LE STALINISME* par B. LE TERME DE STALINISME n'était pas d'usage public sous Staline, du moins dans l'Union soviétique ni dans le mouvement communiste international. Ce sont les adversaires du «Secrétaire général» qui l'employaient d'une manière péjorative pour marquer une distinction entre les pratiques, puis les théories de Staline et celles de Lénine. On a vu apparaître, parfois, le mot stalinisme ou l'expression marxismeléninisme-stalinisme dans la presse soviétique, mais épisodiquement et sans qu'ils s'implantent. En fait,« stalinisme» n'a longtemps eu cours qu'à l'étranger et, encore à présent, n'est guère entré dans le langage courant des communistes. Sous Staline, il ne fut question que de marxismeléninisme, de même que sous Lénine le terme de léninisme n'ayant pas droit de cité, il n'était alors question que de marxisme. «Stalinisme » ne figure dans aucune édition des encyclopédies soviétiques ni des dictionnaires politiques du communisme, où pourtant tous les «ismes » abondent. «Marxisme-léninisme» n'existe pas encore dans les deux premières éditions de la Petite Encyclopédiesoviétique (1930 et 1937) ni dans la Grande Encyclopédiesoviétique de 1938, ni dans le Dictionnairepolitique de 1940. Ce synonyme officiel de stalinisme ne sera décidément consacré qu'après la guerre dans les ouvrages soviétiques de références. D'après la seule définition du stalinisme connue en Occident, celle de la ConciseEncyclopaediaof Russia 1 de S. V. Utechin, le stalinisme serait« la théorie et la pratique du pouvoir quasi totalitaire de Staline dans l'Union soviétique, les Etats satellites et le mouvement communiste mondial ». • Rapport krit pour etre lu à la conf~encc tenue en octobre 1964 à l'Univerait6 Stanford., en Californie, sur l'initiative et 10U1 1'6gide de l'lmtitution ..Hoover., donc cUpourvu de notes, lesquelles ont 6t6 ajout6es ensuite pour l '6dition en anglais des principaux rapports. Le texte français est quelque peu augment6 de notes compl~mentaires. 1. Londres 1961. Biblioteca Gino Bianco Souvarine Définition juste, mais qui mérite d'être nuancée, car la pratique précède la théorie : il s'agit essentiellement d'un ensemble composite de pratiques dont certaines ont été après coup érigées en théories, mais la plupart restées sans formulations théoriques, voire même dissimulées sous des formules contraires à la réalité. S.V. Utechin remarque ensuite : «La propagande communiste orthodoxe nie l'existence du stalinisme en tant que corps distinct de théories, soutenant que Staline a simplement développé et enrichi les enseignements de Marx et de Lénine ; depuis le :XXe Congrès du parti communiste, il est néanmoins permis de dire que Staline a commis des fautes. La théorie du stalinisme, en fait, est une combinaison de léninisme et de national-bolchévisme. » S. V. Utechin mentionne les principales caractéristiques du stalÏ!Usmetout en observant avec raison qu'elles sont pour la plupart «des postulats dogmatiques dans la forme et des notions fictives quant au contenu, conçus pour renforcer le conformisme du comportement public ». Il insiste d'autre part à juste titre sur l'importance des fictions, en les différenciant des mythes, dans le système de domination communiste, fictions auxquelles personne ne croit en Union soviétique et qui peuvent devenir des mythes à l'étranger, fictions abandonnées quand elles cessent de servir le pouvoir. Un aperçu du stalinisme moins sommaire que celui d'une encyclopédie «concise » implique donc son exposé alternativement pratique et théorique dans le déroulement historique. Il est logique de distinguer le stalinisme du marxisme et du léninisme, nonobstant les srm1litudes de vocabulaire et les emprunts formels de Staline à des concepts antérieurs qu'il a vidés de leur contenu initial. Quand les bolchéviks traditionnels se sont servis dudit vocable, c'est que des signes s'accumulaient pour indiquer un changement inquiétant des méthodes en vigueur à la direction du Parti, laquelle se confond avec le gouvernement légal puisque depuis longtemps le
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