118 lions la population des Etats-Unis en 1960). Ainsi, statistiquement parlant, le citoyen américain avait vingt-cinq fois plus de chances de visiter l'U .R.S.S. en 1960 que le citoyen soviétique n'en avait de visiter les Etats-Unis. Ce tableau asymétrique ne s'applique pas seulement aux voyages entre l'U .R.S.S. et les EtatsUnis. Les statistiques de l'lntourist rendent également compte du tourisme entre l'Union soviétique et le monde non communiste. A partir du chiffre de population de chaque pays, il est possible de calculer d'une manière similaire la réciprocité des voyages entre !'U.R.S.S. et les Etats non communistes. Il en ressort que les citoyens de tous les pays non communistes, à la seule exception de l'Inde, avaient, en 1960, plus de chances de visiter !'U.R.S.S. que les citoyens soviétiques n'en avaient de visiter les pays non communistes. Les échanges entre !'U.R.S.S. et les Etats-Unis ont été plus actifs que ceux entre !'U.R.S.S. et l'Autriche la Belgique, la Fi_nlande,la France ou la Norvège. Alors que l'Inde avait à peu près les mêmes chances d'échanges de voyageurs que !'U.R.S.S., la Norvège représentait l'extrême opposé: un Norvégien avait 216 fois plus de chances de visiter !'U.R.S.S. qu'un Soviétique n'en avait de visiter la Norvège. Les statistiques pour 1960 ne rendent pas parfaitement compte de la réalité. Malgré les accords d'échanges culturels destinés à accroître le tourisme 2 , le nombre des Soviétiques à visiter les Etats-Unis tombe de 673 en 1960 à 450 en 1961. Pour 1962, le chiffre se réduit même à 77 personnes 3 • En 1963, la courbe remonte un peu pour dépasser légèrement 100 personnes 4 • Les avis divergent pour expliquer ces chiffres plus que modestes. Boris Krylov, chef du service des pays américains au Comité d'Etat pour les relations culturelles avec l'étranger, a récemment déclaré que ce phénomène s'explique par le prix élevé du voyage 5 • Celui-ci a été estimé à quelque 850 roubles (935. dollars américains) pour un séjour de deux semaines 6 • Cette version des choses 2. Quatre accords d'échanges soviéto-américains ont été conclus : en janv. 1958, nov. 1959, mars 1962 et fév. 1964. Tous se proposent de « favoriser l'accroissement du tourisme », quoique les termes mêmes varient d'un document à l'autre, reflétant ainsi la difficulté à s'entendre sur les privilèges réservés aux touristes. Pour les textes, cf. Treaties and Other International" Acts Series (TIASJ, n°8 3975, 4362, 5112 et 5582, publiés par le Département d'Etat, Washington, D.C. . 3. Les statistiques pour 1961 et 1962 sont empruntées à Report on Exchanges with the Soviet Union and Eastern Europe, n° 20, 1er janv. 1963, p. VII, document rédigé au Département d'Etat par le service des échanges avec !'U.R.S.S. et les pays d'Europe orientale. 4. Telle est l'estimation soviétique; cf. Boris Krylov : « Soviet American Cultural Exchanges Expanding », in USSR, juillet 1_964, p. 6. ,. 5. Ibid. -6. Wiiliam D. Patterson : « Can Impulse to Travel Ease Crisis? », in The Travel Agent, 25 sept. 1961, p. 83. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE n'explique pas les grandes variations d'une année à l'autre. Elle ne concorde pas non plus avec l'avis unanime des membres d'une mission américaine qui s'est rendue en U.R.S.S. en 1961 : 500.000 familles soviétiques ont les moyens de se payer le voyage 7 • En privé, il n'est pas rare d'entendre les représentants du gouvernement soviétique prétendre que le nombre restreint de voyageurs s'explique en réalité par la pénurie de devises étrangères. Or, à en juger par la quantité de dollars importés en U.R.S.S. par les touristes en provenance des Etats-Unis, il est évident que la balance de l'industrie touristique penche nettement en faveur de !'U.R.S.S. 8 • La véritable raison est ailleurs : le processus de sélection des touristes montre que les considérations de sécurité jouent en la matière un rôle capital. Sélection des touristes LA FILIÈRE à suivre pour partir à l'étranger, telle qu'elle est décrite par l'lntourist, est relativement simple. Le citoyen soviétique doit passer par l'intermédiaire de son syndicat. Chaque grand syndicat régional agit conformément à un « plan » de voyages pour l'année en cours, lequel a été établi en haut lieu. La formation de groupes pour tel pays et à telle date est annoncée par voie d'affiches. S'adressant à la mission américaine de tourisme en visite à Moscou en 1961, Nicolas N. Sméliakov, alors ministre du Commerce extérieur, affirma qu'il n'existait en U.R.S.S. aucune restriction officielle à des voyages aux EtatsUnis 9 , et vraisemblablement pour n'importe quelle destination. Les touristes soviétiques ne sont naturellement pas autorisés à partir seuls, et l'on ignore dans quelles conditions les personnes non affiliées à un syndicat peuvent entrer dans un groupe de voyage. L'lntourist oublie également de décrire la rigoureuse procédure requise avant qu'un Soviétique puisse être accepté dans un groupe patronné par un syndicat. Le paragraphe 5 de l'ordonnance concernant l'entrée et la sortie du pays stipule qu'un visa de sortie (ou son équivalent) est nécessaire à' un citoyen soviétique (ou étranger) quittant le territoire de !'U.R.S.S. 10 • A la fin de 7. Report of US Travel Mission, loc. c~t., p. 12. 8. Le nombre des citoyens américains à visiter !'U.R.S.S. atteignit son maximum en 1960, 14.000 personnes selon l'Intourist. Le chiffre tomba à quelque 12.000 en 1961 et à environ 9.000 en 1962. L'année 1963 est sujette à controverse : pour le Département d'Etat, il y eut 5.495 touristes, alors que Boris ,Krylov (cf. n. 4) avance le chiffre de quelque 16.000 personnes. 9. William D. Patterson : « 19.973 Ambassadors with Portfolio », in The Travel Agent, 10 août 1961, p. 87. 10. Règlement approuvé par la résolution n° 660 du Conseil des ministres de l'U.R.S.S. en date du 19 juin 1959. Le texte de ce règlement est reproduit dans le Recueil des documents concernant les questions du commerce extérieur de /'U.R.S.S., vol. 1, Moscou ·1961, pp. 272-75.
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