M. J. MOODY fomie après huit ans d'efforts 27 • Ceux qui reçoivent une réponse négative font parfois appel directement aux plus hautes instances. Certains Arméniens ont procédé de la sorte 28 • Au moins une fois, cet appel a été couronné de succès. MmeEkatérina Aron Frese, âgée de 62 ans, avait fait sa demande trois ans et demi avant d'arriver à Vancouver. Par la suite, elle avait adressé sa requête à Mme Khrouchtchev. Peu après, elle recevait son visa de sortie 29 • On imagine parfois, bien à tort, que le fait d'être marié avec un étranger permet automatiquement à un citoyen soviétique d'émigrer. En fait, pendant plusieurs années après la fin de la deuxième guerre mondiale, le mariage entre un citoyen soviétique et un étranger était illégal. Le décret fut rapporté en 1954, mais les autorités s'emploient systématiquement à décourager ce genre d'union. Un commentaire juridique récent, tout en reconnaissant qu'il n'existe aucun obstacle légal, souligne la gravité de cet acte, en particulier lorsque l'étranger est originaire d'un pays doté d'un système social différent 30 • Plusieurs étrangers ont relaté les délais qu'on leur a imposés et les pressions sociales qu'ils ont eu à subir avant de pouvoir épouser un ressortissant soviétique. Le mariage avec un étranger peut certes faciliter l'obtention d'un visa de sortie pour le citoyen soviétique qui désire émigrer, mais elle ne la garantit en aucune façon 31 • Aux yeux des autorités soviétiques, chacun des époux conserve sa nationalité d'origine 32 • Le citoyen de !'U.R.S.S., comme toute personne en territoire soviétique, quelle que soit sa nationalité, doit encore obtenir un visa de sortie avant de pouvoir émigrer 33 • Si, à l'occasion, les rapatriés, les gens âgés et les personnes mariées avec des étrangers réussissent à obtenir le visa, d'autres ont parfois recours à des moyens désespérés. D'aucuns peuvent tenter de pénétrer dans une ambassade étrangère pour y trouver de l'aide. En 1963, trente-deux Sibériens, après un voyage de plus de 3.000 kilomètres, forcèrent le barrage des miliciens de garde et se réfugièrent à l'ambassade américaine de Moscou d'où ils espéraient pouvoir quitter !'U.R.S.S. Le gouvernement de Washington ne reconnaissant pas 27. cc Actress gets Grandmother out of Soviet after 8 Years », in N. Y. Times, 15 aoOt 1964. 28. Tanner, loc. cit. 29. u Mrs. Khrushchev Helps Soviet Woman Go to Canada», in N. Y. Times, 1er mars 1964. 30. M. M. Bogouslavski et A. A. Roubanov : Le Statut 1'gal des étrangers en U.R.S.S., Moscou 1962, p. 108. 31. Lee Oswald, l'assassin du président Kennedy, ~ parlé des délais imposés à son mariage avec une Russe et à 1 <?bte~- tion des visas de sortie : u Oswald Called It My " H1stor1c Diary " and It 1s », in Life, 10 juillet 1964, p. 30. 32. Article 8 du Code des lois concernant le mariage, la famille et la tutelle en R.S.F.S.R., Moscou 1961, p. 7. 33. dans Bogatikov, D.I., etc. : Crimes d:Etat parti~uculih'emmt dangereux, Moscou 1963, P: 86, 11.est spéc1~é que les conditions requises pou~ obtenir ur:i ~•sa de s~rtte s'appliquent aussi bien aux citoyens sov1ét1ques qu aux étrangers et apatrides. Biblioteca Gino Bianco 121 aux m1ss1onsétrangères aux Etats-Unis le droit d'accorder asile à des citoyens américains, les fonctionnaires de l'ambassade rejetèrent la demande des Sibériens et les remirent entre les mains de représentants du ministère soviétique des Affaires étrangères 34 • D'autres peuvent tout simplement tenter de traverser illégalement la frontière, qui par la voie des airs 35 , qui à pied. Ceux qui échouent ne doivent s'attendre à aucune pitié. Les lzvestia ont publié, il y a deux ans, un long article relatant l'histoire d'un garçon de dix-huit ans dont le père et la mère étaient tous deux membres du Parti et qui fut pris une nuit essayant de franchir la frontière pour atteindre l'Occident. L'article se terminait sur ces mots, lourds de sens : « Il a trahi ses parents et ses camarades. Il lui faut maintenant rendre des comptes à la justice de son pays 36 • » Pour des « crimes » de ce genre, l'arsenal juridique est bien fourni. Les non-frontaliers ne peuvent pénétrer dans les zones-frontières sans autorisation de la milice 37 • Le premier manquement à cette règle ne semble pas excéder une sanction administrative, mais la récidive est passible d'une amende ou d'une peine pouvant aller jusqu'à six mois de prison 38 • Si le candidat à la fuite approche de la frontière proprement dite ou la franchit, il peut être inculpé de départ illégal pour l'étranger aussi bien que de haute trahison. Au cas où il a tenté de prendre la fuite en avion, on peut l'accuser d'avoir violé les règlements internationaux concernant la navigation aérienne 39 • Les peines sanctionnant le départ illégal et les manquements au code de la navigation aérienne impliquent la privation de liberté ; la trahison, elle, est passible de la peine de mort. Le crime de haute trahison comprend « la fuite à l'étranger ou le refus de revenir de l'étranger » 40 • Il semble, dans chaque cas, que le poids du châtiment dépende des mobiles du coupable. Selo1LUncommentaire soviétique, si un citoyen quitte !'U.R.S.S. illégalement pour s'adonner à la contrebande, ou pour échapper aux consé34. c< Siberians, Rejected by US, Are Sent Home by Russians » in The Evening Star (Washington, D.C.), 4 janv. 1963. 35. Cf., par ex., Theodore Shabad : « Soviet Dooms Two Armenians for Trying to Hijack a Plane u, in N. Y. Times, 11 juin 1962 ; compte rendu fondé sur un article de la Komsomolskaïa Pravda. 36. Article de N. Dolenko in Izvestia, 6 fév. 1963. Traduit in The Current Digest of the Soviet Press, 6 mars 1963, pp. 32-33. 37. Article 10 du statut sur la protection de la frontière d'Etat de !'U.R.S.S., in Recueil des lois, 1938-61, p. 372. 38. Article 197 du Code pénal de la R.S.F.S.R., in Législation pénale de /'U.R.S.S. et des Rép"bliques fédérüs, Moscou 1963, p. 136. 39. Cf. les articles t I et 27 du statut sur la protection de la frontière d'Etat de l'U.R.S.S., /oc. cit. ; cf. également les articles I, 20 et 2 I de la loi sur la responsabilité pénale pour les crimes d'Etat, Recueil des lois, 1938-61, pp. 749-55. 40. Cf. l'article t de la loi sur la responsabilité pénale pour les crimes d'Etat, /oc. cit.
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