QUELQUES LIVRES à la préposition allemande correspondante ? Il est permis d'en douter. Si l'on remplace « mit der grossen Industrie » par « mit der Entwicklung der grossen Industrie », le sens de « mit » semble bien être temporel. D'ailleurs on lit, une dizaine d'alinéas plus haut, s'agissant du prolétariat : « Sein Kampf gegen die Bourgeoisie beginnt mit seiner Existenz (Son combat avec la bourgeoisie commence avec son existence) », et là, « mit » ne peut avoir ni un sens d'accompagnement ni un sens instrumental : sa signification est strictement temporelle. Et nous remarquons du reste que Sachs-Villatte ne laisse pas de mentionner cette acceptation temporelle. C'est sans doute s'attarder bien longtemps sur une vétille. Mais les vétilles, chez notre auteur, prennent figures d'affaires importantes. Ne consacre-t-il pas des dizaines de pages à comparer les éditions ? Non pas seulement les premières éditions, mais toutes les éditions allemandes importantes jusqu'à 1912. C'est qu'il faut relever les variantes, pensera-t-on. Sans doute. Mais une page eût suffi pour les mentionner toutes. Alors, dira-t-on, c'est qu'il fallait donner la possibilité de dénombrer les premiers tirages. Certes, mais l'auteur ne nous fait grâce ni d'un o, d'un h, d'un t écrasés, ni d'un caractère tombé au-dessous de la ligne, ni d'une signature d'imprimerie (cette indication qui figure au bas de la première page de chaque cahier, afin de guider les brocheurs) dans l'édition de 1912. Il est presque inutile de dire qu'il a décompté les i sans point et les lettres cassées dans diverses éditions. A quoi peut servir cet examen microscopique ? A rien. Nous voulons bien que les variantes de la traduction de Laura Lafargue puissent avoir quelque prix, mais pourquoi nous faire connaître les coquilles typographiques, les caractères écrasés, les espaces erronés de la première traduction anglaise, sinon pour avoir une place à part dans le paradis marxiste ? On n'en finirait pas d'énumérer les traits de ce genre. La partie purement bibliographique elle-même, qui a son intérêt, abonde en détails d'une insurpassable inutilité. On remarquera notamment que l'auteur s'est attaché à relever les citations du Manifeste dans les écrits des socialistes ou essayistes du xixe siècle. Ce souci serait légitime si le prophète Marx n'avait laissé qu'un seul texte, et que tout le reste fût des Pères de son église. Mais comme il a beaucoup écrit, une recherche d'influence fondée sur le seul Manifeste du parti communiste n'a rigoureusement aucun sens, et Marx aurait lieu d'être surpris de cette importance attachée à un seul de ses écrits, comme si ces quelques pages lui avaient été dictées sur le Sinaï et que luimême, ensuite, se fût borné à commenter ce que !'Esprit saint, un jour, lui avait révélé. En appendice, l'auteur donne une chronologie de 218 éditions et traductions qui, publiées de 1919 à 1959, sont citées dans l'ouvrage. On est tenté de pense_rque cette liste s'efforce ~ependa~t d'être exhaustive. Elle ne l'est pas. Plusieurs éd1Biblioteca Gino Bianco 197 tions françaises en sont absentes, notamment celle qui, pour cette période, est la plus importante : la traduction de Molitor (chez Costes), qui est faite sur la première édition allemande, donne les variantes des autres traducteurs français, s'accompagne de documents inédits en français ainsi que d'un texte de Riazanov traduit par Léon et Michel Bernstein, enfin est précédée d'un avantpropos de Bracke-Desrousseaux. Cette édition oubliée avait pourtant été mentionnée par M. Andréas (n° 320 de sa bibliographie) sous la date de 1953. Elle est en réalité de 1934. Le livre de M. Andréas se termine par un facsimilé intégral de la première édition du Manifeste. Cela ajoute du prix à un ouvrage qui, en dépit de tout ce qu'on a dit, présente un intérêt évident, et dont on n'aurait dit que du bien si ce qu'il apporte d'utile avait été condensé en quelques dizaines de pages. YVES LÉVY. Usines à journaux NICOLASFAUCIER: La Presse quotidienne. Ceux qui la font. Ceux qui l'inspirent. Paris 1964, les Editions syndicalistes, 343 pp., 19 planches horstexte. VOICI,SEMBLE-T-ILle, premier livre des Editions syndicalistes. Si la couverture n'est pas de très bon goût, elle exprime en revanche assez bien le contenu du livre. On y voit un linotypiste à sa machine, un rotativiste à la sienne, un maigre crieur de journaux, de gras financiers ricanant devant des coffres-forts. On n'y voit pas de journaliste. On }le saurait mieux caractériser ce livre que ne fait l'auteur lui-même dans son avant-propos : « Si, écrit-il, de nombreux ouvrages ont été écrits sur la presse, son histoire, ses vicissitudes, bien peu d'auteurs se sont préoccupés des conditions dans lesquelles s'exerce l'activité de ceux qui la font, de l'atmosphère très particulière des usines à journaux, des luttes menées par les travailleurs de la presse pour la conquête d'avantages matériels et moraux qui les situent en bonne place dans le mouvement ouvrier. » Ce sont, en effet, les grandes usines à journaux de Paris telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui que décrit Nicolas Faucier, correcteur. Et l'on regrette qu'il ne s'attarde pas plus qu'il ne fait à peindre le travail des ateliers : composition, mise en pages, correction, clichage, etc., car c'est là la meilleure partie de son livre. Homme des ateliers, Nicolas Faucier les connaît bien. Il ne connaît pas les salles de rédaction, et se borne à quelques indications sur les techniques de transmission, les syndicats de journalistes. Il ne connaît certes pas mieux les bureaux des dircc-
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