeur à Rome. Léon Blum n'a jamais pardonné à ceux qui ont quitté le parti auquel luimême se dévouait, auquel il n'admettait pas qu'on refusât de se sacrifier, auquel on peut bien dire que pour une part il se sacrifiait. Cette affirmation paraîtra étrange, s'agissant d'un homme dont la fidélité au parti a fait un chef de gouvernement. Elle le semblerait moins si, en choisissant dans son œuvre publique, on n'avait pas écarté, outre ce qui est marqué du sceau de l'erreur, certaines échappées qui révèlent - certes, avec la rapidité de l'éclair, et les volets sont refermés bien vite - que sa pensée propre et son propre penchant ne coïncidaient pas toujours avec sa pensée de parti. CLAUDE HARMEL. /

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