130 verra, j'ai longtemps fait de mon mieux. Elle ne pouvait être prête avant l'été de 1943, même sur une petite échelle, et sa puissance, comme cela est maintenant reconnu en général, ne pouvait atteindre une ampleur suffisante avant 1944. A l'automne de 1941, nous n'avions pas la maîtrise de l'air sur l'Europe, sauf dans le pas de Calais, où se trouvaient les plus fortes fortifications allemandes. Les péniches de d~barquement n'étaient qu'en cours de fabrication. Nous n'avions même pas en Angleterre une armée aussi nombreuse, bien entraînée et équipée, que celle qui nous attendait en France. Cependant des Niagaras de sottises et d'erreurs se déversent encore sur cette question du deuxième front. Il n'y avait certainement nul espoir de convaincre le gouvernement soviétique à ce moment ni à tout autre. Staline me suggéra même plus tard que, si nous avions peur, il était disposé à nous envoyer trois ou quatre corps d'armée pour assumer la tâche. Je n'eus pas le pouvoir, faute de navires et d'autres conditions matérielles, de le prendre au mot. Churchill oublie ou fait mine d'oublier que Staline, d'un cœur léger, envoyait à la mort des millions d'hommes et ne pouvait admettre que son allié temporaire fût ménager du sang de ses compatriotes. Une hécatombe inutile sur la côte française n'était pas pour l'émouvoir. Les pertes militaires soviétiques avouées se chiffrent à 17 millions d'hommes, tandis que celles de l'Allemagne avoisinent 4 millions. Tout s'explique par l'inhumanité de Staline, sa médiocrité de généralissime, son infamie de politicien sans scrupules, non par l'incapacité de comprendre les conditions d'un deuxième front. A part cela, les démonstrations de Churchill sont irrésistibles et d'ailleurs tout observateur de bonne foi raisonne dans le même sens par ses propres facuités intellectuelles. Les péripéties tragiques et coûteuses de l' « opération Overlord » qui a délivré la France, puis l'Europe, à partir de 1944, ont pleinement justifié Churchill devant l'histoire. L'Angleterre qui longtemps a combattu seule sur trois continents et sur toutes les mers n'a pas de comptes à rendre aux mânes de Staline ni à ses piètres héritiers qui perpétuent, à des fins de guerre froide camouflée en coexistence pacifique, l'imposture du deuxième front entre d'autres impostures, par la plume de leurs domestiques dont Maïski est un prototype. Les historiens et mémorialistes soviétiques asservis, les « idéologues » professionnels du Parti qui ont charge de les styler, le monstrueux appareil de la propagande communiste à travers lemonde, ne manquent aucun prétexte pour mettre en relief leur version du deuxième front, une des pièces maîtresses du système d'interprétation des événements contemporains qui tend à gonfler démesurément la valeur militaire du régime soviétique aux yeux du public crédule et à déblatérer- sur l'Angleterre et les Etats-Unis qui ont sauvé !'U.R.S.S. en péril de mort. Cette entreprise sans précédent de falsification historique, intellectuelle et morale, a fait d'innombrables dupes d'autant plus aisément qu'à Paris, à Londres et à Washington, les mentors patentés de la Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL démocratie décadente ne se soucient aucunement d'enseigner la vérité au « peuple souverain » complètement désorienté. A Paris, les thèses communistes sont couramment répandues par la Radiodiffusion dite « française », par la presse dite « bourgeoise », par tous les mass media ainsi que dans l'Université, dans maintes institutions apparemment « bien pensantes». Churchill a dû consacrer une vingtaine de pages de ses Mémoires à faire justice de la diffamation communiste sur le seul point du deuxième front. Mais son volumineux ouvrage ne contrebalance pas les torrents de littérature fallacieuse et frelatée dont Moscou est la source intarissable. On ne prétend nullement avoir ici épuisé le sujet, mais il y aura d'autres occasions d'y revenir. Togliatti LEMÉPRISABTLOEGLIATT(Iau moral) et son méprisable factum (au point de vue intellectuel), aidemémoire pompeusement appelé « testament » dans la presse bourgeoise occidentale, et dont il a été question dans la dernière « Chronique» du Contrat social, sont le thème d'une très pertinente « Lettre de Rome » signée Ignazio Silone dans la revue Encounter de Londres (n° de mars 1965). Il y a là une mise au point si juste qu'il serait dommage de la laisser ignorer aux lecteurs de langue française. I. Silone constate que le mémorandum de Togliatti a pris en France plus de signification qu'en Italie où les circonstances de sa rédaction et les intentions de l'auteur sont mieux connues. En fait il s'agit seulement de notes et de remarques préparées en vue d'une conversation avec Khrouchtchev qui n'a pas eu lieu. Leur publication solennelle en a fait un prétendu « testament politique» qu'elles ne sont nullement, contribuant à une mythologie de mauvais goût, même dans la presse « bourgeoise » qui se prête à beaucoup d'inventions ou de distorsions de la vérité comme toute organisation totalitaire en exige pour mélanger la propagande et la fable. A titre d'exemple, I. Silone relate une histoire rocambolesque datant de 1946, selon laquelle Togliatti aurait été collé au mur par des fascistes en 1922, mais sauvé de justesse par l'intervention providentielle d'un commando communiste, mensonge forgé de toutes pièces pour faire croire que la capture et l'exécution de Togliatti était un des objectifs de la marche fasciste sur Rome et que la faible Fédération communiste romaine était capable, non armée, d'accomplir un exploit aussi mémorable. Or la seule organisation antifasciste combative à l'époque, celle des « Arditi del Popolo », se composait de républicains, d'anarchistes et de socialistes. Silone venait de lire cette histoire absurde à Montecitorio en 1946 quand il se trouva par hasard devant Togliatti lui-même et saisit l'occasion de lui demander pourquoi 1,- ,.
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