L'OBSERVATOIRE DES DEUX MONDES il pe~ettait d'imprimer de telles inventions dans son Journal : « Avec un haussement d'épaules, il répondit qu'un grand pourcentage des masses désirait des légendes de cette sorte. » (A-t-on exagéré, dans le Contrat social, en qualifiant ce personnage cynique comme il le mérite?) Ce faux épisode tragi-héroïque figure encore dans les récentes notices nécrologiques « avec beaucoup d'autres de même sorte apocryphe et toutes font partie de l'histoire officielle du P.C. italien, largement admise». Aussi Silone estime-t-il de son devoir d'élever ses objections, « si désagréable que ce soit », selon lui,- de « noircir la réputation d'un homme que beaucoup admirent», mais parce qu'il faut « appeler l'attention sur les méthodes de propagande inséparables d'un système totalitaire ». (Encore n'a-t-il sans doute pas lu les articles éhontés que le Monde a osé publier pour exalter ce serviteur du stalinisme, présenté comme une sorte de Lénine national.) Le totalitarisme veut que le chef soit constamment glorifié « à l'exclusion de ses collaborateurs et possibles rivaux, identifié à l'histoire du Parti depuis l'origine, en dépréciant souvent l'œuvre des réels fondateurs, en le dépeignant avec toutes les vertus civiques et spirituelles, courage, continuité de vues, impartialité, désintéressement, prescience infaillible, en lui attribuant tous les succès, et à ses lieutenants tous les échecs ». A cette idolâtrie contribuent « la complaisance- de la presse libérale, la radio, la télévision, le cinéma, voire l'invocation publique du pape à la protection de la madone pour Togliatti lors de sa maladie finale ». Le mémorandum tant vanté ne décèle rien de sensationnel, dit Silone, même au lecteur le plus attentif. Togliatti se proposait de déconseiller à Khrouchtchev toute controverse idéologique avec Pékin, sachant que les Chinois auraient facilement le dessus en submergeant leurs camarades moscovites sous des avalanches de citations de Marx et de Lénine. Avis dicté simplement par le bon sens et la prudence. Quant au «polycentrisme », il signifie que chaque parti devrait être autorisé à une certaine autonomie en matière d'organisation et de tactique, alors que « sur les questions vitales de politique extérieure, tous les partis communistes devront naturellement continuer, comme par le passé, à prendre leurs ordres à Moscou ». Egalement de Moscou relèvent les initiatives et les limites de ce « polycentrisme ». (On est tenu ici d'abréger et de résumer, mais les termes sont fidèles au texte original.) Il semble étrange à Silone « que Togliatti, après avoir sollicité un petit peu plus d'autonomie, se proposât néanmoins de consulter Khrouchtchev sur les problèmes intérieurs du P. C. italien». D'autre part, tout en envisageant la conquête du pouvoir sans violence,« l'ambiguïté de Togliatti lui permet en même temps de condamner toutes les formes de révisionnisme ». (Silone est bien bon de trouver cela étrange ; de la part du maître Biblioteca Gino Bianco 131 fourbe en question, les contradictions les plus criantes sont monnaie courante.) Somme toute, « Togliatti n'outrepasse point le rôle de conseiller technique auquel il s'est résigné depuis qu'en 1929-30, après longue hésitation, il a rompu avec Boukharine pour se mettre aux ordres de Staline. Cet acte ne fut rien de moins qu'un suicide moral, après quoi son intelligence n'a fonctionné uniquement et simplement que comme instrument technique. Jamais, peutêtre, la politique italienne n'a produit un aussi parfait exemple de machiavélisme incarné. Il a servi de conseiller technique à Staline à travers les plus horribles épisodes de la terreur stalinienne : depuis la liquidation des éléments révolutionnaires dans la guerre civile espagnole jusqu'à l'extermination de tous les dirigeants du P. C. polonais. » (C'est en effet ce que rappelait notre dernière « Chronique » avant de rectifier la biographie mensongère que le Monde et ses succédanés ont copiée sans vergogne dans les publications communistes, mais ici en explicitant davantage la participation de Togliatti aux crimes de Staline.) Bref, le mémorandum de Ialta n'est en définitive que l'opinion d'un expert sur la meilleure manière de surmonter les difficultés actuelles du communisme. Ces quelques pages écrites à des fins pratiques immédiates peuvent difficilement ouvrir des horizons nouveaux à la pensée révolutionnaire, conclut Silone. Ajoutons de notre cru : comme l'imaginent tant de dupes stupides dans la presse bourgeoise, singulièrement en France. Ainsi se rejoignent pour l'essentiel, sans concert préalable, nonobstant les différences de forme, la « Lettre de Rome» d' Encounter, avec ses euphémismes, et la Chronique « Salmigondis à l'italienne », sans ménagements, du dernier Contrat social. -le COJY/l?il i revue l,istorÎ'[Ut' t't critÎfUt' Jes /11it1 et Jes ,°Jüs Rédaction - Administration: 199, boulevard Saint-Germain, Paris-1 9 LITtré 12-81 Abonnements: voir tarif au dos de la couverture. L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain numéro divers comptes rendus de livres et mention des titres de nombreux ouvrages reçus. SOCIÉTÉ DB GÉRANCE DE L'IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE D'ÉDITION 4S, rue Colbert - Colombes (Seine) u dir,ct,ur da la publication : L. Cancou!t D~t lqal: 29 trimestre 1965 Imprimé en France
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