Le Contrat Social - anno IX - n. 3 - mag.-giu. 1965

174 sions radiophoniques, conférences et documents destinés à être imprimés, rendus publics ou diffusés ». Il était également prescrit à cet organisme de dresser une liste des œuvres dont la publication et la distribution étaient interdites 7 • Le 10 août 1931, ledit Conseil décréta que, sauf rares exceptions, tout écrit devait porter sur la dernière page le numéro du représentant local du Glavlit qui en avait autorisé la publication 8 • Le 26 février 1934, un autre décret établissait des critères spéciaux pour la censure de tous les films, pièces de théâtre, émissions radiophoniques, ballets et numéros de cirque, qu'ils soient importés ou destinés à l'exportation. N'importe quelle œuvre ou manifestation artistique pouvait être interdite pour les motifs les plus divers, allant de la «propagande contre le régime soviétique et la dictature du prolétariat» et de la « divulgation de secrets d'Etat» jusqu'à la «mollesse idéologique », à la «pornographie » et au « caractère antiartistique » 9 • Ainsi, les censeurs devenaient non seulement les gardiens de la pureté politique et des bonnes mœurs, mais également les juges de ce qui est artistique et de ce qui ne l'est pas, leur verdict étant sans appel. Le 1er novembre 1934, un décret collectif du commissariat de l'instruction publique et du commissariat de la Justice de la R.S.F.S.R. ainsi que du commissariat de l'Intérieur de l'U .R.S.S. (le N.K.V.D.) confirmait les décrets antérieurs et établissait des dispositions spéciales de confiscation. Les pièces de théâtre, les films, les ballets, etc., devaient être examinés par les censeurs dix jours au moins avant leur première officielle et, à chaque représentation, deux sièges devaient êt~e réservés aux censeurs dans les quatre premiers rangs. Dans le domaine du livre, la présentation ellemême dut être approuvée par les censeurs à la suite de l'ordonnance du Glavlit n° 149, du 11 août 1935, qui déclarait la guerre au «formalisme» (lisez : modernisme) des « jaquettes » et des reliures 10 • Les errata n'étaient autorisés que pour les petites erreurs typographiques qui ne devaient pas dépasser le nombre de dix, sinon « les pages devaient être arrachées ou ajoutées par collage». L'objectif était évidemment de. permettre les 7. L. G. Foguélévitch : Directives fondamentales et législation concernant la presse. Recueil systématique, 5e éd., Moscou 1935, p. 110. 8. Ibid., p. 112. Les exceptions sont plus nombreuses depuis la mort de Staline. Ainsi, pour des raisons évidentes, les publications du Comité central du Parti échappent à cette règle. Il en est de même pour les publications destinées aux lecteurs non soviétiques, particulièrement ceux des pays occidentaux, qui pourraient être choqués par un visa de censure par trop visible. Les publications religieuses ne portent généralement pas ce visa, peut-être parce que celui-ci pourrait être faussement interprété comme une approbation tacite, alors qu'il s'agit d'une simple tolérance. D'autre part, les remarques impromptues de Khrouchtchev lui-même ont été soigneusement « revues » dans bien des cas avant d'être publiées. 9. Ibid., p. 121. 10. Ibid., pp. 117, 122-23 et 125. BibHotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE mises à jour successives de l'histoire soviétique 11 • Pour encourager les auteurs dans ce sens, le Conseil des commissaires du peuple de !'U.R.S.S. décréta, le 17 août 1934, que« les éditions révisées et corrigées ne sont pas considérées comme des réimpressions » ; autrement dit, la «vigilance » pouvait dorénavant rapporter des droits d'auteur supplémentaires 12 • Autre trait caractéristique des années 30, l'épuration périodique des livres et revues dans les bibliothèques. Epurations si drastiques qu'en 1935 un haut fonctionnaire du Glavlit ordonna de mettre fin au « chapardage » dans les bibliothèques 13 • Dans les années qui suivirent la deuxième guerre mondiale, l'ingérence dans le domaine du livre ne fit que s'accentuer. Ainsi, le 22 mai 1952, le Comité central du P.C. de l'Union soviétique ordonna de suspendre la publication de l' œuvre en cinq volumes de M. I. Mikhaïlov, auteur prérévolutionnaire, sous prétexte que les premiers volumes renfermaient des écrits «d'une maturité incomplète du point de vue politique et artistique », sans compter des traductions de «poètes étrangers réactionnaires » 14 • Les efforts acharnés pour remanier les œuvres de nombreux auteurs soviétiques bien connus allèrent de pair avec la multiplication des titres figurant à l'index 15 • Buts et méthodes LE «DÉGEL»qui suivit la mort de Staline se traduisit par un relâchement dans l'application des lois de censure. Toutefois, les textes euxmêmes n'ont jamais été abrogés et, à tout moment, on peut revenir à une application plus stricte de la lettre et de l'esprit de ces textes. D'autre part, nombre de pratiques anciennes n'ont pas cessé. Leur but, qui est de surveiller la pensée, est 11. Ibid., p. 117. L'exemple le plus récent et le mieux connu de l'expurgation d'un «erratum» important est le traitement infligé à l'article concernant Lavrenti Béria, ancien chef de la police secrète, dans le vol. V de la 2 e éd. de la G.E.S., publié à l'origine en 1950. A la suite de l'exécution de Béria comme « traître » en 1953, les souscripteurs à 1' Encyclopédie reçurent plusieurs nouvelles pages avec les instructions suivantes : « Couper les pages 21 à 24 du vol. V, y compris le portrait grandeur nature, et les remplacer par le texte ci-joint. » Le nouveau texte, destiné à remplacer la carrière et le portrait de Béria, comprenait une série d'illustrations sur la mer de Béring et des articles sur Auguste de Beriot (violoniste belge) et Friedrich Wilhelm Bergholz (courtisan à la cour de Holstein au XVIIIe siècle). Cf. Paul L. Horecky : Libraries and Bibliographie Centers in the Soviet Union, Indiana University Publications (Slavic and East European Series, vol. XIV), 1959, p. 156. 12. Foguélévitch : op. cit., p. 77. 13. Horecky : op. cit., pp. 156-57; et Fainsod, /oc. cit. 14. Documentation sur la presse soviétique, Moscou 1961, pp. 35-56. 15. La question des révisions de textes, effectuées dans les œuvres littéraires soviétiques pour les rendre conformes à la politique du moment, a fait, de notre part, l'objet de deux articles : « New Editions of Soviet Belles-Lettres : A Study in Politics and Palimpsest », in The American Slavic and East EuroPean Review, fév. 1954, pp. 72-88; et « Soviet Literature and Retroactive Truth », in Problems of Communism, janv.-fév. 1954, pp. 31-39.

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