Le Contrat Social - anno IX - n. 2 - mar.-apr. 1965

66 tissements annuels depuis 1963 ne v~rie guère, à le supposer digne de confiance..Ensu!te :iqtro~- chtchev a souligné que « pour tn~e~sdier 1 agriculture il est indispensable d'utiliser tous les progrè; techni9ues ré?!isés_dans les. pays ~mis du camp socialiste et d etud1er avec soin les resultats obtenus par la science e~ la pr~tique dans les pays capitalistes (...). Il serait stupide de ne pas étudier les réalisations de la science étrangère sous le seul prétexte qu'elles ont été obtenues par des pays capitalistes. »Khrouchtchev a J?aintes fois brodé sur le thème de l'exemple occidental, donc sur la fécondité d'une économie exempte de planification étatique et de centralisation bureaucratique autoritaire. Le mois suivant, M. Michel Tatu, correspondant du Monde à Moscou, rappelait le 24 mars un autre des innombrables discours de Khrouchtchev qui, le 28 février, avait « vivement dénoncé les méthodes de planification bureaucratique dans l'agriculture et posé avec netteté la question en laquelle beauco~p d'expe~ts - soviétiques et étrangers - voient effectivement le nœud des difficultés agricoles du pays : celle de l'autonomie de gestion». Une directive du Comité central en mars 1964 reprenait un décret du 9 mars 1955 stipulant : « La tâche fixée aux kolkhozes et aux sovkhozes par l'administration détermine les quantités et les qualités de produits agricoles qu'ils auront à fournir_ à . l'Etat .. Mais quant à savoir ce qu'une exploitation doit semer et sur quelle étendue, q~eJle quantité de béta_i}entretenir, comment utiliser la terre de maniere plus rationnelle afin d'en tirer le maximum et de remplir le plan de fournitures à l'Etat, ceci est l'affaire des kolkhozes eux-mêmes et des employés des kolkhozes. Ceux-ci connaissent mieux les conditions· de leur exploitation, ils sauront mieux en utiliser les possibilités. » Ladite directive condamne « comme nuisible et freinant le développement de l'agricult~~e la politique, co?sistant à planifier d'une maniere aveugle, a imposer d'en haut et ~ans cérémonie aux exploitations des objectifs, à fixer l'étendue des surfaces à ensemencer, leur structure, le nombre des têtes de bétail et autres objectifs de production ». Brejnev Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL répète donc à présent ce que le Comité central avait déjà formulé en 1955, dix ans plus tôt, et réitéré par Khrouchtchev l'année dernière. Il ressort de ces rappels et comparaisons de textes que le Parti avec Khrouchtchev n'a pas été capable de mettre en pratique ses considérations théoriques de 1955 et de 1964, pas plus qu'il n'avait su ni pu avec Staline suivre « sérieusement et pour longtemps » la nep de Lénine. Il se heurte évidemment à des obstacles qu'il ne saurait franchir ni contourner sans réviser les principes mêmes sur lesquels s'est fondé son pouvoir. Ce qu'il fera sans Khrouchtchev dépend précisément des facultés de « révisionnisme » qui s'affirmeront au Comité central dans un proche avenir, sous la préssion des exigences vitales que l'économie inspire à la politique. Dès à présent la direction collective du Parti donne entièrement raison à tous les critiques compétents et sérieux qui, en Occident, n'ont cessé de réfuter les prétentions soviétiques quant à la réalisation du socialisme par les « moyens barbares » dont a usé Lé~ine et abusé Staline. Et il apparaît bien que l'Etat pseudo-prolétarien s'avère impuissant à briser la résistance opiniâtre que lui oppose le moujik depuis près d'un demi-siècle. Le moujik, c'est-à-dire le « petit homme » au sens d'homme de peu, le manant, le vilain, le rustre, de nos jours le kolkhozien avec lequel le Parti omnipotent est obligé de compter. Le moujik avait imposé la nep à Lénine, il a désespérément résisté à la collectivisation forcée de Staline, il a fini par obtenir son lopin et sa vache, il a lutté sans répit à sa façon contre le Commissaire, autrement dit le fonctionnaire communiste, qu'il soit membre du Comité central ou secrétaire de cellule, de rayon, de district, de région, qu'il soit sous toutes sortes d'étiquettes commissaire de police ou commissaire du peuple. Aujourd'hui encore, le Parti recule devant le moujik. Non sans arrière-pensées, certes, mais il a cédé du terrain et concédé des « stimulants matériels et moraux». Le dernier mot n'est pas dit, mais à chaque tournant suffit sa peine. B. SOUVARINE. ,

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